Roumanie. Les autorités de Miercurea Ciuc portent atteinte à l’obligation de protection du droit à un logement convenable

Déclaration publique

Index AI : EUR 39/003/2011

27 avril 2011

Amnesty International exhorte les autorités municipales de Miercurea Ciuc et le gouvernement roumain à agir de toute urgence afin de garantir que des familles roms expulsées de force en 2004 et réinstallées à côté d’une station d’épuration des eaux usées puissent vivre dans la dignité et réaliser leur droit à un logement convenable.

En 2004, quelque 100 Roms, dont des familles avec enfants, ont été expulsés de force d’un immeuble délabré du centre ville par les autorités locales et relogés dans des préfabriqués métalliques à proximité d’une station d’épuration aux abords de Miercurea Ciuc. Il devait s’agir d’une solution « temporaire » pour les familles et individus concernés. Ces personnes vivent cependant sur place depuis près de sept ans.

Lundi 18 avril 2011, Amnesty International et des membres de la communauté rom ont remis aux autorités locales 36 500 lettres signées par des militants à travers la France. Au cours de l’année écoulée, des dizaines de milliers d’appels supplémentaires envoyés par des membres d’Amnesty International du monde entier – Autriche, Burkina Faso, Canada, États-Unis, Grèce, Île Maurice, Nouvelle-Zélande, Porto Rico et Suisse, entre autres – ont été transmis aux autorités de la ville.

Depuis 2009, des militants d’Amnesty International demandent aux autorités de mener une véritable consultation auprès de la population rom vivant à côté de la station d’épuration, afin de trouver une solution qui passerait par la réinstallation de ces familles dans des logements adaptés sur un site sûr.

Après avoir décliné les nombreuses demandes d’organisation d’un entretien leur ayant été adressées en amont de la visite récente d’une délégation d’Amnesty International à Miercurea Ciuc, lundi 18 avril, les adjoints au maire de Miercurea Ciuc, Domokos Szõke et Attila Antal, ont convié les délégués à une réunion alors qu’ils remettaient les appels à la mairie en présence de nombreux médias.

S’ils ont déploré les problèmes auxquels est confrontée la communauté rom, les adjoints au maire se sont bien gardés d’informer Amnesty International d’éventuels projets concrets visant à lutter contre les atteintes persistantes au droit de ces personnes à un logement convenable ou, d’ailleurs, à s’engager à le faire à l’avenir.

Amnesty International est particulièrement préoccupée par certaines informations récemment relayées par les médias, selon lesquelles les autorités ont déclaré que la municipalité ne prévoit d’adopter aucune mesure en ce qui concerne les familles roms vivant à proximité de la station d’épuration. Selon le journal Informaþia Harghitei, Domokos Szõke, adjoint au maire, aurait déclaré le 19 avril 2011 : « Ils ont le droit de trouver [un autre site]. Ils ne sont pas obligés de rester là […] [L]a mairie de Miercurea Ciuc n’a pas la possibilité d’offrir un logement à tout le monde […] Ils restent là. Ils ont un toit sur la tête. C’est une chance dans la vie. Ils ont eu une première chance ; ils ont reçu un logement, ce qui n’a pas été le cas d’autres citoyens. La mairie ne peut pas en fournir d’autre. »

Cette déclaration ne tient pas compte du fait que les atteintes persistantes au droit au logement de ces familles roms résultent directement de l’action des autorités locales, à savoir l’expulsion forcée à laquelle la municipalité a procédé en 2004 et leur réinstallation dans de mauvaises conditions dans un environnement impropre à l’habitation humaine.

Amnesty International déplore vivement que l’incapacité ou la réticence des autorités locales à en finir avec les violations persistantes des droits humains découlant de l’expulsion forcée de 2004 bafoue les obligations qui sont celles de la Roumanie, aux termes des traités internationaux et régionaux relatifs aux droits humains qu’elle a signés. Ceux-ci incluent le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et la Charte sociale européenne révisée.

Complément d’information

Les Roms concernés vivaient au 27 rue Pictor Nagy Imre, dans le centre de Miercurea Ciuc, depuis les années 1970, époque à laquelle une famille de la communauté y avait loué un appartement pour la première fois. En 2004, 12 familles résidaient de manière légale dans cet immeuble appartenant à la municipalité de Miercurea Ciuc, tandis que d’autres y avaient emménagé ou avaient construit des cabanons dans la cour sans détenir de bail. Les autorités et les habitants ont reconnu que l’immeuble était délabré et qu’aucune réparation n’avait été effectuée depuis de nombreuses années.

L’éviction d’environ 100 Roms en 2004 a constitué une expulsion forcée, allant à l’encontre des obligations de la Roumanie en matière de droits humains. Ces familles roms ont été privées de la possibilité de participer au processus décisionnel et d’influer ainsi sur leur avenir, ou de contester la décision concernant leur expulsion. Les autorités n’ont pas non plus tenté d’examiner les autres solutions qui auraient pu être envisagées à la place de l’expulsion. Même si, après consultation, cette solution a été estimée incontournable en raison de l’état de l’immeuble et de la nécessité d’assurer la sécurité des occupants, les personnes concernées auraient dû avoir la possibilité d’étudier les sites de réinstallation éventuels. Ceux qui ont accepté d’emménager dans les préfabriqués proposés par la municipalité à côté de la station d’épuration l’ont fait car ils partaient du principe qu’il s’agissait d’une solution provisoire, le temps que des logements dignes de ce nom soient construits.

Installer des familles roms à l’intérieur de la zone de protection de la station d’épuration, établie en vertu de l’ordonnance n° 536/1997 afin de tenir les habitations humaines à l’écart tout risque toxique, a été considéré en 2005 par le conseil national de lutte contre la discrimination comme un acte discriminatoire, constituant une atteinte au droit à la vie privée et au droit à un environnement sain.

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