République démocratique du Congo. Des munitions provenant de Grèce, de Chine, de Russie et des États-Unis sont découvertes aux mains de rebelles en République démocratique du Congo

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

POL 30/050/2006 (Public)

En septembre 2006, des chercheurs de Contrôlez les armes ont visité des complexes à Bunia (dans le district d’Ituri, dans l’est de la RDC) pour obtenir des données photographiques relatives aux armes et munitions récupérées chez les forces rebelles depuis l’imposition de l’embargo des Nations unies sur les armes, en juillet 2003. Cette visite faisait suite à une mission de novembre 2005 sur le terrain, en Ituri, pour identifier l’origine des armes. Les groupes armés dans la région d’Ituri et la province voisine du Kivu ont été soumis à divers embargos sur les armes, notamment par l’Union européenne (imposé en avril 1993), et les Nations unies, depuis juillet 2003.

Les numéros de série et autres marques, notamment les poinçons sur les cartouches et les marques des fusils, ont été identifiés par des experts internationaux en munitions, révélant des armes légères et des munitions fabriquées par l’Afrique du sud, la Chine, les États-Unis, la Grèce, la Russie et la Serbie.

Munitions en provenance des États-Unis

L’identification la plus surprenante pratiquée en septembre 2006 était celle des munitions portant des marques des États-Unis. Ces munitions ont été identifiées comme étant des cartouches de 300 Winchester Magnum fabriquées par la Federal Cartridge Company. Le département d’État des États-Unis a confirmé à la campagne Contrôlez les armes que ces munitions étaient soumises à la réglementation ad hoc des États-Unis, et enquête actuellement sur la manière dont ces munitions ont pu finir entre les mains de groupes rebelles en RDC. En 2003, les Nations unies ont récupéré des grenades provenant des États-Unis chez des groupes armés d’Ituri.

Aux termes du droit des États-Unis, la RDC ne peut recevoir d’armes depuis 1993, sauf pour des opérations de maintien de la paix. Cette règle s’ajoute aux actuelles restrictions relatives à l’embargo des Nations unies. Il est donc très probable que ces munitions aient été légalement exportées vers un autre pays de la région, puis détournées vers la RDC. Une analyse des données des douanes des États-Unis révèle que depuis 2000, le gouvernement a autorisé l’envoi de munitions pour armes légères en Afrique du sud, au Mozambique, en Namibie, en Ouganda, en Tanzanie et au Zimbabwe (Voir le site Web de NISAT pour l’accès aux données des douanes des États-Unis relatives aux armes légères et à leurs munitions. La banque de donnée est accessible via www.nisat.org)

Munitions en provenance de Grèce

À la connaissance de la campagne Contrôlez les armes, c’est la première fois que des munitions grecques sont récupérées chez des combattants rebelles en RDC. Les munitions découvertes par les chercheurs ont été identifiées comme étant des cartouches 7,62 mm, utilisables dans des fusils d’assaut de l’OTAN de calibre standard comme le HK G3 ou les fusils belges FN Herstal Fal. Sans être aussi répandus que l’AK-47 et ses variantes, les fusils d’assaut Fal et G3 ont été découverts en grand nombre dans cette région. Les munitions grecques portent le poinçon de l’entreprise Pyrkal Greek Powder & Cartridge Company. Selon le catalogue 2002-2003 des industries helléniques de défense, Pyrkal a exporté des munitions au Bostwana, en Égypte, au Kenya, au Maroc, au Nigéria, en Ouganda, en République du Congo et au Soudan (Avec nos remerciements à la fondation Omega pour ces informations).

Les munitions identifiées en Ituri ont été fabriquées à la fin des années 1980, ce qui montre la durée de stockage des munitions et donc l’importance vitale d’une meilleure régulation de leurs transferts. Il faut également signaler que les armes et munitions fournies à des pays comme la RDC sont souvent très anciennes et bon marché, et proviennent de surplus. L’âge des munitions n’est donc pas une indication fiable sur la date de leur transfert. Des munitions anciennes apparaissent souvent dans des livraisons récentes. Par exemple, Amnesty International a découvert que plus de quatre millions de cartouches provenant de surplus albanais ont été livrées au Rwanda de la fin 2002 à juin 2003 ; un groupe d’experts des Nations unies a conclu que ces munitions étaient destinées à un usage en RDC (Voir le rapport d’Amnesty International République démocratique du Congo. Les flux d’armes à destination de l’est (index AI : AFR 62/006/2005) du 5 juillet 2005. La plupart de ces munitions auraient été fabriquées il y a vingt ou trente ans).

