Communiqué de presse

République dominicaine. Les homicides attribués à la police se multiplient tandis que la réforme est au point mort

Le nombre d’homicides perpétrés par la police est de nouveau en hausse en République dominicaine alors que le texte de loi censé régler le problème stagne au Congrès, a déclaré Amnesty International vendredi 15 août.

Ces six derniers mois, le nombre de personnes tuées par la police a augmenté de 13 % par rapport à l’année dernière ; 87 personnes ont ainsi perdu la vie entre janvier et juin 2014, selon des chiffres publiés par l’Observatoire national de la sécurité des citoyens.

« Quatorze personnes meurent chaque mois aux mains de la police en République dominicaine. Un grand nombre de ces homicides semblent avoir été commis en toute illégalité. Il est manifeste que le gouvernement doit en faire davantage pour que soient adoptées des mesures concrètes visant à faire cesser ces abus une bonne fois pour toutes », a déclaré Erika Guevara Rosas, directrice du programme Amériques d’Amnesty International.

« On est face à une véritable tragédie lorsque des policiers, ceux-là mêmes qui sont chargés de la protection des droits fondamentaux des citoyens, sont les auteurs d’actes d’une telle gravité, compromettant encore plus la sécurité publique dans le pays. »

La délinquance est très présente en République dominicaine et la sécurité publique est une préoccupation majeure pour la population. Cependant, certains éléments montrent que loin d’aider à résoudre le problème, les méthodes dures de la police contribuent à l’intensification de la violence et de la délinquance.

La nouvelle de l’augmentation du nombre d’homicides imputables à la police survient à mi-parcours du mandat du président Danilo Medina. La réforme de la police était une composante importante du programme électoral du candidat Medina, mais après deux années au pouvoir il n’a toujours pas mis cette réforme en œuvre, tandis que les allégations d’homicides illégaux et de torture formulées contre des policiers restent monnaie courante.

Parmi les personnes tuées cette année figure Walder Sánchez. Si la police affirme qu’il est mort lors d’une fusillade le 30 mai, certains témoignages indiquent que l’on a délibérément tiré sur Walder Sánchez à plusieurs reprises alors qu’il n’était pas armé. Il se trouvait semble-t-il dans sa chambre avec sa compagne enceinte, et a supplié la police de ne pas ouvrir le feu. Lors de cette opération, la propriétaire et la petite-amie du jeune homme auraient quant à elles été frappées par des policiers. Une enquête sur ce cas vient d’être ouverte par le parquet de la province de Saint-Domingue.

Parallèlement aux allégations d’homicides illégaux, Amnesty International a reçu de nombreuses informations faisant état d’actes de torture et de mauvais traitements subis aux mains de la police.

En avril, Luis Manuel Lember Martínez et Eduardo Luis Cruz ont été arrêtés par des policiers après avoir refusé de payer un pot-de-vin. Luis Manuel Lember Martínez a pris une balle dans la jambe, puis les deux hommes ont été transférés au poste de police, où ils ont été sauvagement battus. Luis Manuel affirme avoir reçu des décharges électriques dans les jambes. Ils ont été relâchés deux jours après ce calvaire. Les policiers impliqués font désormais l’objet d’une enquête.

Si certains des cas recensés par Amnesty International font actuellement l’objet d’enquêtes, d’autres affaires ont été étouffées. Amnesty International travaille sur de nombreux cas de violences policières impunies depuis des années. Le parquet général reste cependant obstinément silencieux face aux demandes de renseignement portant sur ces affaires.

La loi relative à la réforme de la police attend d’être adoptée par le Congrès depuis mai 2013. Le fait que les autorités ne lui aient pas accordé une priorité élevée et que certains intérêts s’opposent à la réforme ont entravé la progression du projet de loi.

« Sans l’adoption d’une loi conforme aux principes relatifs aux droits fondamentaux, il est très peu probable que nous voyions un jour la police nationale s’attacher réellement à respecter ces droits », a déclaré Erika Guevara.

« Il y a deux ans, nous attendions beaucoup du président Medina et de ses promesses relatives à la réforme de la police. Malheureusement, la police continue à commettre des homicides illégaux et des actes de torture en toute impunité tandis que le fameux projet de loi du président languit au Parlement. »

« Il n’y a pas de temps à perdre. Le président Medina a encore la possibilité de tenir sa promesse de campagne consistant à “ faire ce qui n’a jamais été fait ”, c’est-à-dire de donner au pays la police qu’il mérite. »

Amnesty International demande désormais à la République dominicaine de faire passer ces réformes afin d’opérer une refonte de la police nationale, mais aussi d’enquêter sur les responsables présumés d’homicides illégaux, d’actes de torture et d’autres violations des droits humains, et de les poursuivre le cas échéant.

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