République dominicaine. Les réformes constitutionnelles et pénales doivent améliorer les droits des femmes, et non les restreindre

DÉCLARATION PUBLIQUE

Index AI : AMR 27/003/2009

Les réformes constitutionnelles et pénales qui sont en cours en République dominicaine pourraient entraîner des violations des droits des femmes, a prévenu Amnesty International ce vendredi 24 avril 2009. Elles pourraient en effet être utilisées pour justifier la criminalisation de l’avortement en toutes circonstances, y compris lorsque la vie ou la santé de la femme est menacée ou lorsque la grossesse résulte d’un viol.

Le Congrès dominicain se penche actuellement sur une nouvelle disposition constitutionnelle qui mentionne l’inviolabilité du droit à la vie « de la conception à la mort ». Il est fort probable que cet amendement ait été proposé pour soutenir les efforts destinés à ériger l’avortement en infraction et à l’interdire dans tous les cas. Le Congrès examine également un amendement au Code pénal qui alourdirait les peines pour les personnes impliquées dans des avortements et qui prévoirait explicitement des peines de prison pour les femmes enceintes à la suite d’un viol, d’un inceste ou d’une fécondation assistée non volontaire qui avorteraient ou chercheraient à le faire.

Le droit international relatif aux droits humains et la Constitution actuellement en vigueur protègent déjà la vie avant la naissance. Amnesty International appelle la République dominicaine à mettre en œuvre cette protection dans le respect des droits des femmes, y compris de leurs droits à la vie et à la santé. Cette protection peut passer par des mesures de prévention des fausses couches et de la mortinatalité, par une offre de soins prénatals, de soins obstétriques d’urgence et de soins post-natals, et par l’accompagnement des accouchements par du personnel qualifié. Une femme ne doit pas perdre ses droits au motif qu’elle est enceinte. La protection du fœtus ne rend pas caduques les revendications des femmes en matière de droits humains.

Amnesty International appelle les autorités dominicaines à respecter leurs obligations aux termes du droit international relatif aux droits humains en réformant le Code pénal afin que les femmes et les jeunes filles n’encourent pas de sanctions pénales pour avoir avorté ou cherché à le faire dans quelque circonstance que ce soit. En particulier, l’organisation engage le Congrès dominicain à éliminer l’article 239 proposé dans le projet de réforme, qui prévoit des sanctions pénales contre les femmes qui subiraient un avortement à la suite d’un viol, d’un inceste ou d’une fécondation involontaire. Il convient également de veiller à ce que le personnel de santé ne puisse pas être incriminé pour le simple fait d’avoir réalisé des interruptions volontaires de grossesse en toute sécurité. Le gouvernement dominicain doit prendre toutes les mesures nécessaires pour que des services d’avortement légaux et sûrs soient accessibles sans restrictions excessives à toutes les filles et les femmes qui le demandent en cas de grossesse résultant d’un viol ou de l’inceste, ou lorsque la poursuite de la grossesse mettrait en danger la vie de la femme ou de la jeune fille.

Complément d’information

Actuellement, la législation dominicaine (Code pénal) interdit l’avortement. En août 2006, l’exécutif a décidé d’élaborer un nouveau Code pénal et a chargé le Congrès de réviser et de corriger les « incongruités » du texte. Un an après, une commission bicamérale a été créée pour évaluer les révisions du Code pénal et, en juillet et en août 2007, des audiences publiques ont été organisées pour débattre de la dépénalisation de l’avortement. Ce processus de révision est toujours en cours.

L’article 8 de la Constitution actuellement en vigueur mentionne simplement l’« inviolabilité de la vie ». La réforme constitutionnelle en cours a été proposée au Congrès par le président de la République dominicaine, Leonel Fernandez, en octobre 2008. Cette proposition est en train d’être examinée par le Congrès, qui siège en qualité d’« assemblée parlementaire de révision de la Constitution ». Cette assemblée vote article par article en première lecture. Le texte fera ensuite l’objet d’une deuxième lecture, au cours de laquelle toute modification fera l’objet d’un vote.

L’article 30 proposé dans la réforme constitutionnelle a suscité l’inquiétude des organisations de femmes, des professionnels de la santé et d’autres organisations de la société civile. En particulier, la Société dominicaine des obstétriciens et gynécologues a exprimé sa préoccupation face aux répercussions « catastrophiques » que cet article pourrait avoir sur la mortalité maternelle, compte tenu des restrictions que son interprétation imposerait au secteur médical.

L’article 4.1 de la Convention américaine relative aux droits de l’homme utilise une formulation semblable à celle qui est proposée dans l’amendement constitutionnel puisqu’elle dispose que « [t]oute personne a droit au respect de sa vie. Ce droit doit être protégé par la loi, et en général à partir de la conception. » Cependant, selon la Commission interaméricaine des droits de l’homme, les États parties à la Convention qui autorisent l’interruption volontaire de grossesse dans leur droit national et facilitent l’accès à celle-ci dans la pratique ne violent pas pour autant la Convention. Le président de la Cour interaméricaine des droits de l’homme a déclaré que, dans certains cas, par exemple lorsque la grossesse met en danger la vie de la femme ou résulte d’un viol, la criminalisation de l’avortement constitue une violation de l’obligation de l’État de protéger la vie de la femme.

Amnesty International constate avec regret que la réforme proposée pour l’article 30 ne suit pas la position favorable aux droits humains adoptée par la Cour Constitutionnelle de Colombie en 2006 : celle-ci a en effet invalidé l’interdiction totale de l’avortement, faisant une distinction bien claire entre d’une part le droit des femmes à la vie et d’autre part le devoir de l’État de protéger la vie prénatale dans le droit international relatif aux droits humains et dans le droit constitutionnel.

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