Serbie, la loi sur la carte sociale risque de nuire aux membres marginalisés de la société

Serbie - la loi sur la carte sociale risque de nuire aux membres marginalisés de la société

La loi serbe sur la carte sociale est un système de surveillance intrusive qui risque de nuire aux membres les plus marginalisés de la société, notamment aux communautés roms. Amnesty International a soumis un avis juridique dans le cadre de l’examen de la constitutionnalité de ce texte de loi.

Entrée en vigueur le 1er mars, cette loi autorise la création d’une base de données gouvernementale centralisée qui traite 130 catégories de données concernant les personnes qui sollicitent une aide de la sécurité sociale afin d’évaluer leur éligibilité. Les autorités serbes affirment que cette procédure permet une répartition plus équitable des fonds destinés aux personnes socialement défavorisées, mais il s’agit en réalité d’un système de surveillance numérique intrusive qui menace le droit à l’égalité.

« L’avis juridique soumis par Amnesty International et sept organisations de défense des droits soulève de sérieuses inquiétudes quant aux répercussions de la loi relative à la carte sociale sur les droits à la sécurité sociale, à l’égalité et à la non-discrimination. Il explique également en détail que le système ne semble pas être conforme aux approches fondées sur les droits humains en matière de protection des données, a déclaré Imogen Richmond-Bishop, chercheuse d’Amnesty Tech sur la technologie et les droits économiques, sociaux et culturels.

« La loi sur la carte sociale risque de porter préjudice aux plus marginalisés en Serbie. Les autorités doivent clarifier la manière dont elles s’en servent pour évaluer l’éligibilité à une allocation financière et garantir le respect des droits individuels. »

Les bénéficiaires de la sécurité sociale en Serbie, dont beaucoup souffrent de handicaps ou sont membres de la communauté rom, ont généralement les revenus les plus faibles du pays. En les excluant du système d’aide financière, la loi sur la carte sociale pourrait encore aggraver les conditions de vie déjà précaires des plus fragiles.

Force est de constater que le processus de prise de décision qui a amené à la création du système de la carte sociale manque totalement de transparence, le gouvernement serbe n’ayant toujours pas publié d’informations sur la technologie automatisée employée.

Depuis quelques années, la Serbie s’appuie de plus en plus sur la technologie pour surveiller ses citoyen·ne·s. En septembre 2021, face aux objections de la société civile et du Commissaire à la protection des données, le gouvernement s’est vu contraint de suspendre le déploiement prévu d’un logiciel de reconnaissance faciale et de la vidéosurveillance biométrique dans les espaces publics. L’utilisation incontrôlée des technologies par le gouvernement permet une intrusion sans précédent dans la vie des gens en Serbie et pourrait amplifier la discrimination des groupes minoritaires.

« Du fait de la grande quantité de données personnelles traitées et de l’impossibilité de modifier les données une fois saisies, il est probable que le système automatisé fasse des erreurs lors de l’évaluation de l’éligibilité aux prestations de sécurité sociale. Les personnes ou les familles concernées pourraient alors subir de longs retards si elles contestent ces erreurs et ne pas recevoir une aide financière cruciale de l’État pendant ce temps », a déclaré Imogen Richmond-Bishop.

Amnesty International et les sept coauteurs de l’avis juridique demandent au gouvernement serbe d’interrompre l’application de la loi sur la carte sociale et d’amorcer une évaluation complète de la conformité de ce texte avec les obligations de la Serbie au regard du droit international relatif aux droits humains. Cet examen doit aussi permettre une participation significative des bénéficiaires de prestations de sécurité sociale en Serbie, afin qu’ils puissent déterminer si la loi répond à leurs besoins.

Complément d’information

Le 28 novembre 2022, Amnesty International, en partenariat avec le Réseau international pour les droits économiques, sociaux et culturels (Réseau-DESC), a présenté un avis juridique à Serbian A11 Initiative, à titre de preuve dans le cadre du recours déposé contre la loi sur la carte sociale devant la Cour constitutionnelle.

Cet avis juridique a été rédigé conjointement par Amnesty International, Centro de Estudios de Derecho, Justicia y Sociedad (Dejusticia), le Projet sur l’État-providence numérique et les droits de l’homme (DWS Project) au Centre pour les droits humains et la justice mondiale de la Faculté de droit de l’Université de New York, le Centre européen pour les droits des Roms (CEDR), l’Initiative pour les droits sociaux et économiques (ISER), Kenya Human Rights Commission (KHRC) et le Program on Human Rights and the Global Economy (PHRGE) de l’Université Northeastern.

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