ROYAUME-UNI - Admettre des « preuves arrachées sous la torture » dans les tribunaux britanniques, c’est accepter l’inacceptable

Index AI : EUR 45/044/2005

La torture n’est jamais acceptable et les « preuves » extorquées sous la torture ne sauraient être admises dans les tribunaux britanniques, excepté lorsque la procédure est engagée à l’encontre du tortionnaire présumé, a déclaré Amnesty International ce lundi 17 octobre 2005, alors que les Law Lords (Lords juges) s’apprêtent à examiner cette question.

Des avocats représentant Amnesty International et 13 organisations assisteront aux audiences qui débutent aujourd’hui. Ils demanderont aux Lords juges d’infirmer le jugement rendu en 2004 par la Cour d’appel d’Angleterre et du Pays de Galles, selon lequel les « preuves » obtenues sous la torture par des agents d’autres États sont recevables au Royaume-Uni.

« Le Royaume-Uni ne doit pas accepter l’inacceptable. La torture est monstrueuse et ne saurait être avalisée en aucune circonstance. Elle est prohibée par le droit international et ce à juste titre : il n’y a pas de place pour la torture dans quelque pays que ce soit, déclare Amnesty International.

« C’est une affaire très grave, qui place le Royaume-Uni à un tournant. Il peut réaffirmer son opposition à la torture, absolument interdite, ou glisser vers l’illégalité en acceptant tacitement qu’elle a parfois droit de cité. S’il fait ce choix, il offrira un masque de légalité à une pratique qui bafoue la loi. »

En août 2004, la Cour d’appel a statué que les « preuves » extorquées sous la torture dans des pays tiers étaient recevables dans le cadre des procédures soumises à la Commission spéciale des recours en matière d’immigration, à moins qu’elles n’aient été obtenues directement par des agents britanniques ou avec leur participation.

Dans le cadre de son intervention auprès de la plus haute instance du Royaume-Uni, Keir Starmer, Queen’s Counsel (avocat de la Couronne), qui représente Amnesty International et les 13 organisations, fera valoir que le droit international - qu’il n’appartient pas au Royaume-Uni de modifier unilatéralement - interdit absolument la torture en toute circonstance.

En outre, Amnesty International a mis en garde contre le dangereux précédent qui serait établi si les Lords juges ne statuaient pas contre les « preuves » extorquées sous la torture.

« S’ils n’excluent pas le recours à tout " élément de preuve " obtenu sous la torture dans les procédures engagées au Royaume-Uni, ils donneront le feu vert aux tortionnaires du monde entier. Au lieu de montrer la voie dans la lutte contre cette pratique odieuse et ignoble, le Royaume-Uni légitimerait les actes des tortionnaires et draperait l’illicite d’un voile de légalité », avertit Amnesty International.

Dans la requête qu’elle a adressée aux Lords juges, Amnesty International s’est associée à 13 organisations nationales et internationales jouissant d’une solide expérience en matière de lutte contre la torture : AIRE Centre (Advice on Individual Rights in Europe), Association pour la prévention de la torture, British Irish Rights Watch, Committee on the Administration of Justice, Doctors for Human Rights, Human Rights Watch, Fédération internationale des droits de l’homme, INTERIGHTS, The Law Society of England and Wales, Liberty, Fondation médicale pour les soins aux victimes de la torture, REDRESS et l’Organisation mondiale contre la torture.

La coalition a fait appel, à titre pro bono, à Keir Starmer (avocat de la Couronne), Mark Henderson, Joseph Middleton, Peter Morris et Laura Dubinsky, avocats à Doughty Street Chambers, ainsi qu’à Richard Stein, Jamie Beagent et Jo Hickman, du cabinet d’avoués Leigh Day & Co.

Amnesty International conclut : « Ne nous trompons pas. Il ne s’agit pas de savoir si les preuves sont utiles, mais de déterminer si le Royaume-Uni feindra d’ignorer que l’on jette des gens dans des cellules pour les maltraiter et les terroriser.

« Le droit international est clair. Il dit aux États : ne torturez pas, n’envoyez personne dans un pays où il sera exposé à la torture et n’utilisez pas de " preuves " extorquées sous la torture, sauf dans le cadre d’une procédure engagée contre un tortionnaire. S’étant déjà efforcé d’obtenir des assurances diplomatiques de la part d’États dont on sait qu’ils pratiquent la torture, dans l’espoir de renvoyer des personnes dans des pays alors qu’elles risquent d’y être torturées, le Royaume-Uni risque désormais de s’engager sur une voie qui l’amènera à mettre à mal deux de ces trois principes. »

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