Sénégal : L’élection présidentielle doit se tenir dans un climat 
libre de toute violence et intimidation

• Deux personnes ont été tuées lors de rassemblements électoraux
• Des journalistes ont été victimes de violences
• Des pressions sont exercées sur les militants pour la démocratie

Les autorités sénégalaises doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour que l’élection présidentielle se tienne dans un climat libre de toute violence et respecte la liberté qu’ont toutes les personnes d’exprimer leurs opinions, a déclaré Amnesty International à l’approche de l’élection présidentielle dont le premier tour aura lieu dimanche.

 
Le 11 février, lors de rassemblements électoraux, deux personnes ont été tuées à Tambacounda, une ville du sud-est du pays. De nombreuses autres personnes, parmi lesquelles des journalistes, ont été blessées lors de violents affrontements entre des sympathisants du président sortant Macky Sall, qui brigue un second mandat, et d’El hadj Issa Sall, l’un des candidats de l’opposition.
 

« Il est inacceptable que des personnes soient tuées lors de rassemblements politiques. Les responsables de ces agissements doivent être identifiés et jugés dans le cadre de procès équitables, a déclaré François Patuel, chargé de recherche sur l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International.

 
« Les autorités doivent respecter et défendre les droits humains dans le cadre des élections, en particulier les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique, et tous les candidats doivent quant à eux rappeler à leurs sympathisants qu’ils doivent s’abstenir de recourir à la violence en toutes circonstances. »
 
La campagne électorale pour l’élection présidentielle a commencé le 4 février. Une semaine plus tard, deux personnes ont été tuées à Tambacounda. Les sympathisants de Macky Sall ont déclaré que des affiches électorales de leur candidat avaient été détériorées par l’opposition. Un jeune sympathisant de Macky Sall a été tué avec une arme blanche lors d’affrontements.
 
Plusieurs personnes participant à la caravane de campagne d’El hadj Issa Sall ont été filmées armées de machettes. Elles ont été interceptées, arrêtées et désarmées par les forces de sécurité, et elles font actuellement l’objet de poursuites judiciaires.
 

Des journalistes pris dans de violentes représailles 

À la suite de ce meurtre, des groupes de jeunes à moto ont poursuivi la caravane de campagne d’El hadj Issa Sall en lançant des pierres et d’autres projectiles. Un motard de 22 ans a été heurté par une voiture et est mort par la suite de ses blessures.
 
Le président de l’association des conducteurs de moto de Tambacounda a dit à Amnesty International que 14 motards ont été blessés.
 
Ces représailles ont également causé des dommages matériels. Deux véhicules au moins ont été incendiés, dont un bus qui transportait environ 27 journalistes couvrant la campagne électorale d’El hadj Issa Sall. Le matériel des journalistes a également été endommagé. Amnesty International s’est entretenue avec trois journalistes qui ont confirmé avoir été blessés et avoir subi un traumatisme à la bouche, des douleurs musculaires et d’autres blessures ayant nécessité des points de suture. Les autres journalistes se sont enfuis pour échapper aux violences. 

« Les journalistes jouent un rôle essentiel en informant le public, souvent dans des circonstances difficiles, notamment durant les périodes pré et postélectorales. Ils doivent être protégés afin qu’ils puissent effectuer leur travail librement et sans avoir à craindre des attaques ou des menaces », a déclaré François Patuel.

 

Des pressions sont exercées sur les militants en faveur de la démocratie 

L’espace civique s’est amenuisé au cours des derniers mois, avec une intensification des pressions exercées sur les organisations non gouvernementales (ONG) et les militants en faveur de la démocratie.
 
En novembre de l’an dernier, quatre ONG internationales au moins ont été convoquées par la police dans le cadre d’une enquête portant sur les sources de financement de l’organisation de la société civile Y’en a marre qui défend la démocratie. Y’en a marre regroupe des rappeurs et des journalistes qui ont uni leurs forces en janvier 2011 pour encourager la jeunesse à s’inscrire sur les listes électorales afin de pouvoir voter lors des élections, et à exercer sa liberté d’expression.

Les représentants des ONG internationales ont été interrogés pendant plusieurs heures sans qu’ils puissent avoir accès à un avocat. L’une de ces ONG internationales a été privée de son autorisation de mener des activités dans le pays au motif qu’elle a participé à des opérations de financement irrégulières d’une association qui n’est pas reconnue d’utilité publique. Elle a dû mettre fin à toutes ses activités au Sénégal. L’agrément des autres ONG est en cours d’examen.

Le ministère de l’Intérieur estime que Y’en a marre, qui a poursuivi ses activités après l’élection de 2012, avec des actions de plaidoyer, de surveillance et d’éducation au sujet de la réforme de l’agriculture, des réformes constitutionnelles et du processus électoral, n’est pas en droit de recevoir des fonds de l’étranger car elle « n’est pas reconnue d’utilité publique ».
 
« Le fait que l’enquête visant Y’en a marre a été ouverte quelques mois seulement avant les élections, alors que l’association existe depuis plusieurs années, montre clairement que l’objectif est d’intimider les organisations de la société civile à l’approche des élections, a déclaré François Patuel.
 

« Le fait que le financement international des mouvements pour la démocratie soit remis en cause et les pressions exercées sur les fondateurs de ces mouvements représentent un grave recul pour le Sénégal. »

 
Un grand nombre de militants au Sénégal utilisent les réseaux sociaux pour la mobilisation civile et politique. À l’approche des élections, Amnesty International demande aux autorités de ne pas restreindre de façon arbitraire l’accès à Internet et de faire le nécessaire pour que les journalistes, les défenseurs des droits humains et les militants en faveur de la démocratie puissent continuer d’effectuer leur travail.
 
« Le candidat qui remportera cette élection aura la possibilité de placer la question des droits humains au cœur de son programme », a déclaré François Patuel.

Complément d’information 

Cinq candidats, dont le président sortant Macky Sall, se présenteront au premier tour de l’élection présidentielle qui aura lieu le 24 février. Les quatre autres candidats sont Idrissa Seck, Madické Niang, El Hadj Issa Sall et Ousmane Sonko. Deux autres grandes figures de l’opposition, Karim Wade et Khalifa Sall, ont été empêchées de participer à cette élection.
 
Le rapport d’Amnesty International intitulé Sénégal. De grands discours, mais les actes ne suivent pas présente les recommandations adressées aux autorités, notamment pour renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire et pour protéger les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique.

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