Russie, Ingouchie : Détention d’un militant des droits humains et brutalités, une enquête s’impose

Déclaration publique

Index AI : EUR 46/024/2008 -
ÉFAI

Amnesty International a déploré, ce vendredi 25 juillet, l’arrestation arbitraire et les violences dont aurait été victime, en Ingouchie, le défenseur des droits humains Zourabl Tsetchoïev.

Selon certaines informations, une cinquantaine d’hommes armés, appartenant apparemment aux forces de sécurité de la Fédération de Russie, sont arrivés vers six heures du matin au domicile de Zourabl Tsetchoïev, à Troïtskaïa, un village du district de Sounjensk (Ingouchie), à bord de trois véhicules blindés de transport de troupes et de trois minibus de type « Gazel ». Zourabl Tsetchoïev aurait ouvert la porte et aurait été contraint de s’allonger à terre, avant d’être conduit de force, sous la menace des fusils, à l’intérieur de la maison, tandis que les responsables de l’application des lois se livraient à une perquisition des lieux. Cette perquisition aurait été réalisée sans mandat et en l’absence de tout témoin indépendant. Deux téléphones portables et un ordinateur auraient été saisis. Zourabl Tsetchoïev aurait ensuite été emmené à bord de l’un des véhicules blindés de transport de troupes, sans que sa famille ne soit informé du lieu où il était conduit.

Les démarches entreprises par ses proches auprès des services du procureur et du ministère des Affaires internes, afin d’identifier les responsables de l’arrestation et le lieu où se trouvait Zourabl Tsetchoïev, n’ont donné aucun résultat.

Un passant aurait découvert ce dernier, plusieurs heures plus tard, sur le bord de la route, près d’Ekajevo, un village des environs de Magas, la capitale de l’Ingouchie. Zourabl Tsetchoïev avait manifestement été passé à tabac. Les deux téléphones portables et l’ordinateur confisqués avaient été abandonnés à côté de lui. Souffrant de nombreux hématomes et de lésions multiples, il a été hospitalisé un peu plus tard.

Zourabl Tsetchoïev aurait été conduit au siège du Service fédéral de sécurité (FSB) de Magas, où il aurait été placé dans une pièce du sous-sol. Il aurait ensuite été roué de coups et soumis à divers autres mauvais traitements par des agents des services de l’État. Tout en le frappant, ces derniers auraient fait allusion à son action au sein de l’organisation non gouvernementale de défense des droits humains MASHR, l’accusant d’être impliqué dans la publication, sur le site Internet d’opposition Ingushetiya.ru, d’une liste donnant les noms de plusieurs membres des forces de sécurité accusés d’avoir organisé des enlèvements et des meurtres en Ingouchie, ainsi que divers autres renseignements les concernant. Zourabl Tsetchoïev nie toute responsabilité dans cette affaire. Les fonctionnaires qui l’interrogeaient auraient contrôlé son ordinateur et ses téléphones portables.

La nouvelle de son arrestation commençant à faire un certain bruit, Zourabl Tsetchoïev aurait finalement été relâché. Avant de le libérer, ses tortionnaires auraient toutefois menacé de le tuer, lui et sa famille, si jamais il décidait de porter plainte, s’il ne renonçait pas à son action au sein de MASHR et s’il n’avait pas quitté l’Ingouchie au mois de septembre.

Amnesty International demande aux autorités de veiller à ce qu’une enquête indépendante, approfondie et impartiale soit menée dans les meilleurs délais sur l’arrestation arbitraire, les mauvais traitements et les menaces dont aurait fait l’objet Zourabl Tsetchoïev, et de faire en sorte que tout responsable présumé soit traduit en justice.

Les autorités russes doivent respecter et protéger le droit des défenseurs des droits humains de mener à bien leurs actions, sans être victimes d’entraves, de manoeuvres d’intimidation ou d’actes de harcèlement, conformément à la Déclaration de l’ONU sur les défenseurs des droits humains.

Complément d’information

L’organisation MASHR dénonce et combat les atteintes graves aux droits humains commises en Ingouchie. Elle est particulièrement engagée dans la lutte contre les disparitions forcées et les enlèvements. Zourabl Tsetchoïev est le responsable de son site Internet.

MASHR fait l’objet, depuis 2006, de fréquents contrôles de ses activités de la part du fisc, des services fédéraux d’enregistrement, du Parquet de la République d’Ingouchie et de la police. Son directeur, Magomed Moutsolgov, a reçu des menaces en raison de son action en faveur des droits humains. Il dit avoir de bonnes raisons de penser que son bureau est soumis à une surveillance, ainsi que sa propre personne.

Il n’est pas le seul défenseur des droits humains à rencontrer des problèmes en Ingouchie. Le responsable du centre de défense des droits humains Mémorial, Oleg Orlov, et trois journalistes de la chaîne REN TV ont été enlevés en novembre dernier. Roués de coups et soumis à des menaces, ils ont finalement été abandonnés dans un champ par leurs agresseurs, qui cherchaient manifestement à les empêcher de couvrir une manifestation de l’opposition prévue un peu plus tard ce jour-là.

Zourabl Tsetchoïev a saisi la Cour européenne des droits humains, concernant la disparition forcée de son frère, Tamerlan Tsetchoïev, enlevé le 11 mars 2004. Tamerlan Tsetchoïev se trouvait en compagnie du substitut du procureur Rachid Ozdoïev, lorsque leur voiture a été arrêtée à Verkhnie Atchalouki, un village du district de Malgobek, par des hommes dépendant apparemment du FSB d’Ingouchie, qui les ont emmenés. On ignore depuis ce que sont devenus les deux hommes. Amnesty International a demandé qu’une enquête sérieuse soit menée sur la « disparition » de Rachid Ozdoïev (voir index AI : EUR 46/059/2004).

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