RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO - La première arrestation de la Cour pénale internationale doit être suivie par d’autres à travers le pays

Index AI : AFR 62/008/2006

DÉCLARATION PUBLIQUE

Amnesty International salue l’arrestation et la remise à la Cour pénale internationale (CPI) le 17 mars 2006 de Thomas Lubanga Dyilo, ressortissant de la République démocratique du Congo (RDC) et fondateur présumé de l’Union des Patriotes Congolais (UPC), comme un premier pas vers la fin de l’impunité pour les crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis à grande échelle en RDC au cours des dix années passées. Il a été inculpé de crimes de guerre, au titre de l’article 8 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, pour des crimes commis en RDC après juillet 2002, incluant « l’enrôlement et la conscription d’enfants de moins de quinze ans », contraints de « participer activement à des hostilités. »

Son arrestation préfigure un nouveau chapitre dans le combat contre l’impunité en Afrique et fait passer le message que ceux qui sont impliqués dans des violations des droits humains auront à rendre des comptes.

Le conflit, qui fait rage depuis une dizaine d’années en RDC et a coûté la vie à plus de 4 millions de personnes dans le pays, a été décrit comme l’un des conflits les plus meurtriers depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Les forces armées du gouvernement de la RDC, tout comme les groupes d’opposition armés, ont commis d’innombrables crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Les enfants ont été particulièrement touchés, de très nombreux rapports font état de meurtres, de viols, d’esclavage sexuel et d’autres formes de violence sexuelle. La culture d’impunité qui prévaut a protégé les auteurs de ces violences de la justice.

Amnesty International reconnaît que l’arrestation de Thomas Lubanga, qui doit être présumé innocent tant que sa culpabilité n’aura pas été prouvée, est un pas dans la bonne direction ; c’est aussi un signal indéniable donné à tous les auteurs d’atteintes aux droits humains en RDC ; l’organisation continue cependant de croire que davantage doit être fait, à la fois par la CPI et par la RDC.

L’organisation demande instamment au procureur de la CPI de veiller à ce que son enquête et les poursuites reflètent la complexité et la diversité des crimes commis dans toute la RDC depuis le 1er juillet 2002. Les crimes commis par toutes les parties en présence doivent faire l’objet d’enquêtes et de poursuites rigoureuses à tous les niveaux.

L’arrestation et la remise de Thomas Lubanga Dyilo à la CPI, développement positif de l’affaire, perdront de leur signification si d’autres mandats d’arrestation ne sont pas émis rapidement contre d’autres auteurs présumés d’atteintes aux droits humains, aussi bien dans les rangs du gouvernement que dans ceux des groupes armés d’opposition.

Thomas Lubanga a été arrêté voici un an, en même temps que d’autres dirigeants connus de groupes armés en Ituri, susceptibles d’intéresser la CPI ; neuf soldats bangladais du maintien de la paix des Nations unies en Ituri venaient alors d’être tués, semble-t-il par des groupes armés hostiles au processus de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) soutenu par la MONUC, la mission des Nations unies en RDC. D’abord placés en résidence surveillée, ils ont ensuite été transférés à la prison de Makala à Kinshasa.

En ce qui concerne la RDC, Amnesty International prie instamment les autorités congolaises, premièrement, de continuer à coopérer avec la Cour en interpellant rapidement et en remettant à la CPI tout autre auteur présumé d’atteintes aux droits humains identifié par le procureur de la CPI. Deuxièmement, le gouvernement de la RDC doit adopter des dispositions législatives effectives pour l’application du Statut de Rome, autorisant le gouvernement à coopérer avec la CPI. Troisièmement, ces dispositions législatives doivent permettre aux autorités de RDC d’enquêter sur les crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis en RDC dans le passé et d’engager des poursuites, quelle que soit l’époque où ces crimes ont été commis.

Amnesty International espère que cet évènement significatif aura un effet catalyseur et contribuera au développement d’une justice nationale effective qui pourra se pencher sur les crimes commis au cours du conflit et accordera pleine réparation aux victimes.

Complément d’information

En avril 2004, le procureur de la CPI a annoncé qu’il avait reçu du gouvernement de RDC un renvoi de la situation en RDC, le second renvoi du genre fait par un État au titre du Statut de Rome (l’Ouganda avait le premier déféré au procureur la situation dans le nord de ce pays en décembre 2003. Le Conseil de sécurité des Nations unies a déféré la situation dans le Darfour, au Soudan, au procureur de la CPI l’année dernière). Ce renvoi a ouvert la voie à une enquête préliminaire par le procureur de la CPI concernant les crimes commis en RDC depuis le 1er juillet 2002.

Depuis 1998, on estime à plus de quatre millions le nombre de morts dues au conflit, parmi lesquelles plus de 50 000 personnes pour la seule région de l’Ituri.

En 2005, plus de 15 000 miliciens ont été désarmés dans la région de l’Ituri ; la plupart ont rejoint la vie civile. Toutefois, des crimes contre l’humanité et crimes de guerre continuent d’être perpétrés en Ituri. En dépit du processus de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) et de la réforme en cours de l’armée, une protection effective des populations civiles reste extrêmement difficile. Bien que l’UPC se soit transformé en un nouveau parti politique, certain de ses responsables militaires et leurs milliers d’hommes continuent de s’opposer au processus de transition et de commettre des crimes contre les populations civiles dans cette région ravagée par la guerre.

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