Trois personnes qui circulaient à moto ont été récemment renversées de façon délibérée. Ces trois agressions s’inscrivent manifestement dans le cadre d’une série d’attaques menées contre des militants politiques, des défenseurs des droits humains et certains de leurs proches. Amnesty International prie instamment les autorités vietnamiennes de diligenter sans délai une enquête impartiale sur ces actes et de traduire en justice leurs auteurs présumés.
Plusieurs agressions ont visé en juillet 2016 des militants politiques, des défenseurs des droits humains et certains de leurs proches. Trois d’entre elles se sont déroulées sur le même mode opératoire, en l’espace de quatre jours. À chaque fois, la personne visée circulait à bonne vitesse sur une moto et a été jetée à terre. Les circonstances de ces trois affaires, décrites en détail ci-dessous, laissent penser que la police ou des individus aux ordres de celle-ci sont impliqués.
Le 10 juillet, Lã Việt Dũng, connu pour son engagement et ses activités politiques sur Internet, a été agressé après avoir participé à un match du No-U Football Club, une formation connue pour son opposition à la politique étrangère de la Chine au Viêt-Nam. Lã Việt Dũng a expliqué à Amnesty International que, lorsqu’il est arrivé pour le match, deux policiers en uniforme et entre huit et 10 autres hommes en civil étaient déjà présents sur les lieux. Selon Lã Việt Dũng, ces derniers avaient donné l’ordre au personnel gérant le terrain de dire aux joueurs de l’équipe que la rencontre ne pourrait pas avoir lieu. Les joueurs ont cependant insisté, en mettant en avant le fait qu’ils avaient réservé le terrain et qu’ils avaient payé d’avance.
Lorsqu’ils ont finalement quitté le stade pour aller manger dans un restaurant voisin, ils ont été suivis par les policiers en uniforme et les hommes en civil. Ceux-ci les ont attendus pendant qu’ils mangeaient à l’intérieur. Leurs véhicules (une voiture de police clairement identifiée et six motos banalisées) étaient garés devant l’établissement. Lorsque les joueurs sont sortis du restaurant et sont partis chacun de leur côté, plusieurs ont été suivis par ces hommes.
Selon son propre témoignage, Lã Việt Dũng avait parcouru environ deux kilomètres sur sa moto lorsqu’il a tourné dans une rue sombre et s’est rendu compte qu’il était suivi par trois autres motos, transportant chacune un pilote et un passager. L’une des motos lui a coupé la route et il a perdu le contrôle de son véhicule. Lã Việt Dũng est tombé, les deux autres motos se sont arrêtées et leurs pilotes et leurs passagers sont descendus et l’ont encerclé, puis se sont mis à le frapper à coups de pied dans la tête, alors qu’il gisait au sol. La moto qui lui avait coupé la route a fait demi-tour et ses occupants se sont joints à leurs collègues. Lã Việt Dũng a reçu d’innombrables coups de pied à la tête. Il a également été frappé à plusieurs reprises à la tête avec une brique.
Les agresseurs de Lã Việt Dũng sont partis lorsque des habitants ont commencé à sortir des maisons voisines. Lã Việt Dũng a été conduit à l’hôpital par un automobiliste qui passait par là. Il souffrait de plusieurs blessures à la tête. Il a expliqué à Amnesty International qu’il aurait pu être blessé beaucoup plus grièvement s’il n’avait pas porté un casque au moment de l’attaque.
Le 13 juillet, Tô Oanh, enseignant à la retraite et militant pour la démocratie, et son épouse, Hoang Thi Nhu Hoa, rentraient chez eux en moto, dans la province de Bắc Giang, quand un motard, qui, selon le couple, devait avoir une trentaine d’années, et qui circulait dans le même sens qu’eux, leur a fait une queue de poisson, leur faisant perdre le contrôle de leur véhicule. Ils ont tous les deux été blessés dans leur chute. Tô Oanh a perdu connaissance et a eu un os du visage fracturé ; Hoang Thi Nhu Hoa s’en est sortie avec des blessures légères. L’assaillant a fait demi-tour et est reparti dans l’autre sens.
Le même jour, dans la matinée, Nguyễn Trung Đức, le fils de la défenseure des droits humains Hồ Thị Bích Khương, prisonnière d’opinion récemment libérée, a été blessé à la tête et au bras lors d’une agression qui s’est déroulée dans des circonstances presque identiques à celles de l’attaque contre Tô Oanh et Hoang Thi Nhu Hoa. Nguyễn Trung Đức conduisait sa moto dans la province de Nghệ An lorsque deux hommes qui roulaient à côté de lui, également en moto, lui ont coupé la route, lui faisant perdre le contrôle de son véhicule. Nguyễn Trung Đức est tombé et a perdu connaissance. Lorsqu’il est revenu à lui, peu de temps après, il était couvert de sang. Comme dans le cas de Tô Oanh et de Hoang Thi Nhu Hoa, les agresseurs de Nguyễn Trung Đức ont pris la fuite.
Nguyễn Trung Đức a réussi à aller jusqu’à l’hôpital, où il a fallu lui faire plusieurs dizaines de points de suture pour recoudre une entaille de 15 cm qu’il avait sur le haut du crâne et une autre blessure, de 10 cm de long, au niveau du bras droit. Les jours précédents, des hommes en civil, qui appartenaient selon toute vraisemblance à la police, étaient restés stationnés devant le domicile que Nguyễn Trung Đức partage avec sa mère, Hồ Thị Bích Khương, dans le district de Nam Đàn (province de Nghệ An), manifestement pour surveiller cette dernière. Le 8 juillet, Nguyễn Trung Đức s’était rendu chez sa grand-mère en compagnie de sa mère. Ils étaient repartis par l’arrière du bâtiment et, peu après leur départ, des policiers avaient fait irruption dans la maison, qu’ils avaient fouillée de fond en comble, exigeant qu’on leur dise où était partie Hồ Thị Bích Khương.
Les trois incidents décrits dans ce qui précède étaient des agressions délibérées. Au vu des circonstances dans lesquelles ces agressions se sont déroulées, il est à craindre qu’elles aient eu lieu à l’instigation de la police. Amnesty International appelle les autorités vietnamiennes à diligenter sans délai des enquêtes impartiales sur ces actes et à traduire en justice leurs auteurs présumés, quelles que soient les fonctions qu’ils occupent, dans l’administration ou ailleurs.
Le Viêt-Nam a depuis longtemps la réputation d’être l’un des pays d’Asie dont les prisons renferment le plus grand nombre de militants politiques et de défenseurs des droits humains. Amnesty International estime qu’il y a actuellement au minimum 84 prisonniers d’opinion dans ce pays. Les agressions physiques contre des militants politiques et des défenseurs des droits humains se sont multipliées ces dernières années. De nombreuses personnes ont été blessées lors de violentes attaques perpétrées par des hommes en uniforme ou en civil appartenant ou soupçonnés d’appartenir à la police.