ROYAUME-UNI Le gouvernement doit retirer son projet de loi sur les enquêtes (Inquiries Bill) et agir selon ses promesses

Index AI : EUR 45/003/2005
ÉFAI
Vendredi 11 février 2005

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

À la veille du 16ème anniversaire du meurtre de Patrick Finucane, avocat spécialisé dans la défense des droits humains, Amnesty International répète une nouvelle fois que seule une enquête publique et indépendante pourra permettre d’établir la vérité sur sa mort et faire en sorte que les règles du droit soient appliquées.
« Seule une enquête publique menée par un tribunal d’investigation régie par la loi de 1921 (Tribunals of Inquiry (Evidence) Act) pourra permettre de faire toute la lumière sur la collusion d’agents de l’État avec des paramilitaires loyalistes, ainsi que sur les allégations attribuant la mort de Patrick Finucane à une politique d’État ou selon lesquelles différentes autorités gouvernementales seraient intervenues pour masquer la collusion des pouvoirs dans cette affaire », a déclaré Amnesty International.
Le gouvernement britannique est revenu sur sa promesse d’agir selon les recommandations du juge Cory, ancien juge à la Cour suprême du Canada, qui préconisait qu’une enquête publique soit menée dans l’affaire Patrick Finucane. Au lieu de cela, le gouvernement a annoncé que l’affaire Finucane ferait l’objet d’une enquête basée sur une loi en cours d’examen au Parlement (Inquiries Bill). Le gouvernement a déclaré que le nouveau projet de loi vise à prendre en compte « les exigences de la sécurité nationale ».
Amnesty International considère que le gouvernement britannique tente d’éliminer tout examen indépendant de l’action de ses agents à travers ce projet de loi sur les enquêtes. L’organisation craint que s’il est accepté, cela ne signifie l’abrogation de la loi de 1921 (Tribunal of Inquiry (Evidence) Act).
« Une enquête menée selon le nouveau projet de loi sur les enquêtes (Inquiries Bill) ne serait pas une enquête effective et ne serait ni indépendante, ni impartiale, ni approfondie. Elle n’offrirait pas non plus toutes les garanties d’un examen public de tous les éléments de preuve pertinents, selon Amnesty International.
« Ce projet de loi aura des répercussions non seulement sur l’affaire Finucane, mais également sur d’autres dossiers importants dans lesquelles un examen public des actions de l’État s’avérerait utile. Par exemple, à l’occasion de défaillances des services publics, de morts en prison, de catastrophes ferroviaires, décès dans les rangs de l’armée dans des circonstances controversées, etc. »
Amnesty International craint que, si ce projet de loi est voté, cela ne sonne le glas de toute possibilité d’examen public et de toute responsabilisation dans les affaires concernant les abus de l’État. En outre, une enquête menée en vertu de cette loi serait loin de satisfaire aux exigences des normes de droit international relatif aux droits humains visant à assurer aux victimes de violations des droits humains et à leurs familles des réparations effectives.
Amnesty International appelle au retrait de cette proposition de loi et demande au gouvernement d’entamer des consultations sérieuses concernant tout changement à venir sur la conduite d’enquêtes publiques. Les enquêtes publiques sont l’un des mécanismes les plus importants pour s’assurer du maintien de l’état de droit et du respect des droits humains.
Complément d’information
Patrick Finucane, avocat au franc-parler spécialisé dans la défense des droits humains, a été abattu dans sa maison de Belfast en Irlande du Nord le 12 février 1989 par des paramilitaires loyalistes. Presque immédiatement après sa mort sont apparus des indices sérieux démontrant la collusion d’agents des services du renseignement militaire et de la police avec des paramilitaires loyalistes dans le cadre de cet homicide. En outre, selon certaines allégations, différentes autorités et agences gouvernementales seraient ensuite intervenues pour dissimuler cette collusion.
En mai 2002, les gouvernements irlandais et britannique ont nommé le juge Peter Cory pour qu’il enquête sur un certain nombre d’homicides dans lesquels les forces de sécurité gouvernementales auraient été impliquées, dont l’homicide de Patrick Finucane.
En avril 2004, les autorités britanniques ont rendu public le rapport du juge Cory, mais ont refusé d’annoncer l’ouverture d’une enquête publique dans l’affaire Patrick Finucane, malgré la conclusion sans équivoque du juge Cory selon laquelle pour ce dossier « seule une enquête publique serait satisfaisante ».
Le 16 septembre 2004, Kenneth Barrett, ancien paramilitaire loyaliste, a été déclaré coupable et condamné pour le meurtre de Patrick Finucane.
Au lieu d’annoncer l’ouverture d’une enquête judiciaire publique, menée par un tribunal d’investigation régie par la loi de 1921 (Tribunal of Inquiry (Evidence) Act 1921), le gouvernement a présenté dans la précipitation un nouveau projet de loi sur les enquêtes (Inquiries Bill) au Parlement. Aucune consultation n’a été menée avant la publication du projet de loi sous forme de rapport définitif et de propositions concrètes.
Au titre de ce projet :
l’enquête tout comme ses termes du référence relèveraient de l’exécutif ; aucun examen parlementaire indépendant de ces décisions ne serait autorisé ;
le choix de la présidence de l’enquête reviendrait à l’exécutif, lequel aurait toute discrétion pour renvoyer l’un quelconque des membres de l’enquête ;
la décision de mener l’enquête ou les audiences individuelles de manière publique ou privée serait du ressort de l’exécutif ;
la décision d’émission d’avis restrictifs en vue d’empêcher la divulgation d’éléments de preuves relèverait de l’exécutif ;
la publication du rapport final d’enquête serait à la discrétion de l’exécutif et des éléments de preuve essentiels pourraient être omis à la discrétion de l’exécutif, « dans l’intérêt public ». ?

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