ROYAUME-UNI : Forces armées : les familles ont droit à la justice

Index AI : EUR 45/007/2003

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

« Nous estimons que la seule façon d’y voir clair dans cette gabegie est de faire comparaître ces personnes devant une commission d’enquête indépendante. Nous avons besoin de savoir par la faute de qui et comment sont morts nos enfants, et qui sont ceux qui conspirent actuellement pour cacher les preuves des fautes commises par l’armée. » (Déclaration des familles des victimes, juin 2002)

Le gouvernement britannique doit immédiatement ouvrir une enquête, qui devra être menée en toute indépendance et de façon approfondie, sur la mort de membres non combattants des forces armées du Royaume-Uni, a déclaré aujourd’hui Amnesty International.

« Malheureusement, la manière dont ont été menées les enquêtes sur la mort de quatre soldats, à la caserne de Deepcut, donne à juste titre l’impression d’une collusion au sein des institutions et d’une volonté de cacher les circonstances ayant présidé à la mort de ces personnes », conclut Amnesty International dans un rapport qu’elle a publié aujourd’hui et dont la sortie a été annoncée à la Chambre des communes.

Amnesty International a eu connaissance ces dernières années de graves allégations concernant la mort de membres des forces armées britanniques alors qu’ils ne participaient à aucun combat. L’organisation de défense des droits humains est préoccupée par les circonstances qui entourent nombre de ces décès et qui n’ont pas toutes été éclaircies. Certaines de ces allégations donnent à penser qu’il pourrait y avoir eu homicide, volontaire ou par négligence, à la suite, par exemple, de l’utilisation abusive d’armes mortelles. Certaines personnes pourraient également avoir succombé après avoir été soumises à un entraînement trop dur. D’autres se seraient suicidées après avoir été brimées et maltraitées (notamment après avoir été victimes de harcèlement sexuel) par d’autres soldats ou par leurs supérieurs.

Amnesty International a reçu des informations, selon lesquelles, dans un certain nombre de cas, les autorités britanniques n’auraient pas fait le nécessaire pour qu’une enquête approfondie, indépendante et impartiale soit menée dans les meilleurs délais sur ces décès, et pour éclaircir les circonstances exactes dans lesquelles ils se seraient produits.

Les enquêtes initiales sur la mort des quatre soldats de Deepcut ont toutes été menées par la Brigade spéciale d’investigation de la Police militaire royale. Après avoir mené ses propres enquêtes internes, l’armée a dans un premier temps classé les quatre affaires, considérant que les victimes s’étaient elles-mêmes donné la mort, de manière intentionnelle. Or, sur les trois enquêtes judiciaires qui ont été menées pour l’instant pour déterminer les causes de la mort, deux ont abouti à un verdict constatant l’impossibilité de déterminer ces causes, la troisième concluant effectivement au suicide.

Un certain nombre de familles endeuillées ont fait part à Amnesty International de leurs inquiétudes concernant les enquêtes initiales menées par la Brigade spéciale d’investigation, dont elles mettaient en doute le sérieux. Certains proches demandaient par conséquent que les responsables des errements auxquels, selon eux, ces enquêtes avaient donné lieu, soient sommés de venir rendre compte de leur attitude.

« Ces familles ont droit qu’on leur rende justice et cette justice doit être rendue au grand jour, a affirmé Amnesty International. Une enquête menée à huis clos parl’armée en son propre sein n’est pas satisfaisante. Toute enquête doit être approfondie, indépendante et impartiale et doit être perçue comme telle. »

Le nouveau rapport d’Amnesty International souligne que, même dans les cas où la cause de la mort n’était pas contestée, les proches des défunts ont eu l’impression, dans leurs relations avec l’armée, de se trouver face à un mur. Un tel sentiment ne pouvait qu’entamer la confiance de l’opinion publique envers les forces armées britanniques et le ministère de la Défense.

« Si elles veulent rétablir la confiance de l’opinion publique, en l’assurant que la justice et la vérité ont effectivement triomphé, les autorités britanniques doivent répondre favorablement aux nombreuses familles de membres des forces armées, qui demandent qu’une large enquête publique soit menée », a insisté l’organisation de défense des droits humains.

Le rapport d’Amnesty International sort au moment où un certain nombre d’affaires analogues, survenues dans d’autres casernes du Royaume-Uni, remontent à la surface. Depuis 1994, 23 soldats sont morts dans la caserne de Catterick, en dehors de toute situation de combat. Les proches de certaines recrues affectées dans ces camps parlent de comportements abusifs racistes et sectaires, de viols et de tentatives d’intimidation.

« Il semble - et c’est inquiétant - que la procédure de recours interne de l’armée ne soit pas à même de venir à bout d’une culture fondée sur les brimades systématiques, qui continue de mettre en péril la vie des jeunes recrues, a conclu Amnesty International. Une enquête publique d’envergure est nécessaire pour déterminer les circonstances ayant présidé à ces décès, et notamment pour voir si la culture, les systèmes et les procédures des forces armées n’y ont pas, d’une manière ou d’une autre, contribué. »

La campagne en faveur d’une enquête publique exhaustive sur les circonstances de la mort des quatre soldats de Deepcut est dirigée par les familles des défunts et par un parlementaire, Kevin McNamara. Elle a étendu son champ d’action, pour couvrir toutes les morts survenues depuis 1990 en dehors de tout combat et dans des circonstances non éclaircies.

« Je considère comme un signe encourageant le fait que 173 de mes collègues du Parlement aient signé la motion urgente actuellement devant la Chambre des communes, qui prie instamment le gouvernement d’établir une commission d’enquête sur ces affaires, a déclaré Kevin McNamara. Le rapport d’Amnesty International ne peut que donner plus de poids à cette demande. »

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