ROYAUME-UNI/CHILI : Le Royaume-Uni se soustrait à ses obligations en refusant de contribuer à une enquête sur des violations des droits humains

Index AI : AMR 22/003/02

À la veille de la visite d’Henry Kissinger au Royaume-Uni, Amnesty International a critiqué ce jour (mardi 23 avril 2002) l’apparent refus du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni de coopérer avec les juges français et espagnol qui ont demandé à interroger en tant que témoin l’ancien secrétaire d’État américain, à propos des violations systématiques et généralisées des droits humains – s’apparentant à des crimes contre l’humanité – commises au Chili sous le gouvernement militaire d’Augusto Pinochet.

Le magistrat Baltasar Garzón, juge à l’Audience nationale espagnole, et la juge française Sophie-Hélène Chateau, qui enquêtent sur des affaires de violations des droits humains commises au Chili, ont tous deux délivré une commission rogatoire en vue d’être autorisés par le Royaume-Uni à interroger Henry Kissinger en tant que témoin susceptible de les éclairer sur l’opération secrète connue sous le nom d’opération Condor.

La demande de ces deux juges se fonde sur les obligations mutuelles qui incombent aux États parties à la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale, au nombre desquels figurent le Royaume-Uni, l’Espagne et la France.
« Outre des ressortissants français et espagnols, des sujet britanniques se trouvaient également parmi les milliers de personnes qui ont été victimes des violations des droits humains commises au cours de l’opération Condor. Il est du devoir des autorités du Royaume-Uni de coopérer avec les deux magistrats qui enquêtent sur ces violations, a fait observer Amnesty International.

« En interrogeant Henry Kissinger, ces deux juges d’instruction pourraient obtenir des informations permettant d’accomplir des progrès notables dans une longue quête de vérité et de justice », a ajouté l’organisation, en exhortant le Royaume-Uni à respecter ses engagements internationaux et à permettre aux deux magistrats de questionner l’ancien secrétaire d’État.

Outre le fait qu’il constitue un manquement aux obligations du Royaume-Uni aux termes de la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale, l’apparent refus du ministre de l’Intérieur de coopérer avec les autorités françaises et espagnoles va à l’encontre de principes généraux de droit, qui ont été consacrés par l’Assemblée générale des Nations unies en 1973 dans les Principes de la coopération internationale en ce qui concerne le dépistage, l’arrestation, l’extradition et le châtiment des individus coupables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.

« En donnant satisfaction à ces deux magistrats instructeurs, le gouvernement du Royaume-Uni montrerait clairement qu’il est véritablement attaché au respect des droits humains, et déterminé à coopérer avec les autres États européens dans ce domaine », a conclu Amnesty International.

Complément d’information
L’opération Condor est une opération de renseignement qui a été menée conjointement par les gouvernement militaires de l’Argentine, de la Bolivie, du Brésil, du Chili, du Paraguay et de l’Uruguay dans les années 70. Dans le cadre de cette opération, des exilés politiques se trouvant dans ces pays ont été illégalement appréhendés et renvoyés secrètement dans leur pays d’origine, où ils ont été victimes de torture, de « disparition » et souvent de meurtre. Cette opération a été montée à Santiago, au Chili, et les dirigeants militaires ainsi que les responsables des services de renseignements de ce pays entretenaient des liens étroits avec leurs homologues américains.
Aux termes de l’article 6 des Principes de la coopération internationale en ce qui concerne le dépistage, l’arrestation, l’extradition et le châtiment des individus coupables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité : « Les Etats coopèrent mutuellement en ce qui concerne la collecte de renseignements, ainsi que de documents se rapportant aux enquêtes, de nature à faciliter la mise en jugement des individus [contre lesquels il existe des preuves établissant qu’ils ont commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité], et se communiquent de tels renseignements. »

William Beausire, qui était à la fois ressortissant du Royaume-Uni et du Chili, a été victime de l’opération Condor. Il a été enlevé à l’aéroport d’Ezeiza, à Buenos Aires, par des membres des forces de sécurité argentines en novembre 1974, alors qu’il s’apprêtait à se rendre en France. Il a été renvoyé au Chili et incarcéré dans divers centres de détention secrets, où il a été torturé. William Beausire figure parmi plus de 1 000 personnes qui ont « disparu » au Chili. Depuis sa « disparition », ses proches tentent de faire la lumière sur son sort et d’obtenir justice, tant au Chili qu’à l’étranger.

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