RUSSIE-TCHÉTCHÉNIE : Un policier russe reconnu coupable de crimes contre la population civile en République de Tchétchénie

Amnesty International salue la condamnation, par le tribunal d’arrondissement Oktiabrski de Grozny, en République de Tchétchénie, de Sergueï Lapine, membre d’une unité spéciale de police (OMON) de la région de Khanty-Mansiisk, en Fédération de Russie. C’est la première fois qu’un membre des forces fédérales russes est jugé en Tchétchénie pour des violations des droits humains contre la population civile. Sergueï Lapine comparaissait pour son implication dans la torture et la « disparition » de Zelimkhan Mourdalov, vingt-six ans, arrêté le 2 janvier 2001 à Grozny. Le 29 mars 2005, le tribunal l’a reconnu coupable de coups et blessures volontaires avec circonstances aggravantes (article 111, partie 3 du Code pénal russe) ; d’abus d’autorité avec circonstances aggravantes (article 286, partie 3) ; et de faux et usage de faux par un représentant de l’État (article 292). Il a été condamné à onze ans d’emprisonnement dans une colonie pénitentiaire à régime sévère. À sa libération, il aura l’interdiction, pendant trois ans, de travailler pour un organe relevant du Ministère de l’Intérieur. En outre, le tribunal a rendu une décision spéciale adressée au chef de l’OMON de Khanty-Mansiisk, dans laquelle, selon les informations recueillies, il critique de manière plus générale le comportement de cette unité en Tchétchénie. Il reste encore à identifier et à juger les autres personnes impliquées dans la torture et la « disparition » de Zelimkhan Mourdalov.

Amnesty International a suivi attentivement cette affaire et a fait campagne pour que les responsables de cette « disparition » soient traduits en justice. La section norvégienne de l’organisation a contribué au financement de l’assistance judiciaire dans ce dossier décisif.

Sergueï Lapine avait été arrêté et placé en détention provisoire en janvier 2002. Il avait été libéré en mai de la même année dans l’attente de son procès. Celui-ci a débuté en octobre 2003, après un rude combat de la famille de la victime pour que justice soit rendue. Selon les résultats de l’enquête, le 3 janvier 2001, Zelimkhan Mourdalov a été emmené dans une cellule du poste de police de l’arrondissement Oktiabrski par Sergueï Lapine et un autre policier non identifié. Dans cette cellule, il a été frappé à coups de matraque par Sergueï Lapine. Pendant sa détention, il a aussi été torturé au moyen de décharges électriques. Des témoins ont raconté au tribunal que, dans sa cellule, il tenait à peine debout et avait perdu connaissance à plusieurs reprises. Il avait le bras cassé, l’oreille déchirée et avait reçu un choc violent à la tête. Le lendemain, Sergueï Lapine et plusieurs de ses collègues non encore identifiés sont venus chercher le jeune homme dans sa cellule ; depuis, on ignore ce qu’il est devenu.

Sa famille a été victime de harcèlement et d’intimidations quand elle a cherché à obtenir justice, et sa mère et sa sœur ont dû quitter le pays pour se mettre en sécurité. Son père, Astemir Mourdalov, a expliqué à Amnesty International qu’il continuait de chercher des informations sur ce qu’il était advenu de son fils.

Depuis le début du conflit armé en Tchétchénie, Amnesty International est préoccupée par le climat d’impunité qui règne dans cette république et appelle les autorités russes à traduire en justice les auteurs de violations des droits humains. Cependant, très peu de mesures efficaces ont été prises en ce sens. Seules quelques très rares affaires de « disparitions », de torture et de mauvais traitements ou d’exécutions extrajudiciaires sont parvenues jusqu’aux tribunaux. Face à l’absence de volonté réelle du système judiciaire russe de punir les responsables des violations des droits humains commises dans le Caucase du Nord, beaucoup de civils tchétchènes ont décidé de se tourner vers la Cour européenne des droits de l’homme. La décision rendue par le tribunal d’arrondissement Oktiabrski est très importante non seulement pour la famille de Zelimkhan Mourdalov, mais aussi pour les nombreuses autres victimes de violations des droits humains et de crimes de guerre en République de Tchétchénie. Toutefois, beaucoup reste à faire. Les autorités russes et tchétchènes avancent le chiffre officiel d’environ 2 000 « disparitions » depuis la fin 1999. Selon les estimations non officielles, ce chiffre pourrait atteindre 5 000. Amnesty International et d’autres organisations de défense des droits humains travaillant dans la région ont recueilli des éléments qui tendent à prouver l’implication des forces fédérales et des forces tchétchènes dans un grand nombre de ces « disparitions ».

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