Sans les droits humains, un développement urbain durable n’est pas possible

Déclaration publique

Index AI : AFR 01/003/2011 (Public)

AILRC-FR

11 avril 2011

Amnesty International a appelé le 11 avril les gouvernements africains à se mobiliser pour le droit internationalement reconnu à un logement convenable, avant la session du Conseil d’administration du programme des Nations unies pour les établissements urbains (ONU-HABITAT) prévue du 11 au 15 avril sur le thème Instaurer un développement urbain durable en assurant plus largement un accès équitable à la terre, au logement, aux services de base et aux infrastructures.

Les expulsions forcées sont endémiques en Afrique où, chaque année, des centaines de milliers de personnes se retrouvent à la rue et exposées à toue une série d’autres atteintes à leurs droits fondamentaux. De nombreuses personnes vivant dans des bidonvilles et des camps de fortune sont privées de services essentiels tels que l’accès à des installations sanitaires, à l’eau potable, à l’éducation primaire et aux soins de santé. La sécurité qui devrait être assurée par l’État est quasiment inexistante et les femmes et les enfants se retrouvent trop souvent exposés à des violations de leurs droits. Dans de nombreux pays, les autorités ferment les yeux sur le sort des populations vivant dans des bidonvilles et des camps de fortune et les excluent des budgets et plans nationaux.

Ces discriminations constituent une violation du droit à un logement convenable, à l’eau potable, à des services d’assainissement, à l’éducation, à la santé et du droit à une protection égale de la loi, entre autres.

Les gouvernements africains doivent mettre fin aux expulsions forcées, assurer à tous un accès égal aux services publics et promouvoir la participation active des personnes vivant dans des campements de fortune et dans des bidonvilles aux décisions et processus ayant un impact sur leur vie.

Au Kenya, il existe un risque élevé d’incendies dans les bidonvilles et les campements de fortune de Nairobi du fait de la mauvaise qualité des matériaux utilisés et des défauts de construction des habitations elles-mêmes. Le surpeuplement et les branchements électriques hasardeux augmentent également les risques d’incendies. L’absence de routes adéquates limite l’accès des pompiers et le manque d’eau favorise la propagation extrêmement rapide des incendies entre les maisons et autres structures.

Un incendie qui s’est déclaré le 8 mars 2011 dans le campement de fortune de Deep Sea dans le quartier des Westlands à Nairobi a provoqué la destruction de 80 à 90% des logements. Jusqu’à 10 000 personnes ont été affectées par cet incendie selon la Croix Rouge – une majorité d’entre elles se sont retrouvées à la rue et il y aurait eu des dizaines de blessés. Au cours de ces dernières semaines, des incendies ont été signalés dans d’autres bidonvilles et campements de fortune, notamment à Kibera, le plus grand bidonville de Nairobi.

Le grand nombre de personnes laissées sans abri par l’incendie de Deep Sea illustre de façon frappante la nécessité pour le gouvernement kenyan de s’attaquer au problème des conditions de logement inadéquates dans les camps de fortune de Nairobi afin de faire en sorte que toutes les personnes puissent jouir du droit à vivre dans la dignité et dans un lieu sûr.

Au Zimbabwe, la vie des femmes enceintes et de leurs bébés dans le campement de Hopley, en banlieue de Harare, est en danger en raison de l’incapacité du gouvernement à leur fournir un accès à un logement convenable et à des services de base, notamment aux soins de santé. Aucun service de santé pour les mères et les nouveaux-nés n’est actuellement disponible dans ce secteur. La majorité des 5 000 résidents de Hopley ont été expulsés de force de leurs habitations en 2005 lors d’une série d’expulsions forcées connues sous le nom d’Opération Murambatsvina. Les Nations unies estiment qu’environ 700 000 personnes ont perdu leurs maisons ou leurs moyens de subsistance ou les deux au cours de l’Opération Murambatsvina.

La plupart des habitants de Hopley ont été installés dans ce campement dans le cadre du programme de relogement du gouvernement intitulé Opération Garikai, après la destruction de leurs maisons au cours de l’Opération Murambatsvina. Se voulant une solution aux expulsions forcées de masse, l’Opération Garikai a constitué dès le départ une réponse totalement inadéquate. Quelques victimes « chanceuses » ont obtenu des maisons qui n’étaient pas encore finies tandis que des milliers d’autres n’ont obtenu que des terrains non desservis. La grande majorité des expulsés n’ont reçu aucune aide et ont été laissés livrés à eux-mêmes.

Amnesty International appelle le gouvernement zimbabwéen à mettre immédiatement en place toutes les mesures nécessaires pour assurer aux femmes et jeunes filles enceintes du campement de Hopley et d’autres campements de l’Opération Garikai, l’accès aux soins maternels et infantiles

Au Ghana, des milliers de personnes vivant le long de la voie ferrée à Accra (baptisées les « Railway Dwellers ») risquent d’être expulsées dans le cadre du projet de réaménagement du réseau ferroviaire ghanéen. Beaucoup de ces hommes, femmes et enfants qui risquent d’être expulsés n’ont nulle part où aller et se retrouveront sans abri si les expulsions ont lieu. Les plans de développement du réseau ferroviaire ont été décidés sans consultation visant à évaluer l’impact du projet sur la vie des habitants vivant le long des voies et aucun projet ne prévoit leur relogement ou leur indemnisation.
Les projets en cours font courir à des milliers de personnes le risque d’être expulsées de force de chez elles et de se retrouver en situation de vulnérabilité, exposées à d’autres violations de leurs droits fondamentaux. Leur expulsion ne fera qu’aggraver leur pauvreté.

Si Amnesty International comprend le souhait des autorités de réaménager le réseau ferroviaire et apprécie les bénéfices qui en résulteront pour la population ghanéenne, elle souhaite cependant attirer l’attention du gouvernement du Ghana sur la nécessité de veiller à ce que les programmes de développement soient menés de façon à protéger les droits de toutes les personnes susceptibles d’être affectées par de tels projets.

Au Tchad, des dizaines de milliers de personnes ont été expulsées de force de chez elles depuis février 2008, en dehors de toute procédure légale, sans avoir été consultées ni averties selon des modalités satisfaisantes, sans proposition de relogement ni dédommagement. Quelques victimes sont allées devant la justice et ont gagné contre le gouvernement mais peu de décisions rendues par les tribunaux ont été appliquées. Le gouvernement tchadien doit cesser les expulsions forcées des camps de fortune à N’Djaména jusqu’à ce que des garanties aient été mises en place afin de s’assurer que les expulsions se font dans le respect des normes internationales relatives aux droits humains.

Amnesty International appelle tous les gouvernements africains à promouvoir un développement urbain durable en respectant et protégeant le droit à un logement convenable et les autres droits fondamentaux des personnes vivant dans des camps de fortune et des bidonvilles ; Amnesty International appelle notamment les gouvernements à :

  prendre immédiatement des mesures en vue d’assurer la sécurité légale de l’occupation à toutes les personnes qui ne bénéficient pas encore de cette protection, en procédant à de véritables consultations avec les groupes concernés ;

  mettre fin aux expulsions forcées et adopter des lignes directrices relatives aux expulsions, fondées sur les Principes de base et directives sur les expulsions forcées et les déplacements liés au développement, qui respectent le droit international relatif aux droits humains ;

  veiller à ce que les personnes vivant dans des bidonvilles bénéficient d’un accès égal à l’eau, à des installations sanitaires, à des soins de santé, à l’éducation et à des conditions de maintien de l’ordre qui respectent les droits humains ;

  garantir la participation active des personnes vivant dans des bidonvilles à tout processus de réaménagement, de planification ou de budgétisation affectant leurs vies ;

  traiter la question de la discrimination à laquelle sont confrontées les femmes lorsqu’elles veulent accéder à un logement et aux terres.

Pour plus d’informations, voir :

Kenyan Government Urged to Protect Slum-Dwellers after Fire
http://www.amnesty.org/en/library/info/AFR32/002/2011/en

Zimbabwe : ’They swallow the wind and die’ : Newborn deaths in Hopley settlement, Zimbabwe
http://www.amnesty.org/en/library/info/AFR46/014/2010/en

Ghana : Authorities must stop the forced eviction of families living along Accra’s railway lines
http://www.amnesty.org/en/library/info/AFR28/002/2011/en

Chad : No Homes, No Justice, No Dignity : Victims of forced evictions in Chad
http://www.amnesty.org/en/library/info/AFR20/004/2011/en

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