Serbie – Kosovo. Dix ans après la fin de la guerre au Kosovo, l’impunité perdure

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

EMBARGO

Dans un rapport publié à l’occasion du dixième anniversaire de la fin de la guerre au Kosovo, Amnesty International souligne que les autorités en Serbie et au Kosovo persistent à s’abstenir de mener des enquêtes sur les disparitions forcées et les enlèvements, d’engager des poursuites et de traduire les auteurs présumés en justice.

Dix ans après la fin de la guerre, quelque 1 900 familles au Kosovo et en Serbie ignorent toujours ce qu’il est advenu de leurs proches portés disparus.

« Au cours des dix dernières années, les autorités serbes et kosovares n’ont pas entrepris de porter remède aux séquelles des crimes de guerre perpétrés au Kosovo en 1999, a déclaré Sian Jones, spécialiste des Balkans à Amnesty International. Leur manque de détermination à diligenter des enquêtes approfondies et impartiales dans les meilleurs délais, tant en Serbie qu’au Kosovo, a engendré une culture de l’impunité et privé de justice les familles des Kosovars disparus aux mains des forces serbes et les familles des Serbes enlevés par l’Armée de libération du Kosovo (UÇK). »

Plus de 3 000 Albanais du Kosovo ont été victimes de disparitions forcées imputables à la police, aux groupes paramilitaires et à l’armée serbes durant la guerre qui a ravagé le Kosovo. Quant aux membres de l’UÇK, ils auraient enlevé quelque 800 Serbes, Roms et membres d’autres groupes minoritaires, pour la plupart après que le conflit armé international eut pris fin en juin 1999, sous les yeux de la force de maintien de la paix dirigée par l’OTAN.

Dans son rapport, intitulé Burying the past : Impunity for enforced disappearances and abductions in Kosovo, Amnesty International revient sur l’incapacité dont ont fait preuve au cours des dix dernières années le gouvernement serbe et les autorités kosovares – la Mission d’administration intérimaire des Nations unies au Kosovo (MINUK) jusqu’en décembre 2008 – à enquêter et engager des poursuites contre les responsables des disparitions forcées et des enlèvements.

Ce rapport met aussi l’accent sur les droits des familles des victimes de disparitions forcées et d’enlèvements, soulignant que le manque de détermination des autorités tant au Kosovo qu’en Serbie à dévoiler le sort réservé à leurs proches constitue une violation de leurs droits garantis par le droit international relatif aux droits humains.

Au lendemain de la guerre, Amnesty International s’est entretenue avec des proches de personnes disparues dans les deux camps et elle est retournée sur place en 2009 afin de recueillir de nouvelles informations. S’appuyant sur de nombreux témoignages de première main livrés par les personnes concernées, son rapport met au jour les exhumations clandestines, les informations égarées, l’ingérence politique dans le système judiciaire, les enquêtes étouffées et le déploiement massif d’efforts superflus de différents organismes, tous éléments qui se conjuguent pour empêcher les familles des disparus d’accéder à la justice.

Selon Amnesty International, de sérieux obstacles institutionnels empêchent de mettre fin à l’impunité pour les disparitions forcées et les enlèvements. En l’absence de programmes efficaces de protection, de nombreux témoins hésitent à fournir aux enquêteurs des éléments à charge.

En Serbie par exemple, on a abandonné les investigations sur les allégations selon lesquelles en mai 1999 les corps de civils kosovars ont été incinérés dans les fournaises du complexe d’aluminium de Mackatica, près de Surdulica, des témoins ayant été victimes d’intimidation de la part de la police locale et de la police de sûreté de l’État. Ces incinérations présumées s’inscrivaient dans le cadre d’une opération de grande envergure, au cours de laquelle les corps de plus de 900 Kosovars ont été transférés sur le territoire serbe et enterrés dans des charniers, en avril et mai 1999.

« Certaines personnes puissantes pendant la guerre, notamment des anciens dirigeants de l’UÇK et de hauts responsables de la police serbe, conservent leur influence sur les gouvernements et les sociétés serbes et kosovars et, s’agissant du Kosovo, sur la MINUK également », a expliqué Sian Jones.

Au Kosovo, rares sont les Kosovars qui ont été poursuivis pour l’enlèvement présumé de Serbes. Les enquêteurs de la MINUK n’ont pas mené dans les meilleurs délais d’enquête approfondie et impartiale sur les allégations – plus tard publiées dans le livre de Carla del Ponte, ex-procureur général du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie – selon lesquelles quelque 300 Serbes avaient été enlevés par des membres de l’UÇK en 1999 et conduits de l’autre côté de la frontière, en Albanie, jusqu’à la « maison jaune », près du village de Burrel.

Amnesty International engage les autorités en Serbie et au Kosovo, y compris la mission « État de droit » de l’Union européenne au Kosovo (EULEX), à coopérer aux enquêtes visant à informer les familles du sort réservé à leurs proches et à déférer les responsables présumés à la justice. « Tant en Serbie qu’au Kosovo, certains préféreraient que les personnes disparues et enlevées ne soient pas exhumées du passé. Amnesty International pense que le Kosovo et la Serbie doivent faire face aux séquelles du conflit armé, ce qui suppose de révéler tous les emplacements des charniers, de mettre un terme à l’ingérence politique dans les investigations et de diligenter dans les meilleurs délais des enquêtes indépendantes, efficaces et impartiales sur les crimes de guerre », a conclu Sian Jones.

Complément d’information

Le 24 mars 1999, l’OTAN a lancé l’opération « Force alliée » contre la Serbie, en vue de bloquer les attaques menées par les forces policières, militaires et paramilitaires serbes contre la communauté albanaise au Kosovo. Après la fin du conflit en juin 1999, le Kosovo a été placé sous administration de l’ONU. Le Kosovo a proclamé son indépendance unilatérale vis-à-vis de la Serbie le 17 février 2008. Une nouvelle mission « État de droit » de l’Union européenne a repris certaines responsabilités de la MINUK le 9 décembre 2008. Aux termes de son mandat, elle se doit d’enquêter et d’engager des poursuites dans les affaires non résolues de crimes de guerre et d’autres crimes graves.

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