Plus de 20 familles roms de la rue Agricola, dans la municipalité d’Eforie Sud (sud-est de la Roumanie), ont été expulsées de force deux fois en deux semaines. La seconde expulsion a eu lieu quelques jours avant qu’Amnesty International et les représentants de trois communautés roms ne remettent au bureau du Premier ministre, le 16 octobre, une pétition rassemblant les signatures de plus de 25 000 personnes vivant dans 85 pays. Cette pétition appelait le Premier ministre à prendre des mesures concrètes en faveur d’une interdiction des expulsions forcées et de la protection du droit à un logement convenable dans la législation roumaine.
Le 27 septembre, à l’issue d’un préavis de sept jours, plus de 100 Roms, dont la moitié sont des enfants, qui habitaient dans la rue Agricola ont été expulsés de force des logements où ils vivaient depuis plus de 20 ans. Ces maisons avaient été construites sans autorisation mais les autorités locales avaient en partie reconnu que les familles bénéficiaient d’une forme de droit d’occupation. Certains des habitants étaient inscrits sur les registres et les papiers d’identité en leur possession indiquaient qu’ils étaient domiciliés rue Agricola. Leurs logements étaient raccordés au réseau électrique et à l’eau courante.
Plus de 20 maisons ont été détruites en moins d’une heure et les habitants ont perdu la majeure partie de leurs biens. Parmi les personnes qui vivaient là se trouvaient de nombreux enfants, des femmes enceintes et des personnes souffrant de diverses pathologies. La plupart des habitants n’ont pas eu le temps de rassembler leurs biens et le peu qu’ils ont réussi à sauver a été détruit après être resté sous la pluie car aucune solution de relogement ne leur avait été proposée.
Le 30 septembre, plusieurs des familles expulsées ont reçu pour consigne de s’installer temporairement dans un bâtiment d’école délabré près de là. Amnesty International a visité ce bâtiment le 17 octobre et a constaté qu’il ne répond pas aux normes caractérisant un logement décent. Plus de 20 personnes partagent un WC unique et un seul robinet d’eau potable. Il n’y a ni chauffage, ni installation permettant de faire la cuisine ou de se laver. L’électricité ne fonctionne que de 19 heures à 6 heures du matin. Les plafonds fuient et tombent en morceaux et les résidents ont indiqué à Amnesty International que la nuit ils restent éveillés pour empêcher les rats de mordre les enfants.
Sept autres familles qui n’ont pas voulu s’installer dans ce bâtiment délabré occupent actuellement un internat abandonné également inadapté. Les plafonds et les murs ont des fuites et les familles doivent partager une unique source d’eau. Toutes ces personnes n’ont aucune sécurité d’occupation pour ces logements et craignent d’être de nouveau expulsées au printemps.
Les familles restantes ont été expulsées une deuxième fois, le 11 octobre, quand les autorités locales et la police ont démoli les abris improvisés qu’elles avaient établis après la première expulsion. Quatre de ces familles vivent toujours sur place dans des conditions extrêmement précaires et aucune solution de relogement ne leur a été proposée.
Amnesty International est préoccupée par le fait que la récente expulsion forcée de plus de 20 familles roms à Eforie Sud soit venue s’ajouter à la longue liste de violations des droits humains recensées par des organisations nationales et internationales, montrant les conséquences de l’incapacité du gouvernement roumain à bannir cette pratique, pourtant interdite aux termes du droit international.
Lors d’une rencontre avec Amnesty International le 15 octobre, les représentants des ministères du Travail, du Développement régional et des Fonds européens ont reconnu que les expulsions forcées sont effectivement un problème en Roumanie. À ce jour, toutefois, cette reconnaissance n’a toujours pas été suivie d’un engagement en faveur de l’élaboration de lignes directrices contraignantes à destination des autorités locales, qui les obligeraient à adopter des garanties contre les expulsions forcées.
Amnesty International appelle de nouveau les autorités roumaines à prendre immédiatement des mesures concrètes pour mettre un terme aux expulsions forcées et veiller à ce que chacun, y compris les Roms, puisse jouir de son droit à un logement décent, sans discrimination.