Royaume-Uni. Alors que les Lords juges examinent l’imposition d’ordonnances de contrôle dans plusieurs affaires clés, Amnesty International appelle le gouvernement britannique à abandonner l’application de telles mesures

Déclaration publique

EUR 45/011/2007

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En ce 5 juillet 2007, alors que les Lords juges s’apprêtent à examiner une affaire d’application du régime des ordonnances de contrôle, mis en place dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, Amnesty International lance un appel aux autorités britanniques pour qu’elles s’engagent à poursuivre en justice plutôt qu’à persécuter les personnes soupçonnées d’être impliquées dans des actes terroristes.

Ce 5 juillet, un collège de cinq Lords juges doit commencer d’entendre les appels interjetés pour des ordonnances de contrôle imposées à plusieurs personnes soupçonnées par les autorités britanniques, sur la base d’informations secrètes, fournies notamment par les services du renseignement, d’être impliquées dans des activités en lien avec le terrorisme.

En vertu du régime des ordonnances de contrôle créées par la Loi de 2005 relative à la prévention du terrorisme (PTA), les autorités britanniques peuvent imposer des restrictions allant de l’assignation à résidence à la surveillance par bracelet électronique, de la mise en place de couvre-feux au contrôle sur les accès au téléphone et à internet et à la limitation des rencontres ou communications avec d’autres personnes. Les ordonnances de contrôle sont limitées à une année. Toutefois, elles peuvent être renouvelées à la fin de chaque tranche de douze mois, si bien que, dans la pratique, elles peuvent être prolongées indéfiniment. Toute violation des restrictions imposées au titre d’une ordonnance de contrôle sans excuse raisonnable est une infraction, passible de peines pouvant aller jusqu’à cinq années de prison.

Les quatre dossiers examinés sont ceux de MB c. le ministre de l’Intérieur ; JJ et autres c. le ministre de l’Intérieur ; E et S c. le ministre de l’Intérieur ; et AF c. le ministre de l’Intérieur. Tous concernent l’application du régime des ordonnances de contrôle au titre de la Loi relative à la prévention du terrorisme.

Amnesty International considère que l’imposition d’ordonnances de contrôle revient à inculper, juger et condamner des personnes sans que soient respectées les garanties requises d’équité des procès dans les affaires pénales. L’organisation considère que le régime des ordonnances de contrôle est intrinsèquement contraire aux règles du droit, à l’indépendance de la justice et à la protection des droits humains au Royaume-Uni. En particulier, ce régime va à l’encontre du principe d’égalité devant la loi, du droit de ne pas être exposé à des discriminations et du droit de toute personne à bénéficier d’un procès équitable - notamment de la présomption d’innocence, du principe de l’égalité des armes, de la possibilité de consulter un avocat et du droit à être défendu – surtout lorsque les conditions imposées s’apparentent à une privation de liberté.

Amnesty International appelle les autorités britanniques à faire comparaître devant la justice les personnes concernées au lieu de les persécuter des années durant sur la base d’informations auxquelles ni elles ni les avocats de leur choix n’ont accès. Le droit britannique comprend toute une série de dispositions applicables aux activités en lien avec le terrorisme. Si des preuves suffisantes existent de l’implication d’une personne dans des activités liées au terrorisme, il faut l’inculper d’une infraction dûment reconnue par la loi et la juger en respectant une procédure conforme aux normes internationales d’équité des procès.

Amnesty International partage l’avis du tribunal de première instance dans l’affaire JJ et autres c. le ministre de l’Intérieur selon lequel l’imposition d’un couvre-feu quotidien de 18 heures au domicile s’apparente à une privation de liberté contraire à l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). L’organisation considère également que le régime des ordonnances de contrôle est incompatible avec le droit à un procès équitable inscrit à l’article 6 de la CEDH.

Au vu des préoccupations que suscite depuis longtemps ce régime, Amnesty International continue d’appeler les autorités britanniques à abroger la Loi relative à la prévention du terrorisme et à s’engager à recourir à la justice pénale ordinaire.


Complément d’information

Le régime des ordonnances de contrôle a été adopté dans la précipitation par le Parlement en mars 2005, dans la foulée de la décision rendue par les Lords juges en décembre 2004, qui établissait que la détention indéfinie de ressortissants étrangers sans inculpation ni jugement était incompatible avec le droit à la liberté et l’interdiction de toute discrimination (A et autres c.. le ministre de l’Intérieur [2004] UKHL 56). La Loi relative à la prévention du terrorisme confère à un ministre le pouvoir sans précédent de restreindre la liberté de mouvement et d’activité de personnes – britanniques ou non – suspectées de terrorisme sur la base de renseignements tenus secrets, en les plaçant sous ordonnance de contrôle. Le régime des ordonnances de contrôle autorise ainsi la violation de toute une série de droits fondamentaux.

Depuis, les autorités britanniques ont continué à imposer des ordonnances de contrôle à des personnes soupçonnées d’activités en lien avec le terrorisme, au lieu de les inculper et de les juger. Amnesty International a assisté à titre d’observateur aux audiences publiques d’une partie de la procédure de révision judiciaire de la légalité des ordonnances de contrôle. L’organisation a conclu que la procédure judiciaire était profondément injuste, qu’elle privait des personnes du droit à un procès équitable. La principale raison en est que la Loi relative à la prévention du terrorisme autorise des procès à huis clos dans lesquels des informations tenues secrètes – notamment des informations fournies par les services de renseignement auxquelles n’ont pas accès les accusés ni les avocats de leur choix – sont prises en compte. En outre, le critère d’établissement de la preuve est particulièrement bas, compte tenu de la gravité des allégations et du tort substantiel causé par l’imposition d’une ordonnance de contrôle.

Par ailleurs, les conditions imposées au titre des ordonnances de contrôle s’apparentent à une détention sans inculpation ni jugement. Cela a été confirmé par un jugement de la Haute Cour d’Angleterre et du Pays de Galles en juin 2006 dans l’affaire JJ et autres c. le ministre de l’Intérieur concernant six ressortissants étrangers soumis à des ordonnances de contrôle. La Haute Cour a conclu que les obligations imposées aux six hommes, notamment un couvre-feu quotidien consignant chacun des hommes à dix-huit heures de confinement dans un petit appartement, s’apparentaient à une privation de liberté contraire à l’article 5 de la CEDH ; et que, dans ces circonstances, le ministre de l’Intérieur avait pris une mesure illégale. En août 2006, la Cour d’appel a confirmé cette décision. Toutefois, le même jour, la Cour d’appel a conclu, dans l’affaire MB c. le ministre de l’Intérieur que la procédure de révision prévue par la Loi sur la prévention du terrorisme était compatible avec le droit à un procès équitable inscrit dans l’article 6 de la CEDH.

L’affaire E et S c. le ministre de l’Intérieur soulève la question du devoir des autorités britanniques d’engager des poursuites devant la justice et pose le problème de l’échec des autorités britanniques à garder un certain contrôle sur les poursuites. Elle soulève également la question de l’impact des ordonnances de contrôle imposées à E sur son épouse, désignée par l’initiale "S".

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