Armes légères en provenance de Serbie

Des armes produites en Serbie (ou en ex-Yougoslavie) ont été identifiées dans un certain nombre de régions sous embargo et autres zones de crise au cours de ces dernières années. Parmi les armes découvertes en Ituri en septembre 2006 et identifiées par des chercheurs figuraient un pistolet semi-automatique 7,65 mm Zastava Model 70, produit par l’entreprise serbe Zastava. En juillet 2005, Amnesty International a signalé une demande envoyée aux autorités de l’aviation civile de RDC d’autoriser l’envoi d’une cargaison militaire de la Serbie à Kinshasa. Amnesty International a également découvert qu’en juin 2003, un appareil affrété par une compagnie rwandaise, Silverback Cargo, avait transporté des armes d’Albanie au Rwanda, via Belgrade. Des responsables albanais ont déclaré à Amnesty International que dans la capitale serbe, une cargaison militaire supplémentaire avait été chargée dans l’appareil de Silverback. En 2004, des mines anti-personnel et des obus de mortier serbes ont également été retrouvés en possession de groupes d’opposition armés en RDC, à Bukavu.

Des munitions fabriquées en 1999 par Prvi Partizan à Uzice, en ex-Yougoslavie, ont été également utilisées le 13 août 2004 lors du massacre de Gatumba au Burundi, au cours duquel 150 réfugiés ont été abattus et plus de 100 autres blessés. Le camp de transit de Gatumba est proche de la frontière de RDC ; il abritait des réfugiés civils congolais, pour la plupart d’ethnie banyamulenge, et des Burundais retournant chez eux (5.Voir « Tracking lethal tools », rapport de la campagne Contrôlez les armes, décembre 2004). Des entreprises serbes ont également été impliquées dans la livraison de grandes quantités d’armes et de munitions au Libéria, en violation des embargos des Nations unies sur ces matériels (Voir rapport des Nations unies sur le Libéria, juillet 2003 - S/2003/498). L’une des entreprises de fret impliquées avait également livré des armes dans la région des Grands lacs.

Fusils en provenance d’Afrique du sud

L’une des armes identifiées par les chercheurs est un fusil d’assaut R4 5,56 mm, fabriqué en Afrique du sud. Selon des éléments cités par les chercheurs des Nations unies, certains matériels fournis dans le cadre de l’aide militaire sud-africaine au Rwanda sont tombés aux mains des forces rebelles combattant en RDC. En juillet 2004, un groupe d’experts des Nations unies sur l’embargo de RDC a signalé la découverte d’un fusil R5 sud-africain de fabrication récente en RDC, dans une cache d’armes appartenant à la faction rebelle du RCD-Goma. Selon les experts, cette arme faisait partie d’un ensemble inventorié précédemment livré au Rwanda au moyen d’un achat autorisé en Afrique du sud. Les experts des Nations unies ont également signalé qu’en octobre 2003, ils avaient reçu des informations indiquant que certaines armes provenant des Balkans et d’Afrique du sud appartenaient à l’UPC (Union des patriotes congolais), une milice responsable de graves atteintes aux droits humains en Ituri7.
7. Op. cit, rapport d’Amnesty International, RDC. Les flux d’armes à destination de l’est. Le groupe d’experts des Nations unies a soumis une annexe confidentielle à son rapport sur la RDC au Comité des sanctions du Conseil de sécurité (dénommé dans le rapport d’Amnesty International : le rapport confidentiel des experts des Nations unies au Conseil de sécurité, octobre 2003).

Armes légères en provenance de Russie et de Chine

Des armes légères chinoises et russes ont également été identifiées par les chercheurs, notamment deux AK-47 chinois de type 56 et un lance-grenade russe. Selon les registres des Nations unies relatifs aux armes récupérées chez l’UPC d’Ituri pour septembre 2003, la plupart de ces armes composaient un lot de plus de 3 000 Kalachnikov avec leurs munitions, portant des marques apparemment d’origine chinoise et russe. Des lance-grenade russes ont également été découverts, ainsi que des grenades provenant de Russie et des États-Unis, diverses autres munitions et des armes à feu d’ex-Yougoslavie (Serbie) et d’Israël8. En novembre 2005, Amnesty International et l’International Peace Information Service ont découvert que la majorité des fusils d’assaut Kalachnikov remis par les groupes armés d’Ituri étaient des variantes chinoises de type 56. D’autres fusils d’assaut récupérés chez des groupes armés d’Ituri étaient fabriqués en Bulgarie et Roumanie9. Nous ignorons comment ces fusils d’assaut russes, chinois ou autres ont terminé entre les mains de groupes armés d’Ituri.
8.Rapport de la brigade de la MONUC en Ituri, septembre 2003.
9.International Peace Information Service : « Greed and Guns : Uganda’s Role in the Rape of the Congo », août 2006

En 2005, des lance-roquettes, véhicules blindés, mitrailleuses, pièces d’artillerie légère, mortiers et mines terrestres figuraient parmi les armes en possession du RCD-Goma, le plus important groupe armé opérant dans les provinces du Kivu (RDC) ; ce matériel était fabriqué dans de nombreux pays, notamment la Chine, la Corée du nord, la Russie, les États-Unis, la Belgique, la France, l’ex-Yougoslavie, l’Allemagne, la Suisse et la Bulgarie10. Le RCD-Goma a formé à l’occasion des alliances militaires avec des groupes armés d’Ituri, mais a pu aussi s’opposer à eux.
10.Données fondées sur les numéros de série des armes et munitions récupérées par les Nations unies et signalées à Amnesty International.

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