Singapour impose de nouvelles restrictions à la liberté de réunion pacifique

Déclaration publique

Index AI : ASA 36/003/2009

Le 13 avril, le parlement de Singapour a adopté une nouvelle loi relative à l’ordre public, qui restreint le droit fondamental à la liberté de réunion pacifique et renforce les pouvoirs de maintien de l’ordre, sans prévoir de garanties suffisantes pour prévenir les abus.

Le gouvernement a fait valoir que cette loi était nécessaire à l’approche du sommet du forum de coopération économique Asie-Pacifique (APEC) qui doit se tenir à Singapour en novembre, au cours duquel les chefs d’État des pays membres se rencontreront. Selon le gouvernement singapourien, il fallait légiférer pour combattre la menace d’actes terroristes durant le sommet.

Amnesty International comprend les inquiétudes pour la sécurité et le défi que représente le maintien de l’ordre à l’occasion d’un tel évènement. Toutefois, cette évolution risque à terme de restreindre encore davantage la liberté de réunion pacifique à Singapour, déjà compromise. Cette loi doit être amendée pour être pleinement conforme aux normes internationales relatives aux droits humains.

La loi complète et renforce des dispositions de la législation existante, notamment la Loi sur les divertissements et rassemblements (PEMA) et la Loi relative aux infractions diverses (MOA) qui ont déjà été utilisées précédemment pour réprimer des manifestants pacifiques.

On peut citer notamment Chee Soon Juan, secrétaire général du Parti démocrate de Singapour et importante figure de l’opposition, condamné en novembre 2006 à cinq semaines d’emprisonnement, au titre de la Loi sur les divertissements et rassemblements (PEMA) et de la Loi relative aux infractions diverses (MOA), après avoir refusé de payer une amende de 5000 dollars singapouriens pour s’être exprimé en public sans autorisation avant les élections générales du mois de mai 2006 dans le pays.

Amnesty International appelle le gouvernement singapourien à respecter ses obligations légales au titre de l’article 14(1) de la Constitution de Singapour qui prévoit le respect de la liberté de parole et d’expression, le droit de rassemblement pacifique et sans arme et le droit de constituer des associations.

Amnesty International appelle Singapour à se conformer à l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui précise que « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit. » Si ce droit, ainsi que le droit à la liberté de réunion pacifique (article 20(1) de la Déclaration universelle des droits de l’homme) peuvent être restreints pour des raisons de sécurité nationale ou de maintien de l’ordre public, de telles restrictions ne peuvent s’appliquer que de manière limitée et en fonction de circonstances particulières.

On ne peut sérieusement considérer comme conforme aux limitations internationalement acceptées de ces droits une loi qui définit comme « défilé » nécessitant une autorisation et pouvant être soumis à des restrictions tout rassemblement à partir de deux personnes, lorsque celles-ci se déplacent « sensiblement en groupe constitué » dans le but d’afficher leur opposition ou leur soutien aux opinions d’une personne, d’attirer l’attention sur une cause ou de commémorer un évènement (article 2 (1) de la loi).

Les circonstances dans lesquelles une autorisation peut être refusée sont énumérées à l’article 7(2) dans des termes vagues et susceptibles d’être interprétés de manière très large. Il peut s’agir par exemple de motifs raisonnables de croire que le rassemblement ou défilé envisagé pourrait « créer un trouble à l’ordre public » ou « faire naître des sentiments de ... malveillance... entre différents groupes à Singapour ».

Le gouvernement peut, au titre des articles 12, 25 et 28 de la Loi accorder des pouvoirs étendus à la police en prononçant l’interdiction d’une manifestation. Cela autorise la police à contrôler et fouiller toute personne entrant ou sur le point d’entrer dans un certain périmètre. La police peut également fouiller toute personne se trouvant déjà sur place. Les policiers peuvent interroger une personne sur la raison pour laquelle elle veut se rendre dans un lieu où se déroule une manifestation et lui en interdire l’entrée. Si la personne ne se soumet pas aux ordres, elle peut être condamnée à une amende et à une peine d’emprisonnement. Amnesty International juge ces pouvoirs excessifs et craint qu’ils n’ouvrent la voie à toutes sortes d’abus, pouvant se traduire par des violations du droit à la vie privée et à la liberté de mouvement et par des détentions arbitraires.

En vertu de l’article 40 de la Loi, la police peut procéder à l’arrestation sans mandat de personnes ayant enfreint l’une des dispositions de la Loi, ce qui inclurait toute personne qui « aide ou encourage... un rassemblement ou un défilé » (article3(1(a)) de la Loi).

Plutôt que de restreindre encore les droits à la liberté de parole et de réunion pacifique, Singapour doit revoir ses lois et ses pratiques afin de les rendre conformes aux normes internationales en matière de droits humains ; la cité-État doit notamment ratifier des traités internationaux relatifs aux droits humains tel que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le gouvernement doit également s’enquérir auprès des experts et organes internationaux de surveillance des droits humains de la manière dont il doit procéder pour maintenir la sécurité tout en respectant et protégeant les droits humains.

Complément d’information

Singapour impose d’importantes restrictions à la liberté d’expression et de réunion qui s’appliquent notamment à tous ceux qui critiquent le gouvernement, aux médias et aux manifestations pacifiques. En 2008, 18 militants et membres du Parti démocrate de Singapour (SDP), un parti d’opposition, ont été inculpés pour avoir organisé des défilés de protestation non autorisés contre la hausse du coût de la vie. En octobre 2008, Chee Soon Juan, secrétaire général du SDP, déjà mis en faillite et Chee Siok Chin, militant du SDP ont été condamnés à verser 610 000 dollars singapouriens (environ 312 230 euros) de dommages et intérêts pour diffamation envers des dirigeants du gouvernement actuel et du gouvernement précédent. Ils ont été ensuite condamnés à des peines de prison pour outrage à l’autorité de la justice parce qu’ils avaient critiqué la façon dont leur procès avait été mené. Bien qu’ils aient été libérés depuis, ils ne peuvent plus prétendre à un siège de député en raison de leur mise en faillite et ne peuvent quitter le pays sans autorisation

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