Royaume-Uni. Il faut renforcer la protection des témoins pour que les auteurs de crimes de guerre n’échappent pas à leur obligation de rendre des comptes

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Amnesty International a exprimé sa déception ce jeudi 3 juillet après l’expulsion du Royaume-Uni de Vinayagamoorthi Muralitharan, ressortissant sri-lankais, également connu sous le nom de Karuna, auteur présumé de crimes de guerre et crimes contre l’humanité au Sri Lanka. Il a été expulsé après avoir été reconnu coupable d’infraction à la législation sur l’immigration.

« L’expulsion de Karuna signifie a présent que l’enquête ouverte par les autorités britanniques sur ces allégations est close. Karuna a le droit d’être présumé innocent tant que sa culpabilité n’a pas été prouvée avec un degré de certitude suffisant lors d’un procès équitable. Nous allons toutefois écrire aux autorités sri-lankaises pour leur demander qu’une enquête soit ouverte au Sri Lanka sur les accusations dont il fait l’objet, a déclaré Amnesty International.

« Nous sommes également inquiets de constater que l’enquête n’a pu être menée à son terme parce que le gouvernement britannique n’y a pas consacré les ressources nécessaires et n’a pas donné suffisamment d’assurances aux victimes ou à leurs proches concernant leur sécurité dans le cadre d’un programme de protection des témoins. »

Plusieurs organisations non gouvernementales ont fourni à la police métropolitaine de Londres des informations concernant de graves allégations d’atteintes aux droits humains dont Karuna serait l’auteur. Ont notamment été présentés des déclarations de victimes et de témoins, ainsi que les noms de témoins prêts à fournir des détails précis concernant la responsabilité présumée de Karuna ou son implication dans des actes de torture, des prises d’otages et le recrutement d’enfants soldats combattants au Sri Lanka.

Amnesty International a également recueilli les récits de témoins potentiels, mais qui ne voulaient pas témoigner ni faire de déposition auprès de la police métropolitaine par crainte de représailles au Royaume-Uni et au Sri Lanka. L’organisation connaît l’existence d’au moins un témoin au Sri Lanka qui a fourni des informations à la police métropolitaine et qui se trouve toujours au Sri Lanka, sans qu’aucune protection lui ait été fournie dans ce pays et sans que la possibilité lui ait été offerte de s’installer ailleurs. Amnesty International craint que ce témoin ne soit confronté à un risque réel de représailles pour avoir donné des informations à la police dans l’enquête sur Karuna.

« Nous avons fait part de notre inquiétude à la police métropolitaine, soulignant qu’il n’y avait peut-être pas eu assez d’efforts faits pour protéger les témoins et rassurer les témoins potentiels pendant l’enquête. Nous aimerions que les autorités britanniques mettent en place de nouvelles mesures à l’avenir pour juger les criminels de guerre et protéger les témoins », a déclaré Amnesty International.

Amnesty International appelle les autorités britanniques à mettre en place des programmes efficaces de protection des témoins lorsque des enquêtes sont menées sur des allégations de ce type, sur le modèle des programmes de protection des témoins mis en place par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, le Tribunal pénal international pour le Rwanda, le Tribunal spécial pour la Sierra Leone et la Cour pénale internationale. L’organisation appelle également les autorités britanniques à créer une unité spécialisée indépendante en charge des enquêtes de police et des poursuites judiciaires, disposant des moyens nécessaires pour pouvoir traiter des crimes contre l’humanité, actes de torture et crimes de guerre.

Complément d’information

Karuna était un dirigeant important des Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul (LTTE), groupe armé d’opposition revendiquant un État indépendant dans les provinces où les Tamouls sont majoritaires au Sri Lanka. Il s’est séparé des Tigres de libération de l’Eelam Tamoul pour former son propre groupe, le Tamileel Makkal Viduthalai Pulikal , ou Tigres de libération populaire de l’Eelam Tamoul (TMVP), qui a également une aile politique. Depuis mars 2004, le groupe opère, semble-t-il, avec le soutien de l’armée sri-lankaise pour contester aux LTTE la suprématie dans la partie est du Sri Lanka.

Il résidait au Royaume-Uni lorsqu’il a été placé en garde à vue et inculpé par les autorités britanniques en novembre 2007 d’infraction à la législation relative à l’immigration, ce dont il a été reconnu coupable.

Bien que les allégations contre Karuna aient trait à des actes qui se sont déroulés au Sri Lanka, les tribunaux britanniques auraient pu exercer leur compétence pour connaître d’un certain nombre d’infractions dont il est accusé :

  des actes de torture commis depuis mars 2004 (date à laquelle Karuna s’est allié aux forces gouvernementales), en violation de l’article 134 de la Loi relative à la justice pénale de 1988 ; les tribunaux britanniques ont compétence à l’égard de toute personne soupçonnée ou accusée d’actes de torture si ces actes ont été commis avec le consentement ou l’assentiment d’un fonctionnaire ou d’une personne agissant en sa capacité officielle, quelle que soit la nationalité de l’auteur ou le lieu où les faits présumés se sont produits : c’est une infraction soumise à ce que l’on appelle la « compétence universelle » ;

  des prises d’otages perpétrées depuis 1982, en violation du paragraphe 1(1) de la Loi relative aux prises d’otages de 1982 ; encore une fois, c’est une infraction soumise à la compétence universelle, pour laquelle les tribunaux britanniques ont compétence à l’égard de toute personne, quelle que soit sa nationalité et quel que soit le lieu où l’infraction a été perpétrée ;

  les crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis depuis septembre 2001, en violation de la loi de mise en œuvre du Statut de Rome de la Cour pénale internationale de 2001 ; en vertu de l’article 51(2)(b) de cette loi, les tribunaux britanniques sont habilités à juger une personne soupçonnée ou accusée de crime de guerre ou crime contre l’humanité perpétré en dehors du Royaume-Uni par un ressortissant britannique, un résident britannique ou une personne relevant de la compétence des tribunaux britanniques, membre des forces armées britanniques par exemple. D’après les informations dont dispose Amnesty International, Karuna avait le statut de résident au Royaume-Uni, pour l’application de la présente loi, au moment de son arrestation en novembre 2007.

Amnesty International a écrit le 14 mai et à nouveau le 4 juin 2008 à la police métropolitaine pour lui faire part de ses inquiétudes concernant l’enquête mais n’a pas, à ce jour, reçu de réponse à ses courriers.

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