« Restitutions » dans l’Union européenne : un fait avéré, pas une fiction

Déclaration publique

EUR 01/002/2007

Dans des pays de l’Union européenne, les autorités chargées des poursuites émettent des mandats d’arrêt et demandent la mise en accusation de personnes soupçonnées de participation au programme de « restitutions » conduit par les États-Unis. Cette pratique illégale de « transferts exceptionnels » a conduit à ce que de nombreux hommes soient illégalement arrêtés et envoyés secrètement par avion dans des pays tiers, où ils ont été victimes d’autres crimes tels que la torture et la disparition forcée. Il est grand temps maintenant que l’Union européenne et les gouvernements européens reconnaissent que les « restitutions » dans l’Union européenne sont une réalité et non une fiction, et qu’ils fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour que les responsables des violations des droits humains commises dans le cadre de ces « transferts exceptionnels » soient tenus de rendre des comptes.

À un peu plus d’une semaine à peine du vote du Parlement européen sur le Rapport sur l’utilisation alléguée de pays européens par la CIA pour le transport et la détention illégale de prisonniers, Amnesty International demande aux députés européens de faire savoir clairement aux gouvernements de l’Union européenne qu’ils doivent reconnaître leur responsabilité dans les violations qui ont eu lieu et mener des enquêtes indépendantes et impartiales dans leur pays.


Khaled el Masri – mandats d’arrêt décernés

Le 31 janvier, 13 mandats d’arrêt ont été décernés contre des agents de la CIA soupçonnés d’implication dans l’enlèvement et la « restitution » de Khaled el Masri, ressortissant allemand enlevé en Macédoine en décembre 2003 avant d’être envoyé en Afghanistan. Là, il a été détenu au secret et à l’isolement pendant quatre mois ; il aurait été soumis à des mauvais traitements pendant les interrogatoires. Amnesty International – qui avait écrit en août 2004 à la CIA et à d’autres instances des États-Unis au sujet de Khaled el Masri, sans obtenir de réponse – se félicite de cette décision qui va permettre de demander aux personnes soupçonnées d’avoir participé à l’enlèvement et au « transfert exceptionnel » de Khaled el Masri de rendre des comptes. L’organisation demande aux autorités américaines et allemandes de collaborer pleinement aux enquêtes du parquet allemand sur la participation de responsables américains et allemands au « transfert exceptionnel » de Khaled el Masri.


Abu Omar – inculpations demandée – demandes d’extradition émises

En décembre, le parquet italien a demandé la mise en accusation de 26 citoyens des États-Unis dont 25 sont soupçonnés d’être des agents de la CIA impliqués dans l’enlèvement et la « restitution » d’Abu Omar, enlevé à Milan en 2003 et envoyé en Égypte, où il est toujours détenu. Abu Omar affirme qu’il a été torturé en détention en Égypte, en étant en particulier pendu la tête en bas et soumis à des décharges électriques sur les testicules.

Le ministère public a aussi demandé l’inculpation de neuf ressortissants italiens, essentiellement des agents des services secrets militaires italiens (SISMI). En juillet 2006, le ministère public a également présenté des demandes d’extradition visant 26 ressortissants des États-Unis mais le gouvernement italien n’a pas remis ces demandes aux autorités américaines. Amnesty International se félicite de ce que des Italiens et des non-Italiens soient tenus de rendre des comptes pour l’enlèvement et la « restitution » d’Abu Omar et elle demande instamment aux autorités italiennes de transmettre les demandes d’extradition visant les 26 citoyens américains. L’organisation appelle les autorités américaines et italiennes à collaborer pleinement aux enquêtes du parquet italien sur le « transfert exceptionnel » d’Abu Omar.

Les États membres de l’UE ne peuvent continuer de nier leur responsabilité. Ils doivent faire le nécessaire pour que les victimes de ces « transferts exceptionnels » bénéficient sans délai de réparations appropriées, notamment sous la forme d’une restitution, d’une réadaptation et d’une indemnisation financière juste et suffisante. Tous les États membres doivent prendre des mesures pour empêcher que de tels événements ne se reproduisent.

Amnesty International appelle donc les États membres de l’Union européenne à :

 ne transférer personne sous la garde d’agents d’un autre État, ni faciliter un tel transfert, à moins que celui-ci ne s’opère sous contrôle judiciaire et dans le respect des normes internationales en vigueur ;
 veiller à ce que nul ne soit détenu arbitrairement, secrètement ou non, sur leur territoire ou tout territoire relevant de leur juridiction ;
 ouvrir et mener à terme des enquêtes judiciaires et parlementaires, et y coopérer pleinement, y compris en faisant le nécessaire pour que les enquêteurs aient accès à toutes les personnes et informations pertinentes ;
 refuser aux compagnies aériennes dont les avions ont été impliqués dans des vols de « restitution » l’accès à l’espace aérien et aux aérodromes, si les compagnies ne fournissent pas des informations détaillées concernant le statut, la destination et la situation juridique de chaque passager ;
 veiller à ce que le sort de toutes les victimes de détentions au secret et de « restitutions » soit éclairci et à ce que des réparations adaptées soient attribuées à ces personnes.

Amnesty International appelle le Conseil européen à :

 affirmer sans équivoque que la pratique des « restitutions » est inacceptable et viole les droits humains ainsi que les valeurs fondatrices de l’Union européenne ;
 inciter les autorités américaines à indiquer le lieu de détention et l’identité de toutes les personnes qui ont été ou sont détenues dans le cadre du programme de « restitutions », et à coopérer pleinement à toutes les enquêtes sur les « restitutions » ;

Amnesty International appelle le Parlement européen à :

 envoyer un message sans équivoque aux gouvernements de l’UE en adoptant à l’unanimité le 14 février le rapport de la Commission temporaire sur l’utilisation alléguée de pays européens par la CIA pour le transport et la détention illégale de prisonniers.

2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit