Singapour : Condamner un militant pour sa performance artistique est une entrave à la liberté d’expression

Amnesty International réprouve la condamnation du militant et artiste Seelan Palay, condamné le 3 octobre à deux semaines d’emprisonnement après avoir refusé de s’acquitter d’une amende de 2 500 dollars de Singapour (1 500 euros), pour avoir réalisé une performance artistique devant le Parlement en 2017.

Elle considère cette sentence comme une violation du droit à la liberté d’expression et demande l’annulation de la déclaration de culpabilité et de la peine.

En mai 2018, le bureau du procureur général de Singapour a inculpé Seelan Palay, militant et artiste, au titre de l’article 7 de la Loi relative à l’ordre public pour avoir organisé un « cortège public » sans autorisation. En octobre 2017, Seelan Palay avait obtenu l’autorisation de mettre en scène sa performance en solo au Speakers’ Corner de Hong Lim Park. Cependant, la police a fait valoir qu’il a organisé un « cortège » lorsqu’il s’est rendu devant le Parlement et a poursuivi sa performance pendant un court laps de temps. Dans sa décision, la juge de la 17e juridiction de district Salina Ishak a déclaré que le parquet n’avait pas besoin de prouver que des troubles publics avaient été causés, puisqu’il avait démontré que la deuxième partie de cette performance s’était déroulée sans autorisation.

Amnesty International considère que le fait de restreindre les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique à un endroit désigné précisément – Hong Lim Park – constitue une restriction disproportionnée à l’exercice de ces droits.

Actuellement, le défenseur des droits humains Jolovan Wham comparaît lui aussi devant les tribunaux, au motif qu’il a organisé une réunion pacifique impliquant un intervenant étranger et qu’il a refusé de signer un procès-verbal de police. Amnesty International invite les autorités de Singapour à renoncer à toute poursuite pénale contre Jolovan Wham, car il s’agit d’une manœuvre visant à étouffer le débat public.

Inculpé au titre de l’article 7 de la Loi relative à l’ordre public pour cette réunion, Jolovan Wham est également accusé d’avoir organisé deux rassemblements publics sans l’autorisation requise, d’avoir refusé de signer des dépositions à la suite de trois événements comme l’exige l’article 180 du Code pénal et de « vandalisme ».

« La condamnation de Seelan Palay et les procédures pénales intentées contre Jolovan Wham s’inscrivent dans un climat où les militants font régulièrement l’objet d’investigations et d’accusations uniquement pour avoir exprimé leurs opinions ou organisé des rassemblements de manière pacifique. »

Si le droit international relatif aux droits humains autorise des restrictions aux droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique, toute restriction doit être définie de manière précise et sélective, et proportionnée au but recherché.

Amnesty International demande donc aux autorités de Singapour d’annuler la condamnation de Seelan Palay et d’abandonner toutes les charges retenues contre Jolovan Wham. Elle demande l’abrogation ou la modification de toutes les lois et dispositions légales qui restreignent de manière injustifiable les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique, notamment les dispositions de la Loi relative à l’ordre public, l’article 142 du Code pénal et l’article 290 de la Loi relative aux troubles à l’ordre public, afin de les aligner sur le droit international relatif aux droits humains et de faire en sorte que tous puissent jouir dans la pratique des droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique.

ComplÉment d’information

Le 1er octobre 2017, Seelan Palay a réalisé une performance artistique intitulée « 32 ans : le questionnement d’un miroir ». Il a obtenu l’autorisation de mettre en scène sa performance au Speakers’ Corner à Hong Lim Park et s’est ensuite rendu devant le Parlement pour la prolonger. Après un temps assez court, la police est venue l’arrêter. Elle a déclaré que Seelan Palay n’avait pas obtenu l’autorisation de réaliser sa performance hors de la zone désignée et il a été inculpé au titre de l’article 7 de la Loi relative à l’ordre public.

En 2016, Jolovan Wham a organisé un séminaire sur la désobéissance civile et la démocratie, qui présentait une intervention du militant pro-démocratie de Hong-Kong Joshua Wong via un lien vidéo. La police de Singapour affirme avoir contacté Jolovan Wham avant l’événement pour l’informer qu’il devait obtenir une autorisation, puisque le séminaire présentait un étranger commentant des « questions politiques ».

Jolovan Wham ayant décidé de maintenir l’événement sans autorisation, la police l’a inculpé au titre de l’article 7 de la Loi relative à l’ordre public. Par la suite, il a refusé de signer des dépositions comme l’exige l’article 180 du Code pénal, la police ayant refusé de lui remettre des copies de ces documents.

La Loi relative à l’ordre public, promulguée en 2009, règlemente les conférences publiques, les rassemblements religieux, les manifestations à caractère politique et autres rassemblements. En avril 2017, le Parlement a adopté des modifications à cette loi, qui confèrent à la police et à certains représentants de l’État de vastes pouvoirs arbitraires leur permettant de restreindre ou d’interdire les rassemblements publics et les manifestations. Ces modifications imposent aux organisateurs d’événements publics d’obtenir une autorisation au moins 28 jours à l’avance, sous peine d’une amende pouvant aller jusqu’à 20 000 dollars de Singapour (12 500 euros) et/ou d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à un an.

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