RUSSIE : En prenant la présidence du Conseil de l’Europe, la Russie doit montrer son respect pour les droits humains

Index AI : EUR 46/028/2006

DÉCLARATION PUBLIQUE

Appel conjoint d’Amnesty International, du Centre pour le développement de la démocratie et des droits humains, du centre Demos, du Centre des droits humains Memorial, du Comité d’assistance civique, de la Fédération internationale d’Helsinki pour les droits humains, de Human Rights Watch, du groupe Moscou-Helsinki et de l’union des Comités des mères de soldats de Russie.

Ce vendredi 19 mai, pour la première fois, la Fédération de Russie assumera la présidence du Conseil des ministres du Conseil de l’Europe, peu après le 10ème anniversaire de son adhésion à ce Conseil. Nous, organisations russes et internationales de défense des droits humains, croyons fermement que cette occasion constitue une responsabilité particulière et offre des opportunités. Le pays occupant la présidence de cette organisation intergouvernementale qui promeut le respect des droits humains, de l’état de droit et de la démocratie, et observe leur mise en œuvre dans ses États membres, doit montrer une coopération exemplaire avec les organes du Conseil de l’Europe, et un respect non moins exemplaire pour les aspirations du Conseil.

La Russie a accompli des progrès considérables par rapport à ses promesses et engagements essentiels datant de son adhésion au Conseil de l’Europe. Parmi ces avancées figurent la signature et la ratification de la Convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et plusieurs autres convention du Conseil de l’Europe ; le transfert de la supervision du système carcéral au ministère de la Justice ; l’introduction de nouveaux codes dans le domaine pénal, civil et procédurier ; et l’imposition d’un moratoire sur la peine de mort.

Cependant, nous constatons que la Russie n’a pas tenu un certain nombre d’autres engagements pris au moment où elle est devenue membre du Conseil de l’Europe, et qu’elle n’a pas toujours coopéré avec les organes du Conseil. Nous constatons avec la même préoccupation que le respect du gouvernement pour les libertés et droits humains fondamentaux, en particulier dans le domaine des libertés politiques, a considérablement diminué en Russie au cours des dernières années.

Nous espérons que pendant sa présidence du Conseil de l’Europe, la Russie prendra des mesures significatives pour renforcer le respect et la protection des droits humains sur son territoire, et pour encourager ces améliorations dans toute la région du Conseil de l’Europe. Nous estimons qu’en prenant les mesures présentées ci-dessous, la Russie démontrera son réel engagement en faveur des aspirations du Conseil de l’Europe : la promotion et le respect des droits humains, de l’état de droit et de la démocratie.

Mettre un terme aux détentions arbitraires, à la torture, aux mauvais traitements, aux « disparitions » forcées et aux exécutions extrajudiciaires dans le Caucase nord

L’armée russe, les forces de sécurité fédérales et les unités officielles ou non du gouvernement tchétchène doivent obéir strictement au droit russe, ainsi qu’au droit international humanitaire et relatif aux droits humains. Tous les groupes d’opposition armée tchétchène doivent s’abstenir de toute activité susceptible de mettre en danger la population.

Nous demandons aux autorités russes de mettre un terme à la torture, aux mauvais traitements, aux détentions arbitraires, aux « disparitions » forcées et aux exécutions extrajudiciaires.

Prendre des mesures efficaces pour mettre fin à l’impunité en Tchétchénie

En devenant membre du Conseil de l’Europe, la Russie s’est engagée à ce que les responsables des violations de droits humains soient traduits en justice, en particulier en lien avec la Tchétchénie. En coopération avec le Conseil de l’Europe, les autorités russes ont pris quelques mesures pour identifier des corps exhumés et enquêter sur les atteintes aux droits humains. Cependant, un climat étouffant d’impunité continue de régner sur la région.

Nous demandons aux autorités russes de faire des progrès réels et vérifiables dans les six mois à venir, pour enquêter sur un certain nombre d’affaires importantes de violation des droits humains, et poursuivre leurs responsables. Comme les mauvais traitements et « disparitions » forcées systématiques du poste de police temporaire du district Oktiabrskii à Grozny, au printemps 2000, ou les « disparitions » de Saïd-Khousseïn et Saïd-Magomed Imakaïev. Ce dernier a déposé un recours auprès de la Cour européenne des droits de l’homme pour la « disparition » de son fils.

