RWANDA - La liberté d’expression réprimée

Index AI : AFR 47/002/2006

Amnesty International a fait part ce lundi 23 janvier 2006 de sa préoccupation quant à la sécurité de Bonaventure Bizumuremyi, directeur de publication du bimensuel indépendant Umuco. Il a récemment été victime de mesures d’intimidation et de harcèlement, et d’une attaque armée menée par des hommes qui seraient liés au Front patriotique rwandais (FPR), parti politique au pouvoir au Rwanda.

Selon certaines informations, Bonaventure Bizumuremyi a été réveillé le 15 janvier à trois heures du matin par quatre hommes qui ont frappé à la porte de son domicile à Kigali, la capitale. Armés de gourdins et de couteaux, ils sont entrés de force et ont mis sa maison à sac.

C’est en raison de son travail de journaliste et de ses positions critiques vis-à-vis du FPR que Bonaventure Bizumuremyi est harcelé. Dans ses dernières éditions, Umuco dénonçait vivement la politique du gouvernement, lui reprochant de verrouiller le système judiciaire, de contraindre les coopératives locales à financer le FPR et d’être incapable de diriger le pays.

Le droit à la liberté d’expression et le droit de solliciter, de recevoir et de diffuser des informations quelles qu’elles soient sont consacrés par des normes internationales telles que la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). En tant que partie à ces deux instruments, le Rwanda est tenu de garantir la liberté d’expression et d’information. Comme le prévoit la Déclaration de principes sur la liberté d’expression en Afrique, adoptée en 2002 par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, « les États sont dans l’obligation de prendre des mesures efficaces afin de prévenir de telles attaques et, lorsqu’elles sont perpétrées, ils doivent mener une enquête à cet effet, punir les auteurs et veiller à ce que les victimes aient accès à des recours efficaces ». Il incombe au gouvernement rwandais de veiller à ce que tous les journalistes puissent exercer leur activité en toute indépendance, sans être soumis à des agressions ni redouter d’être victimes de harcèlement et autres atteintes aux droits humains.

Amnesty International engage les autorités du Rwanda à mener des enquêtes indépendantes et impartiales sur les agressions et les actes d’intimidation ciblant des journalistes, à publier leurs conclusions et à traduire les responsables présumés en justice.

En outre, elle exhorte le gouvernement rwandais à veiller au respect du droit à la liberté d’expression et à agir dans le droit fil des normes internationales relatives aux droits humains.

Enfin, l’organisation invite les membres de la communauté internationale, notamment l’Union africaine et les Nations unies, à prier instamment les autorités rwandaises de mettre un terme aux mesures persistantes de harcèlement et d’intimidation dont sont victimes les journalistes et les défenseurs des droits humains.

Complément d’information

Les récents épisodes de harcèlement et d’intimidation s’inscrivent dans une politique soutenue de contrôle des médias au Rwanda. Ces dernières années, d’autres journaux, comme Umuseso, ont également été régulièrement harcelés, intimidés et poursuivis en justice.

S’agissant de Bonaventure Bizumuremyi, les autorités ont eu recours à diverses mesures de harcèlement et d’intimidation, entravant son travail de journaliste et bafouant ses droits fondamentaux internationalement reconnus, notamment son droit à la liberté d’expression. Depuis septembre 2005, il a été arrêté et interrogé plusieurs fois par les services de sécurité et jugé pour diffamation.

Son collègue, Jean Léonard Rugambage, est incarcéré depuis le 7 septembre 2005 pour son implication présumée dans le génocide de 1994, inculpation parfois utilisée pour réduire au silence les détracteurs du FPR. Il a été arrêté 10 jours seulement après avoir publié un article dans lequel il dénonçait le fait que les juges des tribunaux gacaca de la commune de Ruyumba se servaient de leur position dans leur intérêt personnel et pour régler des comptes personnels. Inspirés de la justice traditionnelle et instaurés par le gouvernement en 2002, les tribunaux gacaca sont chargés de juger les auteurs présumés de crimes commis durant le génocide de 1994.

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