République démocratique du Congo. L’escalade de la violence dans le Nord-Kivu accentue le risque de massacres à caractère ethnique

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

AFR 62/014/2007

Réagissant aux combats violents qui ont opposé récemment les forces gouvernementales aux fidèles du général dissident Laurent Nkunda, Amnesty International a accusé ce lundi 10 septembre le gouvernement de la RDC et la communauté internationale d’avoir trahi la population de l’est du pays.

« En dépit de la signature d’accords de paix, de la tenue d’élections historiques et du déploiement de plus de 17 000 Casques bleus, les habitants des deux provinces du Kivu ne voient toujours pas la fin du conflit qui bouleverse leur vie depuis plus de dix ans », a déclaré Erwin van der Borght, directeur du programme Afrique d’Amnesty International.

L’organisation a tiré la sonnette d’alarme face au risque croissant que cette violence ne donne de nouveau lieu à des massacres interethniques et à d’autres atteintes aux droits humains. Des personnes ayant fui les combats ont signalé des viols et des homicides de civils à Amnesty International. Le recrutement et l’utilisation d’enfants par les groupes armés se poursuivent dans le Nord et Sud-Kivu.

Amnesty International a appelé toutes les forces impliquées dans les combats à respecter le droit international humanitaire et relatif aux droits humains, à cesser d’attaquer les civils et à permettre aux agences humanitaires de venir en aide aux civils pris dans les violences. La Mission de l’Organisation des Nations unies en République démocratique du Congo (MONUC) devrait se consacrer en priorité à la protection de la vie des civils plutôt qu’au soutien des opérations militaires du gouvernement de la RDC.

L’organisation a appelé parallèlement le gouvernement rwandais à intervenir immédiatement pour mettre fin au recrutement sur son territoire de combattants, parmi lesquels des mineurs, pour approvisionner les troupes de Laurent Nkunda ; elle a demandé en outre aux autorités rwandaises de respecter l’embargo de l’ONU sur les armes en empêchant tout équipement militaire de franchir ses frontières vers la RDC.

Pour Erwin van der Borght, «  les informations selon lesquelles le gouvernement rwandais participerait, pour le moins que l’on puisse dire, à l’approvisionnement en hommes, en armes et en munitions de Laurent Nkunda, qui est soupçonné d’être un criminel de guerre, sont extrêmement préoccupantes. »

Amnesty International est convaincue que la poursuite des violences dans l’est de la RDC découle directement de ce que le gouvernement de ce pays et la communauté internationale n’ont rien fait pour mettre fin à l’impunité dont bénéficient systématiquement les auteurs d’atteintes aux droits humains.

« Un mandat d’arrêt international à l’encontre de Laurent Nkunda a été émis il y a près de deux ans, a souligné le directeur du programme Afrique de l’organisation. Si ce mandat avait été suivi d’effet, nous n’assisterions peut-être pas aux violences terribles dont nous sommes témoins aujourd’hui. Il faut que la communauté internationale, la RDC et le gouvernement rwandais s’engagent clairement à collaborer pour faire en sorte que cet homme soit déféré à la justice. »

« Le gouvernement de la RDC a récompensé d’autres hommes soupçonnés d’être des criminels de guerre en leur donnant des postes de commandement dans l’armée. Il y a peu d’espoir que l’armée gouvernementale parvienne à protéger les civils de manière professionnelle et impartiale si rien n’est fait pour suspendre ces personnes de leurs fonctions et les juger. La communauté internationale, qui fournit une aide financière et technique considérable au programme de réforme de la sécurité en RDC, doit insister sur cette nécessité. »

Complément d’information

Cela fait plus d’une semaine que l’armée congolaise et les forces de Laurent Nkunda s’affrontent dans les territoires Rutshuru et Masisi du Nord-Kivu. Un cessez-le-feu fragile a été négocié mais pourrait ne pas durer. Plus de 40 000 personnes ont été contraintes de s’enfuir de chez elles au cours des derniers jours, venant gonfler les rangs des 200 000 personnes déplacées par l’insécurité dans la province depuis le début de l’année.

Ancien haut-responsable du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD-Goma), Laurent Nkunda est accusé de crimes de guerre, en particulier à Kisangani en 2002 et à Bukavu en 2004. Il fait l’objet d’un mandat d’arrêt international émis par le gouvernement de la RDC en septembre 2005. Les Nations unies l’ont accusé d’avoir violé l’embargo sur les armes à destination de la RDC. À ce jour, ni le gouvernement de la RDC ni les Nations unies n’ont mené d’opération pour l’arrêter et il a pu jusqu’à maintenant se déplacer librement dans certaines parties du Nord-Kivu et au Rwanda.

Laurent Nkunda prétend que ses forces sont là pour protéger la population tutsie de la province contre les attaques des Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR), groupe armé rwandais insurgé. Il reproche au gouvernement de la RDC de ne rien faire pour chasser les FDLR de l’est de la RDC. Les FDLR sont également soupçonnées de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité en RDC.

Le gouvernement congolais a adopté comme politique de nommer à des postes de commandement dans l’armée et la police des personnes soupçonnées de participation à des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et d’autres graves atteintes aux droits fondamentaux. Ces crimes incluent des massacres fondés sur l’appartenance ethnique, le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats, des viols en très grand nombre et des actes de torture.

À la fin de l’année 2006, le gouvernement a conclu un accord avec Laurent Nkunda prévoyant le déploiement dans le Nord-Kivu de « brigades mixtes » composées de combattants de Nkunda et de soldats de l’armée régulière. Alors qu’elles étaient censées rétablir un climat de confiance dans la région, ces brigades se sont rendues coupables de très nombreuses violations des droits humains et n’ont fait qu’aggraver l’insécurité et la crise humanitaire dans cette partie du pays.

En juin et juillet 2007, les enquêteurs de l’ONU ont fait savoir que des personnes avaient été recrutées au Rwanda pour venir grossir les rangs des forces de Laurent Nkunda, par l’intermédiaire de « réseaux favorables à Nkunda ». Nombre de ces nouvelles recrues étaient des enfants.

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