ROYAUME-UNI. L’enquête sur le « dimanche sanglant » reconnaît l’innocence des victimes

ÉFAI - 21 juin 2010

Le dimanche 30 janvier 1972, encore appelé le « dimanche sanglant », 13 personnes qui manifestaient pour leurs droits civiques avaient été abattues et 14 autres blessées – l’une d’entre elles devait mourir des suites de ses blessures – par des soldats britanniques en Irlande du Nord. Plus de 38 ans plus tard, le 15 juin 2010, les conclusions de l’enquête sur le « dimanche sanglant » présidée par Lord Saville de Newdigate, Lord juge, ont été rendues publiques.

L’enquête conclut qu’aucune des personnes tuées ou blessées ce jour là ne porte la responsabilité des tirs ; toutes sont innocentes. L’enquête conclut qu’aucune des personnes visées par les tirs « ne représentait une menace de mort ou de blessure grave », qu’aucune n’avait d’arme à feu et que « personne n’avait jeté ou menacé de jeter de bombe à clous ou de cocktail Molotov sur les soldats lors du dimanche sanglant ».

Le rapport d’enquête confirme que plusieurs victimes ont été atteintes au dos alors qu’elles s’enfuyaient, dans un cas, une victime a été touchée « une seconde fois dans le dos, probablement alors qu’elle se trouvait déjà à terre mortellement blessée ». Un homme avait été blessé alors qu’il se tenait auprès de son fils mort ou en train de mourir et un autre avait été atteint d’une balle dans la tête qui l’avait tué sur le coup alors qu’il s’avançait à découvert « en agitant un morceau de tissu ».

Le rapport conclut qu’à quelques rares exceptions près, les soldats ont visé des personnes dont ils savaient qu’elles ne présentaient pas de menace de mort ou de blessure grave et que, dans la plupart des cas, « ils n’avaient pas tiré en réaction à la peur ou la panique ». L’enquête a montré que les soldats, qui avaient parlé dans leurs récits d’hommes armés et de poseurs de bombes pour justifier leurs tirs avaient manifestement et sciemment fait de fausses déclarations. Les décisions opérationnelles militaires du général Ford et du lieutenant-colonel Wilford ont aussi été critiquées.

Les tirs des soldats britanniques ayant provoqué des morts et des blessés en ce « dimanche sanglant » étaient donc « non justifiés » et « injustifiables ». Réagissant à ces conclusions, le Premier ministre britannique David Cameron a présenté des excuses publiques pour le comportement des forces armées ce jour-là, déclarant que les conclusions de l’enquête étaient très claires et que ce qui s’était passé le « dimanche sanglant » était mal.

La publication de ce rapport a également jeté un fort discrédit sur le tribunal d’investigation, établi en 1972 pour enquêter sur les évènements du « dimanche sanglant » et qui était présidé par Lord Widgery. L’enquête Widgery avait été entachée d’irrégularités ; outre les contradictions que comportait le rapport, tous les éléments de preuve pertinents n’avaient pas été rassemblés, les personnes blessées ce jour-là notamment n’avaient pas toutes été interrogées, des rapports médico-légaux n’avaient pas été interprétés correctement et l’enquête n’avait pas porté sur tous les aspects de cette journée.
Le droit des victimes et de leurs familles à connaître la vérité sur ce qui s’est réellement passé en ce « dimanche sanglant » est un élément fondamental pour assurer leur droit à un recours ; la publication du rapport de l’enquête Saville a finalement permis que cela se produise. Cependant, le droit à un recours, tel qu’il est inscrit dans le droit international relatif aux droits humains, comprend aussi l’obligation pour les États, le cas échéant, d’engager des poursuites contre les responsables présumés d’atteintes aux droits humains. Le rapport de l’enquête établit clairement que les morts du « dimanche sanglant » étaient non justifiées ; en conséquence, les agents de l’État auteurs d’actions illégales devront être amenés à rendre des comptes.

Les appels se poursuivent à l’adresse du gouvernement britannique pour qu’il fasse en sorte que des enquêtes effectives, indépendantes et impartiales soient menées sur toutes les violations des droits humains commises en Irlande du Nord. Le gouvernement britannique doit examiner les propositions du rapport Eames/Bradley, afin de traiter des atteintes considérables aux droits humains perpétrées dans le passé en Irlande du Nord.

Le droit des victimes et de leurs familles à voir la vérité sur les atteintes aux droits humains dont elles ont souffert éclater au grand jour et le devoir des États d’obliger les présumés responsables des violences à rendre compte de leurs actes sont essentiels pour permettre à la justice de triompher et faire en sorte que de telles atteintes aux droits humains ne puissent être commises par des agents de l’État ou des acteurs autres que des agents de l’État en toute impunité.

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