Mettre fin aux violences au sein des forces armées russes

En accédant au Conseil de l’Europe, la Russie s’est également engagée à réduire, voire éliminer, les mauvais traitements et décès dans les forces armées en dehors des conflits militaires. Pourtant, des pratiques de bizutage et d’initiation violente dans les forces armées provoquent encore la mort de dizaines de jeunes soldats chaque année, et nuisent gravement à la santé physique et mentale de milliers d’autres.

Nous demandons au gouvernement russe de présenter et mettre en œuvre un plan clair et exhaustif pour mettre fin aux pratiques d’initiation violentes au sein des forces armées.

Modifications de la Loi sur les organisations non gouvernementales

En avril 2006, un nouveau texte de loi réglementant le travail des organisations non gouvernementales (ONG) est entré en vigueur ; il comporte des dispositions qui renforcent considérablement le contrôle du gouvernement sur le travail des ONG, et peut entraîner une ingérence politique encore plus importante dans les activités des ONG.

Nous demandons au gouvernement russe de modifier ce texte et d’introduire des garanties pour protéger les ONG contre les restrictions arbitraires à leurs activités légitimes.

Réforme du parquet

Lors de son adhésion, la Russie s’est engagée à réformer le ministère public, dans le respect des normes du Conseil de l’Europe. Cependant, cette réforme ne s’est pas encore produite. Un important travail de recherche par les groupes de défense des droits humains soussignés démontre que le ministère public manque régulièrement à son devoir d’enquêter de manière prompte, approfondie, impartiale et efficace sur les allégations d’atteintes aux droits humains.

Nous estimons que le gouvernement russe doit rapidement initier un processus exhaustif conduisant à une refonte complète du ministère public, dans le respect des normes européennes, permettant ainsi d’obtenir des recours efficaces, et d’obliger les responsables de violations des droits humains à rendre des comptes.

Coopération avec le Comité pour la prévention de la torture
En 1998, la Russie a ratifié la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Ce faisant, la Russie s’est engagée à coopérer avec le Comité européen de prévention de la torture (CPT). La Russie a généralement permis au CPT de visiter les lieux où des personnes sont privées de leur liberté, mais nous constatons avec préoccupation que lors de sa dernière visite, en mai 2006, le CPT s’est vu tout d’abord refuser l’accès au village de Tsenteroï, en République tchétchène.

Le 1er mai 2006, le CPT a interrompu sa visite au Caucase nord après s’être vu refuser l’accès au village de Tsenteroï. Cependant, le CPT a repris sa visite après avoir reçu des assurances du président tchétchène, selon lesquelles il pourrait travailler sans plus d’interférences.

La Russie est le seul pays du Conseil de l’Europe à ne pas autoriser la publication de tous les rapports des visites du CPT : à cette date, 12 des 13 rapports de visite du CPT demeurent confidentiels. Sans être obligatoire, l’autorisation de publication de ces rapports est devenue une pratique établie de toutes les autres parties à la Convention.

Nous estimons que la Russie doit coopérer pleinement avec le CPT, notamment en faisant en sorte que le CPT ait accès à tous les lieux où des personnes sont privées de liberté ; en élaborant un processus public pour accomplir des efforts réels et transparents pour mettre en œuvre les recommandations du CPT ; et en autorisant, sans plus tarder, la publication de tous les rapports de visite du CPT en Russie.

Ratification du Sixième protocole à la Convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales

En 1996, la Russie s’est engagée à signer dans un délai d’un an et à ratifier dans un délai de trois ans le Sixième protocole à la Convention européenne, qui stipule l’abolition de la peine de mort en temps de paix. Bien qu’aucune condamnation à mort n’ait été prononcée et qu’aucune exécution n’ait eu lieu depuis des années, la Russie n’a toujours pas ratifié le protocole.

Nous demandons au parlement russe de ratifier le Sixième protocole sans plus attendre.

Ratification de la Charte sociale européenne

En devenant État membre du Conseil de l’Europe, la Russie s’est engagée à étudier, dans le but de la ratifier, la Charte sociale européenne. La Russie a signé cette charte le 14 septembre 2000.
Nous estimons que la Russie doit finaliser le processus de ratification lors de sa présidence.

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