SIERRA LEONE - La communauté internationale doit continuer à financer le Tribunal spécial

Index AI : AFR 51/008/2005

DÉCLARATION PUBLIQUE

Amnesty International exhorte les États à assister à la réunion des donateurs organisée le 30 septembre à New York et à s’engager à allouer des fonds suffisants au Tribunal spécial pour la Sierra Leone, afin de garantir qu’il pourra travailler efficacement en 2006. L’organisation de défense des droits humains reste persuadée que le Tribunal spécial doit bénéficier du soutien et de la coopération de la communauté internationale pour mener à bien sa mission avec professionnalisme et impartialité.

Établi conjointement par les Nations unies et le gouvernement sierra-léonais, le Tribunal spécial pour la Sierra Leone a la primauté sur les tribunaux nationaux et les juridictions internationales. Des Sierra-Léonais comptent parmi ses juges et représentants, et il siège dans le pays où les crimes relevant de sa compétence ont été commis, à la différence d’autres cours pénales internationales comme la Cour pénale internationale (CPI) et les Tribunaux pénaux internationaux pour le Rwanda et l’ex-Yougoslavie. Il a un rôle important à jouer en vue de rendre justice aux milliers de victimes de crimes contre l’humanité, crimes de guerre et autres graves violations du droit international en Sierra Leone.

La justice est venue rencontrer les Sierra-Léonais grâce aux activités animées par la section du Tribunal spécial chargée de la sensibilisation. Son forum interactif et la commission du service public suivent l’accès à la justice des victimes et de la population. Importante initiative lancée début mars 2005, la conférence nationale en mémoire des victimes a donné l’occasion aux Sierra-Léonais d’exprimer leurs attentes et leurs demandes de justice pour les homicides, les mutilations, les viols et d’autres formes de violence sexuelle, l’esclavage sexuel et l’enrôlement d’enfants, perpétrés dans le cadre de dix années de conflit armé interne. Il faudra ensuite financer la mise en œuvre du plan d’action de la conférence nationale en mémoire des victimes.

Amnesty International est convaincue que la justice internationale, à l’instar des Sierra-Léonais, bénéficie du travail du Tribunal spécial. Il a grandement contribué à la jurisprudence pénale internationale, sur des questions telles que les effets juridiques de la disposition d’amnistie prévue par l’accord de Lomé, le manque de pertinence de la qualité officielle de chef d’État, la juridiction des tribunaux spéciaux en vertu du droit international et les principes de légalité (nullum crime sine lege) et de non-rétroactivité. En outre, le Tribunal spécial est la première instance internationale qui s’efforce d’engager des poursuites pour utilisation d’enfants soldats. Le genre étant la clef de voûte de sa politique en matière de poursuites, les limites du droit international ont été repoussées, le mariage forcé figurant en tant que crime contre l’humanité sur certains actes d’accusation. Pour la première fois, le crime d’esclavage sexuel donne expressément lieu à des poursuites au titre du droit international. Aussi l’analyse et les conclusions du Tribunal spécial peuvent-elles se révéler précieuses pour toute poursuite engagée à l’avenir contre des responsables d’esclavage sexuel et pour mieux définir l’ampleur et la signification de ce crime. Cela pourrait représenter un grand pas en avant vers la reconnaissance des crimes de violence sexuelle en tant que crimes contre l’humanité.

À l’approche de la date de clôture prévue pour le Tribunal spécial, d’innombrables obstacles sont à surmonter pour qu’il puisse poursuivre son travail de haut niveau. Le plus gros écueil auquel il doit faire face est la crise financière générée par la dépendance à l’égard des contributions spontanées. Au regard de ce nouveau fonctionnement, le Tribunal spécial n’a guère pu compter sur des fonds réguliers. Alors qu’il achève la phase des procès et des appels, la stabilité financière s’avère cruciale.

D’ici à la fin de ses travaux, le Tribunal spécial doit impérativement rester vigilant en vue de garantir un traitement et une protection satisfaisants aux victimes et aux témoins - et ce d’autant que le retrait des dernières troupes de la Mission des Nations unies en Sierra Leone (MINUSIL) est prévu pour décembre 2005, la sécurité du pays devant alors être assurée par l’armée sierra-léonaise nouvellement formée et la sécurité intérieure par la police sierra-léonaise. Il importe que le Tribunal spécial reçoive des fonds afin de continuer à appliquer les normes les plus élevées s’agissant du traitement des victimes et des témoins.

Le Tribunal spécial a inculpé 11 personnes, accusées de porter « la plus lourde responsabilité » dans des crimes de droit international. Toutefois, Amnesty International s’inquiète que deux d’entre elles, l’ancien chef de file de l’Armed Forces Revolutionary Council (AFRC, Conseil révolutionnaire des forces armées), Johnny Paul Koroma, et l’ancien président libérien Charles Taylor, n’aient toujours pas été arrêtées ni remises au Tribunal spécial pour la Sierra Leone. Si ces hommes ne sont pas jugés, l’organisation redoute que cela ne compromette l’efficacité du Tribunal spécial.

Enfin, il a globalement accompli sa mission consistant à lutter contre l’impunité en poursuivant ceux qui portent la plus lourde responsabilité avec réussite et efficacité, et il faut promouvoir cet exemple probant en Afrique. En janvier 2006, la phase de transition touchera à sa fin au Libéria et un nouveau gouvernement prendra les rênes. Déjà, la société civile et la communauté internationale citent le Tribunal spécial comme le mécanisme qu’elles méritent pour juger les responsables des crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis au cours de vingt années de guerre au Libéria. Le Tribunal spécial pour la Sierra Leone doit faire preuve de son efficacité afin de représenter le mécanisme à même de lutter contre l’impunité au Libéria.

Amnesty International engage tous les gouvernements, en collaboration avec la communauté internationale, à allouer au Tribunal spécial les 25 millions d’euro dont il a besoin pour fonctionner.

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