La Serbie-et-Montenegro peut franchement mieux faire

Deux ans après avoir rejoint le Conseil de l’Europe, la Serbie-et-Monténégro ne respecte toujours pas l’obligation qui est la sienne de remplir certains engagements clés en matière de droits humains, notamment s’agissant des crimes de guerre, actes de torture et mauvais traitements perpétrés par des policiers, a déclaré Amnesty International ce mardi 22 mars 2005.

Tout en saluant certaines avancées concernant le respect de ces engagements, Amnesty International s’inquiète des progrès limités en de nombreux domaines, qu’il s’agisse de la pleine coopération avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) de La Haye ou des enquêtes sur les allégations d’actes de torture et mauvais traitements perpétrés par des policiers qui n’avancent pas et ont même parfois reculé, notamment en Serbie, au cours de l’année dernière.

Dans un rapport intitulé Serbia and Montenegro : A wasted year. The continuing failure to fulfill key human rights commitments made to the Council of Europe, Amnesty International dresse la liste des engagements que la Serbie-et-Monténégro n’a pas rempli jusqu’à présent, illustrée de nombreux exemples.

« De nombreux responsables d’atteintes aux droits humains parmi les plus graves, commises au cours des conflits armés qui ont suivi le démantèlement de la Yougoslavie, continuent de jouir d’une impunité totale. En dépit de leurs obligations nationales et internationales, les autorités de Serbie-et-Monténégro refusent d’arrêter et de transférer devant le TPIY les personnes inculpées par celui-ci, comptant sur des redditions volontaires et poursuivant rarement les auteurs présumés de tels actes au niveau national. Le climat d’impunité qui prévaut pour ces crimes reflète le manque de volonté des autorités pour mener des enquêtes sur les allégations d’exécutions illégales, morts en détention et actes de torture et mauvais traitements perpétrés par des policiers », selon Amnesty International.

Les autorités serbes refusent toujours de transférer devant le TPIY l’ancien adjoint serbe du ministre de l’Intérieur et ancien chef de la police du Kosovo Sreten Lukic, ainsi que l’ancien chef de l’armée yougoslave Nebojsa Pavkovic. Tous deux sont inculpés de crimes contre l’humanité et violations du droit et des coutumes de la guerre en 1999 au Kosovo. Tous deux résident ouvertement en Serbie. En dépit de la reddition volontaire et du transfert récent de six personnes devant le TPIY, plusieurs suspects inculpés par le TPIY seraient toujours en liberté en Serbie-et-Monténégro.

À ce jour, il n’y a eu en Serbie-et-Monténégro aucun procès de hauts responsables politiques ou militaires pour crimes de guerre ou crimes contre l’humanité en lien avec les conflits yougoslaves. De nombreuses personnes soupçonnées d’avoir enlevé et tué des musulmans bosniaques et des Albanais du Kosovo n’ont toujours pas été punies. La pratique consistant à ne juger que les maillons de la chaîne les moins importants encourage une culture de l’impunité au niveau des responsables politiques et militaires. Personne n’a à ce jour été inculpé dans le cadre de l’enquête sur la mort de centaines d’Albanais du Kosovo enterrés dans des fosses communes secrètes sur un terrain appartenant au ministère serbe de l’Intérieur. Les témoins potentiels des incinérations de corps d’Albanais du Kosovo, qui auraient été effectuées dans des fourneaux industriels serbes en 1999, auraient été victimes d’actes d’intimidation de la part de responsables de la sécurité cherchant à empêcher que les faits ne soient exposés au grand jour.

« Afin de créer les conditions de respect et protection des droits humains, les autorités de Serbie-et-Monténégro doivent poursuivre en justice les auteurs présumés de ces crimes et les juger lors de procès conformes aux normes internationales d’équité. Les victimes de ces crimes doivent recevoir des dédommagements adéquats. Les autorités doivent prendre des mesures urgentes en vue de résoudre les centaines d’affaires de « disparitions » et d’enlèvements et d’alléger les souffrances de leurs proches », a déclaré Amnesty International.

Amnesty International est très préoccupée par l’échec des autorités à résoudre un certain nombre de meurtres qui pourraient être des assassinats politiques perpétrés par des agents de l’État, comme ceux des journalistes Slavko Curuvija et Milan Panic. Bien que les autorités aient officiellement reconnu que des actes de torture avaient été perpétrés par des policiers lors de l’Opération Sabre en Serbie en 2003, aucune poursuite n’a été engagée à notre connaissance contre les responsables de tels actes qui sont toujours en activité. Concernant le Monténégro, l’organisation a de nouveau soulevé la question de la complicité dans une affaire de trafic d’êtres humains, prostitution forcée et actes de torture graves à l’égard d’une femme moldave désignée par les initiales S. C.

Amnesty International s’inquiète également de la poursuite de la discrimination à l’égard des Rom, notamment des Rom du Kosovo déplacés du fait du conflit de 1999, ainsi que de la législation sur l’objection de conscience au service militaire qui continue de bafouer les normes du Conseil de l’Europe.

Amnesty International appelle la Serbie-et-Monténégro à véritablement traiter la question des violations commises dans le passé, à promouvoir et protéger les droits humains et à respecter ses obligations vis-à-vis du Conseil de l’Europe.

Amnesty International appelle également le Conseil de l’Europe à user de son influence pour aider la Serbie-et-Monténégro à remplir pleinement ses engagements et à veiller au respect et à la protection des droits humains de toutes les personnes.


Le texte intégral du rapport intitulé Serbia and Montenegro : A wasted year. The continuing failure to fulfill key human rights commitments made to the Council of Europe, disponible en anglais uniquement, index AI : EUR 70/005/2005, peut être consulté sur le site

http://web.amnesty.org/library/inde...

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