SERBIE-ET-MONTÉNÉGRO : Une enquête révoltante sur une affaire de traite des êtres humains

Index AI : EUR 70/001/2005
ÉFAI

Mardi 1er février 2005

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Le gouvernement du Monténégro doit réexaminer dans les meilleurs délais une
affaire très médiatisée portant sur la traite d’êtres humains, dans laquelle
des politiciens, des juges, des policiers et des fonctionnaires monténégrins
sont impliqués, a déclaré Amnesty International dans une lettre adressée au
ministre de l’Intérieur du Monténégro. La femme moldave qui se trouve au
cœur de cette affaire affirme avoir été torturée et violée par des
politiciens, des juges, des policiers et des fonctionnaires monténégrins.
D’autres femmes d’Europe de l’Est auraient, tout comme elle, été victimes de
la traite des êtres humains et réduites à l’état d’esclaves sexuelles.

« Amnesty International s’inquiète de ce que la commission chargée par le
gouvernement d’enquêter sur le comportement des autorités policières et
judiciaires dans cette affaire n’a pas dûment examiné les questions
soulevées. Ce qui laisse planer le doute quant à sa volonté d’occulter la
complicité présumée des représentants de l’État dans la traite de femmes et
de jeunes filles contraintes à la prostitution au Monténégro », a indiqué
Irene Khan, secrétaire générale de l’organisation de défense des droits
humains.

Connue sous les initiales S.C., la femme moldave aurait été victime de la
traite des êtres humains au Monténégro et contrainte de se prostituer de
1999 à novembre 2002, avant de trouver refuge dans un foyer sécurisé pour
femmes maltraitées dans la capitale Podgorica. Cette jeune femme de
vingt-huit ans, mère de deux enfants, a enduré pendant plus de trois ans
d’abominables violences physiques et sexuelles, qui ont entraîné de graves
blessures - dont sept fractures osseuses, des lésions internes ne lui
permettant pas de s’asseoir sans douleur, des cicatrices laissées par des
menottes, des brûlures de cigarettes sur ses parties génitales et des
contusions dans la bouche.

Une information judiciaire a été ouverte sur cette affaire. Soupçonnées
d’avoir participé au trafic de femmes contraintes à la prostitution, quatre
personnes, dont l’adjoint du procureur de la République, Zoran Piperovic,
ont été interpellées. En 2003, les poursuites engagées contre ces quatre
suspects ont été abandonnées, officiellement pour manque de preuve.
Toutefois, en raison des pressions internationales, le gouvernement a
autorisé que la légalité de cette affaire soit examinée. En novembre 2004,
la commission nommée par le gouvernement a terminé ses investigations sur le
comportement des autorités policières et judiciaires dans cette affaire.
L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), qui suit
ce dossier, s’est déclarée peu satisfaite par ses conclusions.

Pour sa part, Amnesty International est vivement préoccupée parce que la
commission :

 dépeint S.C. comme une criminelle plutôt que comme une victime de graves
atteintes aux droits humains ;

 fait des commentaires péjoratifs sur sa personnalité ;

 fait une nouvelle fois naître des soupçons quant à une tentative
d’occulter la complicité officielle manifeste dans la traite de femmes et de
jeunes filles aux fins de la prostitution forcée.

« Aux termes du droit national et international, les autorités du Monténégro
sont tenues de déférer les responsables présumés à la justice et de veiller
à ce que S.C. se voit accorder une réparation pour les préjudices subis, a
indiqué Irene Khan. À la connaissance d’Amnesty International, personne n’a
été traduit en justice pour le trafic à des fins de prostitution forcée et
les actes de torture dont a été victime S.C. ; elle n’a par ailleurs reçu
aucun dédommagement. »

Estimant que la commission n’a pas véritablement traité les questions
soulevées par cette affaire, Amnesty International exhorte les autorités du
Monténégro à rouvrir le dossier. D’autre part, l’organisation de défense des
droits humains recherche des informations permettant de savoir si, dans le
droit fil des conclusions de la commission, des mesures disciplinaires ou
pénales ont été prises contre des membres du ministère des Affaires
intérieures pour manquement à leurs obligations.

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