SIERRA LEONE - Le gouvernement de Sierra Leone instamment prié de mettre en application les recommandations de la Commission Vérité et Réconciliation (CVR)

Index AI : AFR 51/012/2005

DÉCLARATION PUBLIQUE CONJOINTE DE AMNESTY INTERNATIONAL, WITNESS, CAMPAIGN FOR GOOD GOVERNANCE (CGG), CONFLICT MANAGEMENT AND DEVELOPMENT ASSOCIATES (CMDA), CENTRE FOR DEMOCRACY AND HUMAN RIGHTS (CDHR) ET L’ORDRE DES AVOCATS DE SIERRA LEONE

Le mardi 29 novembre 2005 marque le début de la conférence du quatrième groupe consultatif pour la Sierra Leone. Ce forum de deux jours se tient sous l’égide du gouvernement de Sierra Leone, du ministère britannique du Développement international, des Nations unies et de la Banque mondiale.

La conférence du groupe consultatif rassemble un certain nombre de parties intéressées clés, membres de la société civile et donateurs internationaux notamment, afin de débattre d’une série de questions affectant l’avenir de la Sierra Leone en termes de gouvernance et de développement. Son principal objectif est la mise en application du Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP) adopté en mars 2005, qui met l’accent sur la nécessité de réduire la pauvreté à travers une politique de réformes sociales et économiques.

Amnesty International, WITNESS, Campaign for Good Governance (CGG), Conflict Management and Development Associates (CMDA), Centre for Democracy and Human Rights (CDHR) et l’Ordre des avocats de Sierra Leone souhaitent profiter de la réunion du groupe consultatif pour attirer l’attention sur un certain nombre de sujets graves sources de préoccupations mutuelles face au manque de progrès effectués par le gouvernement pour mettre en œuvre les recommandations de la Commission Vérité et Réconciliation (CVR) de Sierra Leone.

Le gouvernement de Sierra Leone doit mettre l’accent tout spécialement sur le renforcement de la protection des droits humains, la garantie de l’indépendance de la justice lors des poursuites anti-corruption et accorder la priorité aux droits des femmes en Sierra Leone.

Les participants à la réunion du groupe consultatif doivent accorder une attention particulière aux recommandations de la Commission Vérité et Réconciliation en matière de droits humains, concernant notamment l’abolition de la peine de mort, l’abrogation de lois autorisant des poursuites judiciaires pour diffamation et la libération de prisonniers politiques détenus par l’État. En outre, un important effort de concertation doit être fait pour aboutir à la reconnaissance des droits des femmes sierra-léonaises, dont le statut social inférieur entrave l’accès aux services les plus élémentaires, retardant le développement du pays. Les recommandations de la Commission Vérité et Réconciliation (CVR) figurent dans un rapport final présenté au président de Sierra Leone, Ahmad Tejan Kabbah, en octobre 2004. Aux termes de la Loi de 2000 relative à la Commission Vérité et Réconciliation, le gouvernement de Sierra Leone est tenu de mettre en œuvre les recommandations de la Commission Vérité et Réconciliation « fidèlement » et « en temps opportun ». Pourtant, plus d’un an après avoir reçu le rapport, le gouvernement ne montre toujours que peu d’empressement à s’acquitter de ses obligations légales.

Un certain nombre de groupes de la société civile œuvrent avec le gouvernement dans le cadre du Projet de suivi de la Commission Vérité et Réconciliation. Parmi les initiatives proposées, on peut noter la présentation du rapport de la Commission Vérité et Réconciliation et de ses recommandations lors d’une session spéciale du parlement de Sierra Leone le 14 novembre 2005. Toutefois, c’est au gouvernement de montrer l’exemple en appliquant les recommandations de la Commission Vérité et Réconciliation et en faisant la preuve de son engagement à défendre les droits humains et à établir un état de droit. Sa seule prise de position officielle, sous forme de « Livre blanc » en juin 2005, n’a pas répondu aux attentes de la société civile, en passant sous silence et sans le moindre commentaire nombre de recommandations importantes.

« Les enjeux sont élevés en Sierra Leone, parce que les recommandations de la Commission Vérité et Réconciliation visent avant tout à s’attaquer aux causes sous-jacentes au conflit, lesquelles sont toujours présentes dans la société aujourd’hui, selon Gavin Simpson, consultant pour WITNESS, basé à Freetown et coordinateur du Projet de suivi de la Commission Vérité et Réconciliation. Le gouvernement a là une occasion formidable de mettre en application ces recommandations et d’engager la Sierra Leone vers un avenir plus paisible, prospère et progressiste. La conséquence ultime, si toutefois il ne remplissait pas ses obligations, pourrait être une nouvelle guerre très prochainement. »

Cependant, les femmes de Sierra Leone, qui représentent plus de la moitié de la population, figurent au dernier rang de l’index mondial de développement de la parité et sont fortement touchées par une discrimination structurelle tant au niveau du droit que de la coutume. Selon Kolawole Olaniyan d’Amnesty International, « La réunion du groupe consultatif offre au gouvernement une tribune pour affirmer son engagement à accorder aux droits des femmes une place prépondérante dans son programme de développement. »

Le Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP) reconnaît qu’il est important de donner aux femmes le pouvoir d’agir tant au niveau domestique qu’au niveau national pour réduire la pauvreté. Le rapport établit que l’accent doit être mis sur la parité et le renforcement du pouvoir d’agir des femmes, ainsi que sur la promotion et la protection de leurs droits fondamentaux si l’on veut réduire la pauvreté et parvenir à un développement durable. En outre, les stratégies employées devront s’attacher à mettre en place un cadre juridique permettant de réagir à la violence liée au genre, d’accroître la participation des femmes aux prises de décision et de réduire les risques d’exploitation et d’abus sexuels pour les femmes et les petites filles en particulier.

Les recommandations de la Commission Vérité et Réconciliation vont dans le sens d’une abrogation de toutes les lois et règles de droit coutumier discriminatoires pour les femmes. Dans le domaine de la représentation politique, la Commission Vérité et Réconciliation recommande que de nouvelles lois soient adoptées, exigeant de tous les partis politiques qu’ils présentent au moins 30 pour cent de femmes à toutes les élections locales et nationales.

Les projets de loi en cours sur le mariage, la succession, les délits sexuels ou l’héritage, qui doivent être prochainement présentés par le Law Officer’s Department,, vont dans la bonne direction. Toutefois, il faudrait que ces lois soient approuvées immédiatement par la parlement et que le gouvernement s’engage clairement à les mettre en application en temps opportun. La Commission Vérité et Réconciliation recommande également que la Sierra Leone ratifie le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes qui est entré en vigueur le 25 novembre 2005. Cette action devrait être entreprise sans délai.

Amnesty International, WITNESS, CGG, CMDA et l’Ordre des avocats de Sierra Leone demandent instamment à tous les participants à la réunion du groupe consultatif d’observer avec attention les progrès réalisés par le gouvernement de Sierra Leone dans la mise en application des recommandations de la Commission Vérité et Réconciliation. Une telle attention est nécessaire si l’on veut pouvoir demander des comptes au gouvernement sur son engagement, figurant dans le Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP), à bâtir une société démocratique moderne basée sur la parité et sur des valeurs de tolérance, de dignité humaine et de respect des droits de toutes les personnes.

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