« Dans le cadre de leur virulente campagne contre les personnes LGBTI, les autorités russes s’en prennent désormais aux éditeurs, les accusant d’" extrémisme " pour avoir simplement fait leur travail : proposer des livres aux lectrices et aux lecteurs. Cette utilisation éhontée de l’appareil d’État contre la littérature est aussi absurde qu’effrayante, a déclaré Natalia Zviagina, directrice du bureau d’Amnesty International en Russie.
« Une chose est sûre : aucune interdiction, aucune arrestation ni aucune poursuite ne pourra gommer l’existence des personnes LGBTI en Russie ou ailleurs. L’histoire a montré que les manœuvres visant à réprimer l’identité et censurer la connaissance s’avèrent toujours vaines. L’amour et la connaissance l’emporteront toujours sur la haine et la répression.
« Les professionnel·le·s de l’édition placés en détention doivent être libérés sans délai, les charges pénales retenues contre eux doivent être abandonnées et la persécution des personnes, des organisations et des initiatives LGBTI en Russie doit prendre fin. »
Complément d’information
Le 14 mai, les forces de sécurité russes ont arrêté au moins 10 personnes à Moscou dans le cadre d’une enquête pénale portant sur des allégations d’« implication dans les activités d’une organisation extrémiste », de « participation aux activités » d’une telle organisation et d’« organisation de son travail en se servant d’une position officielle » (article 282.2-1.1, -2 et -3 du Code pénal) pour avoir publié des livres sur le thème des LGBTI. Au moins 10 personnes ont été interrogées, dont Anatoli Noroviatkine, directeur de la distribution chez EKSMO, ainsi que le cofondateur de Popcorn Books, Dimitri Protopopov, et l’ancien directeur des ventes, Pavel Ivanov. Le 15 mai, trois personnes ont été officiellement inculpées ; leurs noms n’ont pas encore été divulgués. Si elles sont reconnues coupables, elles encourent des peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 12 ans.
Selon l’avocat, l’affaire repose sur la distribution présumée de plus de 900 exemplaires de 10 titres à thème LGBTI, dont aucun n’a été officiellement interdit ni rangé dans la catégorie « extrémiste ». Les ouvrages cités dans l’affaire sont notamment The Summer in a Pioneer Tie (en anglais Pioneer Summer), un roman best-seller d’Elena Malisova et Katerina Silvanova qui raconte l’histoire d’amour homosexuelle entre deux adolescents soviétiques. Les auteures ont été arbitrairement qualifiées d’« agents de l’étranger » par le ministère de la Justice en février 2024. Parmi les autres titres figurent Heartstopper d’Alice Oseman, Aristote et Dante découvrent les secrets de l’univers de Benjamin Alire Sáenz, et Leah on the Offbeat et Love, Creekwood de Becky Albertalli – tous publiés par Popcorn Books entre 2019 et 2022.
Ces arrestations interviennent dans un contexte de répression accélérée visant les droits des personnes LGBTI, à la suite de la décision prise en novembre 2023 par la Cour suprême de Russie d’interdire le « mouvement LGBT international », qualifié d’« extrémiste » ; cela favorise la persécution de toute personne associée aux identités LGBTI ou à la défense de ces droits en vertu de la législation relative à la lutte contre l’extrémisme. Depuis l’entrée en vigueur de cette interdiction en janvier 2024, les autorités russes ont engagé au moins 12 procédures pénales, effectué des descentes dans des lieux LGBTI, infligé des amendes administratives et des détentions de courte durée pour affichage de symboles sur le thème de l’arc-en-ciel, et contraint des groupes qui défendent les droits des personnes LGBTI à fermer.