RWANDA - Les informations faisant état d’exécutions extrajudiciaires dans le centre de détention militaire de Mulindi doivent faire l’objet d’une enquête indépendante

Index AI : AFR 47/004/2006

DÉCLARATION PUBLIQUE

Amnesty International a exhorté, ce mercredi 15 mars, le gouvernement rwandais à mettre en place une commission indépendante chargée d’enquêter sur les informations selon lesquelles des exécutions extrajudiciaires pourraient avoir été commises le 21 décembre 2005 par la police militaire dans le centre de détention militaire de Mulindi, et de déférer à la justice les auteurs présumés de ces actes ainsi que les supérieurs hiérarchiques qui auraient donné l’ordre de tirer sur des prisonniers non armés.

Le 21 décembre 2005, au moins trois personnes détenues dans le centre de détention militaire de Mulindi ont été tuées et plus de 20 autres gravement blessées par la police militaire. D’après les informations reçues par Amnesty International, les personnes tuées sont les soldats Ruzindana, Assimwe Munyarubuga et Assiel Karinganire. Le centre de détention militaire de Mulindi, qui est situé à Kigali, la capitale du pays, accueille entre 2000 et 3000 prisonniers, bien que sa capacité maximale soit officiellement de 1 000 places. Les prisonniers détenus dans ce centre de détention sont d’anciens combattants des ex-Forces armées rwandaises (FAR) ou de l’ex-Armée patriotique rwandaise (APR).

Ce n’est que récemment que des précisions ont été livrées sur cette affaire. Selon la version officielle des autorités rwandaises, la police militaire tentait d’empêcher des prisonniers de voler ses armes, ces derniers voulant les utiliser pour mener un violent mouvement de protestation dans la prison. La justice militaire a été chargée de mener une enquête sur ces allégations.

Amnesty International craint que cette enquête ne présente pas toutes les garanties nécessaires en matière d’impartialité et d’indépendance. L’organisation a reçu des informations donnant une version des faits différente de celle présentée officiellement par le gouvernement.

Selon certaines sources, le 21 décembre, dans le centre de détention militaire de Mulindi, un détenu a été agressé par des gardiens parce qu’il avait consommé du cannabis. Cet incident a déclenché une vague de protestation parmi les détenus. Ils avaient dénoncé des mauvais traitements commis dans ce centre de détention et le fait qu’ils n’avaient pas bénéficié de la mesure de libération conditionnelle accordée à des détenus civils. Plusieurs dizaines de prisonniers ont alors lancé un mouvement de protestation et bouclé la cour du bâtiment. Estimant que la situation était critique, les autorités de Mulindi ont demandé l’intervention de la police militaire. Lorsqu’elle est arrivée sur les lieux, celle-ci a en vain essayé de débloquer les portes de la cour. Elle aurait ensuite encerclé cette cour et tiré avec des kalachnikovs et des mitrailleuses sur les détenus non armés. Si cette version des faits est confirmée, notamment si la police militaire a tiré sur des détenus non armés, il s’agit alors d’un cas de violation du droit à la vie et de recours excessif à la force.

Les Principes de base des Nations unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois, qui représentent les normes minimales auxquelles doivent se conformer les forces de l’ordre, prévoient notamment une stricte limitation de l’utilisation de la force et disposent en particulier que les responsables de l’application des lois « ne recourront intentionnellement à l’usage meurtrier d’armes à feu que si cela est absolument inévitable pour protéger des vies humaines ».

Amnesty International demande instamment qu’une enquête impartiale et exhaustive soit ouverte rapidement sur ces événements. Pour être efficace, cette enquête devra être conforme aux dispositions des normes internationales relatives aux droits humains et du droit international humanitaire, notamment aux Principes de base des Nations unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois, et comprendre une autopsie appropriée ainsi que la réunion et l’analyse de tous les éléments de preuve matériels et littéraux et déclarations des témoins. Les conclusions de cette enquête devront être rendues publiques.

Si des preuves suffisantes sont réunies, les autorités compétentes devront alors déférer à la justice tous les responsables présumés de ces morts et des blessures qui ont été infligées à d’autres détenus.

Complément d’information

Le 1er janvier 2003, le président rwandais a pris un décret accordant à quelque 50 000 prisonniers une libération conditionnelle. À la suite de cette décision, entre 2003 et 2005, plusieurs milliers de prisonniers ont bénéficié d’une libération conditionnelle au motif qu’ils avaient avoué leur participation au génocide. La dernière vague de libérations a eu lieu en août 2005 : 36 000 prisonniers ont ainsi été relâchés à la faveur d’une libération conditionnelle. Rares sont ceux qui étaient passés en jugement. Certains avaient déjà passé en détention plus que le temps maximum auquel ils auraient pu être condamnés s’ils avaient été reconnus coupables des crimes dont ils étaient accusés. Ces décisions ont été prises en partie pour que les détenus soient jugés par des tribunaux gacaca, devant lesquels ils auraient à livrer des informations supplémentaires sur les crimes commis par d’autres, et en partie pour remédier à la surpopulation dans les prisons. La surpopulation et les conditions sanitaires déplorables dans les centres de détention rwandais constituent souvent pour les détenus un traitement cruel, inhumain et dégradant.

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