Ces projets de loi visent à cibler les Russes qui ont soutenu des organisations religieuses et de la société civile par la suite classées parmi les organisations « extrémistes » ou « terroristes » et à élargir le champ d’application de la loi sur les organisations « indésirables ».
« Le régime de Vladimir Poutine cherche à éliminer totalement les voix critiques de l’espace civique. Cette dernière attaque particulièrement éhontée vise principalement le mouvement d’Alexeï Navalny. Après avoir incarcéré injustement son ennemi juré, le Kremlin s’en prend à tous ceux qui ont osé le soutenir », a déclaré Natalia Zviagina, directrice du bureau d’Amnesty International à Moscou.
Aux termes du premier projet de loi, les autorités sanctionnent l’exercice du droit d’association en excluant de la vie publique les personnes qui partagent une vision critique du gouvernement et œuvrent ensemble à amener le changement. Selon ce texte de loi, les personnes ayant fondé, dirigé, collaboré avec ou participé de toute autre façon aux activités d’une organisation par la suite désignée comme « extrémiste » ou « terroriste » et par conséquent interdite, n’auront pas le droit de se présenter aux élections de la chambre basse du Parlement russe pendant une période allant de trois à cinq ans après l’entrée en vigueur de l’interdiction visant cette organisation. En outre, le texte prévoit son application rétroactive.
La Fondation anticorruption d’Alexeï Navalny, déjà inscrite sur la liste des « agents de l’étranger », doit aujourd’hui se battre contre les manœuvres des autorités visant à l’inscrire sur la liste des « organisations extrémistes ». Selon Leonid Volkov, qui dirigeait les bureaux régionaux de la Fondation avant sa dissolution en avril, jusqu’à 200 000 personnes ayant contribué aux campagnes de financement participatif pourraient tomber sous le coup de la nouvelle loi. Si les alliés et les partisans d’Alexeï Navalny sont sans aucun doute la cible principale, la loi concernera également de nombreux mouvements civiques et religieux qui sont ou pourront se retrouver dans le collimateur de la législation relative à la « lutte contre l’extrémisme » et à la « lutte contre le terrorisme », formulée en termes vagues.
« Le régime de Vladimir Poutine cherche à éliminer totalement les voix critiques de l’espace civique. Cette dernière attaque particulièrement éhontée vise principalement le mouvement d’Alexeï Navalny »
« Il s’agit d’une manœuvre désespérée pour anéantir toute dissidence visible. Les autorités sont prêtes à sanctionner un grand nombre de citoyen·ne·s qui exercent leurs droits à la liberté d’expression et d’association en réduisant plus encore leurs possibilités de prendre réellement part à la vie publique », a déclaré Natalia Zviagina.
Les deux autres projets de loi étendent le champ d’application de la loi sur les organisations « indésirables » : ils prévoient l’interdiction de participer à leurs activités à l’étranger, classent comme « indésirables » les organisations soupçonnées de servir d’intermédiaires pour les transactions financières avec les organisations déjà interdites et durcissent les sanctions pénales. Ils proposent que la responsabilité pénale soit engagée après qu’une personne a fait l’objet d’une seule poursuite administrative, et non deux comme c’est le cas actuellement – voire de manière immédiate.
« Il semble que ce projet de loi a été élaboré pour cibler un autre mouvement de l’opposition, Otkrytaya Rossiya (Open Russia). Il s’agit d’une structure en réseau qui a réussi à survivre dans le vide politique engendré par le régime de Vladimir Poutine. Ses militant·e·s et ses partisan·e·s ont déjà payé un lourd tribut et l’enjeu est désormais monté d’un cran, a déclaré Natalia Zviagina.
« Nous invitons les députés russes à rejeter ces projets de loi. Ils représentent une grave menace pour les droits humains et devraient retenir toute l’attention de la société russe et de la communauté internationale. »
Complément d’information
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