Cette mesure devrait toucher les services russes de grands organes de presse internationaux tels que la BBC, Deutsche Welle ou Radio Free Europe/Radio Liberty, ainsi que le journal indépendant Novaïa Gazeta.
Tous les partis politiques représentés à la Douma d’État, la chambre basse du Parlement russe, ont exprimé leur soutien à ce projet de loi, qui devrait donc être adopté à l’unanimité, peut-être dès mercredi.
« Ce texte porte un coup sévère à la liberté de la presse en Russie, qui était déjà extrêmement mal en point. Le Kremlin n’a de cesse depuis deux ou trois ans de mettre en place une chambre d’écho médiatique destinée à faire taire toute critique, aussi bien en Russie qu’à l’étranger », a déclaré Denis Krivocheïev, directeur adjoint du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International.
« Les organes de presse et les journalistes indépendants doivent faire face à des représailles et sont physiquement menacés de manière quasi quotidienne. Beaucoup sont contraints de déserter l’espace médiatique russe grand public. Cette nouvelle loi porte à un nouveau niveau les obstacles qui entravent le travail de la presse en Russie. »
Le nouveau projet de loi étend le champ de la loi de 2013 sur les « agents de l’étranger », qui visait en premier lieu les ONG et qui a contraint plusieurs organisations parmi les plus réputées à mettre la clef sous la porte et de très nombreuses autres à réduire leurs activités. Une fois les amendements adoptés, la « loi sur les agents de l’étranger » s’appliquera à tous les organes de presse étrangers travaillant en Russie, ainsi qu’aux titres de la presse d’information russe financés d’une manière ou d’une autre depuis l’étranger.
Ces entreprises devront déclarer de façon détaillée leur structure de financement, leur comptabilité et la composition de leur personnel. Tout ce qu’elles publieront, y compris leurs sites Internet et leurs pages sur les réseaux sociaux, devra porter la mention « agents de l’étranger ».
Ce projet permettra également au parquet de bloquer arbitrairement l’accès aux sites Internet des « organisations indésirables », formulation qui laisse une large place à l’interprétation.
« Les autorités russes ont déjà utilisé la “loi sur les agents de l’étranger” pour neutraliser et discréditer des dizaines d’ONG parmi les plus respectées du pays », a rappelé Denis Krivocheïev.
« Cela devrait malheureusement être bientôt le tour des quelques rares organes de presse de Russie qui se battent encore pour préserver leur indépendance en recueillant des fonds l’étranger leur permettant de travailler. »
Complément d’information
La Douma d’État de Russie a justifié cette initiative en expliquant qu’il s’agissait d’une mesure de rétorsion, après la décision du ministère de la Justice des États-Unis d’exiger que la chaîne de télévision RT, financée par le gouvernement russe, s’enregistre auprès des autorités américaines en tant qu’« agent de l’étranger ». Les promoteurs de cette mesure visaient initialement les seuls organes de presse basés aux États-Unis, mais celle-ci a finalement été étendue beaucoup plus largement à l’ensemble des acteurs médiatiques présents en Russie et recevant des fonds de l’étranger.