Communiqué de presse

Russie. Un militant politique a été condamné à cinq ans de camp pénitentiaire lors d’une « parodie » de procès

Alexeï Navalny, leader populaire de l’opposition en Russie, a été condamné à une peine de cinq ans de colonie pénitentiaire à l’issue d’un procès motivé par des considérations politiques, pour des accusations très contestables de détournement de fonds, a déclaré Amnesty International.

Son complice présumé et coaccusé, l’homme d’affaires Piotr Ofitserov, a quant à lui été condamné à une peine de quatre ans.

Amnesty International demande que les deux hommes soient libérés immédiatement. Tout nouveau procès doit s’appuyer sur des charges concordant avec les faits économiques présents dans le dossier, dans le cadre d’une procédure qui garantisse un contrôle adéquat des éléments exposés par des experts indépendants.

« Depuis le début, des éléments indiquent clairement que les poursuites pénales engagées contre Alexeï Navalny reposent sur des motivations politiques. La nature même des charges retenues contre lui est plus que douteuse et la manière dont sa culpabilité a soi-disant été établie soulève de sérieuses interrogations, a déclaré John Dalhuisen, directeur du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International.

Nous avons assisté à une parodie de poursuites et à une farce judiciaire. L’affaire a été classée sans suite à deux reprises en raison de l’absence de preuves, avant d’être rouverte sur ordre personnel du premier enquêteur de Russie.  »

Alexeï Navalny est un blogueur russe très connu qui mène campagne contre la corruption. Au fil des ans, il a dénoncé les violations commises par plusieurs hautes personnalités politiques du parti au pouvoir, Russie unie (Yedinaya Rossiya), et par des personnalités proches du Kremlin, et révélé plusieurs affaires de détournement de fonds de grande ampleur, notamment des faits de corruption de haut niveau qui impliqueraient les principales compagnies pétrolières russes appartenant à l’État. Il mène activement campagne contre la fraude électorale et la réélection du président Vladimir Poutine et du parti Russie unie, et est devenu la figure de proue de plusieurs grandes manifestations de rue ces dernières années.

Le parquet a fait valoir qu’en 2009, lorsqu’Alexeï Navalny était consultant du gouverneur de la région de Kirov, il a profité de sa position pour imposer une transaction à la société publique Kirovles. Cette transaction aurait débouché sur la signature d’un contrat défavorable – au détriment de l’État – pour fournir du bois via un intermédiaire commercial, une entreprise dirigée par une vieille connaissance d’Alexeï Navalny, Piotr Ofitserov.

Alexeï Navalny et Piotr Ofitserov ont été accusés, et sont désormais reconnus coupables, de détournement de fonds « particulièrement grave », au motif qu’ils ont fraudé l’État de plus de 16 millions de roubles (377 000 euros environ) – valeur totale estimée au prix du marché du bois fourni. Cette accusation passe sous silence la somme de 14 millions de roubles (330 000 euros environ) que Kirovles a reçue de la part de l’intermédiaire pour le bois fourni.

« Les charges se fondaient sur une évaluation manifestement erronée de la perte essuyée par l’État, tandis que la preuve qu’Alexeï Navalny avait abusé de sa position pour forcer la vente n’était pas concluante. Aucun élément n’a même été présenté pour prouver qu’il avait tiré personnellement un bénéfice financier de la transaction, a indiqué John Dalhuisen.

Si Alexeï Navalny a pu se servir de sa position pour favoriser une transaction avantageuse au profit de l’une de ses connaissances, il est en revanche impossible d’affirmer qu’il a fait perdre à l’État la valeur totale du bois au prix du marché, alors qu’une somme importante a été versée pour le payer. »

Dans cette affaire, le témoin clé de l’accusation était l’ancien directeur général de Kirovles, Viatcheslav Opaliov, lui-même reconnu coupable, et condamné à une peine avec sursis, lors d’un autre procès pour des charges ayant trait au même crime présumé.

Le juge a rejeté la demande de la défense de faire témoigner au tribunal un expert indépendant, afin de savoir si la transaction entre Kirovles et la société intermédiaire dirigée par Piotr Ofitserov était viable d’un point de vue commercial ou s’était soldée par un arrangement inique à un prix inférieur à celui du marché.

« On ne peut considérer le procès d’Alexeï Navalny et de Piotr Ofitserov en dehors du contexte de harcèlement politique que subissent Alexeï Navalny et ses partisans, en raison semble-t-il de sa campagne contre la corruption et de ses activités politiques des dernières années, a affirmé John Dalhuisen.

Cela démontre que les autorités russes se servent de poursuites pénales pour persécuter les détracteurs du gouvernement et éliminer l’opposition politique et le militantisme civil. Cette pratique s’inscrit dans la répression plus large qui s’abat actuellement sur les libertés d’expression, d’association et de réunion en Russie.  »

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