ROYAUME-UNI - Les politiques de « guerre contre le terrorisme » menées par le gouvernement entraînent des risques de torture

Index AI : EUR 45/005/2006

Ce jeudi 23 février, Amnesty International a publié un rapport de 83 pages qui dénonce en termes accablants les conséquences désastreuses des politiques antiterroristes du Royaume-Uni sur la situation des droits humains.

Irene Khan, secrétaire générale d’Amnesty International, a exposé avec vigueur les préoccupations de l’organisation : « On constate aujourd’hui un déséquilibre dangereux entre les mesures draconiennes prises par le Royaume-Uni au nom de la sécurité et l’obligation de protéger les droits humains qui incombe à cet État. Ces dispositions ternissent l’image du Royaume-Uni et amoindrissent sa capacité de promouvoir les droits humains à l’étranger. »

Le rapport présente une analyse complète des conséquences sur les droits humains des mesures antiterroristes prises par le Royaume-Uni ; sa publication fait suite à des rencontres avec des ministres détenant des portefeuilles importants. Le rapport contient aussi des informations sur la façon dont le Royaume-Uni a essayé de se soustraire à ses obligations face à des violations des droits humains commises par l’armée britannique en Irak.

« Le gouvernement du Royaume-Uni a mis en œuvre des mesures de vaste portée, mal conçues, qui portent gravement atteinte à la primauté du droit », a déclaré Irene Khan.

Le rapport critique le gouvernement du Royaume-Uni qui crée un climat kafkaïen en détenant pendant des années, sur la base d’éléments de preuve tenus secrets, des étrangers soupçonnés de terrorisme. Alors que les Lords juges avaient décidé que leur détention avait un caractère discriminatoire et incompatible avec le droit à la liberté, le gouvernement, au lieu de les libérer, a promulgué une loi en vertu de laquelle ces personnes pouvaient faire l’objet de « décrets restrictifs » limitant leur liberté, leurs mouvements et leurs activités, qu’ils soient des ressortissants du Royaume-Uni ou pas.

Ces personnes, de fait, font l’objet d’une persécution, ce qui a des conséquences terribles sur elles et sur leur famille. En ne poursuivant pas en justice ces suspects et en ayant recours contre elles à des « décrets restrictifs » ou en cherchant à les expulser, le gouvernement du Royaume-Uni renforce le pouvoir exécutif et dédaigne les tribunaux.

« L’aspect le plus inquiétant, ce sont les efforts que le gouvernement du Royaume-Uni a déployés pour affaiblir l’interdiction absolue de la torture », a déclaré Irene Khan.

Amnesty International a critiqué le gouvernement du Royaume-Uni pour avoir cherché à obtenir des « assurances diplomatiques » de la part d’États qui ont déjà, de façon notoire, pratiqué ou laissé pratiquer la torture, dans l’intention de renvoyer dans ces pays des étrangers soupçonnés de terrorisme. Des accords ont déjà été signés avec la Jordanie, la Libye et le Liban ; d’autres sont en négociation avec l’Algérie et l’Égypte.

L’organisation a invité le gouvernement du Royaume-Uni à rompre ces mémorandums d’accord conclus avec des pays où la torture est pratiquée de façon notoire, et elle a déclaré que le Royaume-Uni devrait appliquer toute son énergie à éliminer la torture et les autres mauvais traitements en mettant en route des réformes structurelles et législatives.

« Lorsqu’il sollicite des assurances particulières, le Royaume-Uni reconnaît que les expulsés risquent d’être torturés ; mais il semble oublier qu’il est impossible de veiller au respect de ces garanties et qu’elles ne valent pas le prix du papier sur lequel elles sont écrites. C’est là une fuite choquante devant ses responsabilités et un coup sévère porté à la prohibition internationale de la torture et des autres mauvais traitements. Le Royaume-Uni crée ainsi un précédent extrêmement dangereux, a déclaré Irene Khan. La torture et les autres mauvais traitements sont totalement dégradants pour l’humanité - le Royaume-Uni ne doit rien faire qui puisse affaiblir l’interdiction absolue de la torture imposée par le droit international. »

Le rapport est publié à l’heure où des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour demander la fermeture des installations pénitentiaires étasuniennes de Guantánamo Bay. Amnesty International a de nouveau demandé la fermeture de Guantánamo Bay ; l’organisation a engagé le Royaume-Uni a prendre clairement position à ce sujet.

« Le Royaume-Uni doit s’occuper dans les plus brefs délais du cas d’au moins huit résidents de ce pays qui sont encore, à ce jour, détenus à Guantánamo Bay. Guantánamo n’est pas seulement une "anomalie", selon le terme employé par le Premier ministre, c’est une aberration, et le Royaume-Uni devrait mettre à profit l’influence qu’il exerce sur les États-Unis pour imposer la fermeture de ce lieu », a conclu Irene Khan.

Amnesty International a demandé instamment au gouvernement du Royaume-Uni :

 de poursuivre en justice les personnes soupçonnées de terrorisme qu’il détient, ou de les libérer ;

 de cesser d’expulser des personnes vers des pays où elles risquent d’être torturées ;

 de renoncer à conclure des accords comportant des « assurances diplomatiques » et d’encourager plutôt les pays concernés à réformer leurs institutions ;

 enfin, d’exiger la libération des résidents britanniques détenus à Guantánamo Bay et de demander la fermeture de ces installations.

L’organisation souligne que les incidences à l’échelle mondiale des mesures prises par le Royaume-Uni au nom de la lutte contre le terrorisme et des actions menées à l’étranger ne doivent pas être sous-estimées.

« Le Royaume-Uni compromet sa propre capacité de se prononcer sur des situations donnant lieu à de vives inquiétudes en matière de droits humains, comme au Népal et au Soudan. L’autorité morale de cet État s’en trouvera affaiblie s’il ne redresse pas la situation en ce qui concerne les mesures qu’il prend contre le terrorisme sur son propre territoire », a affirmé Irene Khan.

Le RAPPORT United Kingdom - Human Rights : a broken promise (index AI : EUR 45/004/2006) est accessible sur le site d’AIBF à l’adresse :
http://www.amnestyinternational.be/doc/IMG/pdf/EUR450042006.pdf

Le RÉSUMÉ du rapport Royaume-Uni. Droits humains : la promesse violée (index AI : EUR 45/004/2006) est accessible sur le site d’AIBF à l’adresse :
http://www.amnestyinternational.be/doc/IMG/pdf/FRAEUR4500406.pdf

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