Communiqué de presse

Serbie. Des Roms expulsés de force attendent toujours d’être relogés

Trois ans après l’expulsion forcée de plus d’une centaine de familles roms du quartier de Belvil à Belgrade, l’incompétence bureaucratique, alliée à l’inertie et à la discrimination, a fait capoter un projet de relogement financé à hauteur de plusieurs millions d’euros par la Commission européenne. La majorité de ces familles vivent encore dans des conteneurs métalliques sordides, victimes de la ségrégation raciale, et une cinquantaine d’entre elles risquent fort de ne jamais être relogées, écrit Amnesty International dans un nouveau rapport.

Dans ce rapport intitulé Roma Still Waiting For Adequate Housing, publié à l’occasion de la Journée internationale des roms, Amnesty International explique qu’en dépit des engagements pris par la ville de Belgrade et du financement de la Commission européenne à hauteur de 3,6 millions d’euros, pas un seul des nouveaux immeubles prévus n’est achevé. Dans l’attente, les Roms expulsés vivent depuis des années dans des quartiers de conteneurs, loin des écoles, des services sociaux et des emplois.

« Le projet phare financé par la Commission européenne, censé montrer qu’il est possible de procéder à des relogements dans le respect des normes internationales relatives aux droits humains a été noyé sous une longue liste de défaillances de la ville de Belgrade », a déclaré Garui van Gulik, directeur adjoint du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International.

« Des millions d’euros ont été alloués et pourtant, trois ans plus tard, la majorité des familles roms expulsées de chez elles attendent toujours d’habiter un lieu qu’elles pourraient appeler maison. »

En avril 2012, la Commission européenne a affecté 3,6 millions d’euros au relogement des familles roms expulsées de force du camp informel de Belvil, à Belgrade. Dans le cadre du programme adopté à titre de réparation pour leur expulsion illégale, la ville de Belgrade devait identifier des sites appropriés et lancer une consultation auprès des familles touchées, afin de finaliser leur réinstallation d’ici février 2015. Force est de constater que la ville ne l’a pas fait.

Aucune consultation sérieuse n’a été menée et les sites pressentis par la ville pour le relogement ne prenaient pas pleinement en compte les besoins des familles et ne respectaient pas les normes internationales en matière de logement convenable.

En novembre 2013, le Groupe de travail de la Commission européenne sur Belvil a rejeté la plupart des sites proposés. Parmi les nouveaux sites proposés par la ville, deux seulement ont été considérés comme adaptés, alors que l’un de ces sites était situé à Jabuèki Rit, un village à plus de 20 kilomètres du centre de la ville. Ce site est éloigné des services et des possibilités de travail, et perpétuerait la ségrégation raciale, en violation du droit international.

La construction d’un immeuble destiné à accueillir 12 familles roms à Orlovsko Naselje doit être achevée d’ici la fin juillet 2015. Cependant, au mois d’avril, sur les 167 familles ayant droit d’être relogées (dont des dizaines qui avaient été expulsées auparavant), seules 10 familles ont reçu une aide pour reconstruire leur logement qui était insalubre. En outre, 39 familles ont été relogées dans le cadre d’un projet immobilier de village, programme de relogement biaisé.

Les autres familles vivent toujours dans des conteneurs métalliques sur quatre sites autour de Belgrade, et sont soumises à la ségrégation raciale. Même en tant que mesure provisoire, ces conteneurs ne répondent pas aux critères de logement décent. Deux de ces quartiers de conteneurs étant établis à plus de 20 kilomètres du centre de Belgrade, de nombreux Roms qui gagnaient leur vie dans le centre-ville dépendent désormais de la soupe populaire et des allocations sociales.

Conformément à la règlementation de la Commission européenne, les 3,6 millions d’euros devaient être dépensés d’ici février 2015. La ville de Belgrade n’a pas respecté cette échéance, et un délai d’un an lui a été accordé. Pourtant, les autorités municipales ont déclaré aux Roms qu’il ne restait plus d’argent pour reloger 50 familles. Si la Commission européenne ne dispense pas le financement supplémentaire pour tenir les promesses faites aux familles, elles devront rester dans les conteneurs et viendront s’ajouter sur la liste d’attente pour les logements sociaux de la ville, en nombre insuffisant.

« Être expulsé de chez soi est une expérience traumatisante en soi, mais être relégué dans des conteneurs et autres logements inadaptés pendant des années a un impact dévastateur sur la vie et les moyens de subsistance d’une minorité déjà persécutée », a déclaré Gauri van Gulik.

« Ce qui aurait dû être un parfait exemple d’une opération de relogement réussie s’est mué en un terrible échec, auquel la ville de Belgrade et la Commission européenne peuvent et doivent remédier rapidement. »

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