Singapour : La répression sans répit des défenseurs des droits humains

L’arrestation et la détention récentes d’un manifestant individuel, Seelan Palay, montrent une fois de plus que la Loi relative à l’ordre public est utilisée pour réprimer les défenseurs des droits humains à Singapour.

L’arrestation et la détention récentes d’un manifestant individuel, Seelan Palay, montrent une fois de plus que la Loi relative à l’ordre public est utilisée pour réprimer les défenseurs des droits humains à Singapour.

Le 1er octobre 2017, l’artiste et militant Seelan Palay a réalisé une performance artistique politique intitulée « 32 ans : l’interrogation d’un miroir », afin de commémorer les 32 années de détention sans jugement de l’ancien député Chia Thye Poh. Il a obtenu une autorisation pour cette manifestation et s’est rendu à pied avec son œuvre du parc Hong Lim jusqu’au Parlement, où des policiers sont venus le chercher. Selon la police, Seelan Palay n’avait pas précisé, dans sa demande d’autorisation, qu’il avait l’intention de quitter le parc pour aller devant le Parlement. Il a été arrêté par sept policiers au titre de la Loi relative à l’ordre public, détenu pendant toute la nuit aux fins d’interrogatoire et libéré le lendemain, le 2 octobre, plus de 24 heures plus tard.

Seelan Palay a été arrêté uniquement pour avoir exercé pacifiquement son droit fondamental à la liberté d’expression, au titre des dispositions restrictives sur les « rassemblements ou cortèges » de la Loi relative à l’ordre public.

En vertu du droit international relatif aux droits humains, l’exercice des droits aux libertés d’expression, d’association et de rassemblement pacifique peut être soumis à des restrictions. Cependant, ces restrictions ne sont autorisées que si elles sont prévues par la loi, ont pour but de protéger certains intérêts publics (la sécurité nationale ou publique, l’ordre public, la santé ou la moralité publiques) ou les droits et libertés d’autrui, et s’il est possible de démontrer qu’elles sont nécessaires à la réalisation de cet objectif. Toute restriction imposée doit satisfaire à l’ensemble de ces critères, sans quoi elle constitue une violation de ces droits. En arrêtant Seelan Palay, les autorités singapouriennes n’ont manifestement pas respecté cette condition.

Seelan Palay
fait toujours l’objet d’une enquête et risque d’être inculpé. Amnesty International appelle les autorités singapouriennes à renoncer à toute poursuite pénale contre cet homme. L’organisation demande également aux autorités singapouriennes de mettre en place des mécanismes et des procédures légaux et pratiques afin de veiller à ce que chacun puisse jouir du droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique et à ce que celui-ci ne soit pas soumis à des restrictions arbitraires.

Complément d’information

La Loi relative à l’ordre public confère à la police et à d’autres instances de vastes pouvoirs arbitraires leur permettant de restreindre ou d’interdire les manifestations et réunions publiques, dans un environnement où les défenseurs des droits sont déjà soumis à d’importantes restrictions. Par exemple, l’article 3 de la Loi relative à l’ordre public inclut les manifestations individuelles dans sa définition des rassemblements, ce qui apporte des restrictions inutiles au droit individuel à la liberté d’expression et de réunion pacifique. De plus, il est impossible de savoir avec précision quand une personne doit demander une autorisation pour des activités menées dans un espace public.

À partir du 3 avril 2017, les organisateurs d’événements publics ont dû se conformer à des mesures encore plus strictes, et notamment demander une autorisation au moins 28 jours à l’avance et informer la police de leurs prévisions quant à la taille du rassemblement, à la suite d’une modification de la Loi relative à l’ordre public.

À défaut, ils peuvent faire l’objet d’une amende de 20 000 dollars singapouriens, d’une peine d’emprisonnement allant jusqu’à un an, voire des deux sanctions cumulées. De telles mesures sont inutiles et disproportionnées et mènent à des violations du droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique.

En février 2017, Han Hui Hui, militante politique critique à l’égard du gouvernement, a été condamnée à une amende de 3 100 dollars singapouriens parce qu’elle avait organisé une manifestation pacifique au parc Hong Lim, en 2014, pour dénoncer la mauvaise utilisation des caisses de retraite publiques. En conséquence, elle ne pourra pas se porter candidate aux prochaines élections législatives.

En juin, les organisateurs du Pink Dot – un événement annuel rassemblant des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI), leurs amis, leurs proches et des personnes soutenant leurs droits – ont été contraints de mettre en place des barricades autour du parc Hong Lim, où devait se tenir cet événement, et de vérifier l’identité des participants, afin de veiller à ce qu’aucun étranger ne participe à l’événement.

En septembre, des militants anti-peine de mort, notamment Kirsten Han, Jolovan Wham, Terry Xu et Jason Woo, ont fait l’objet d’une enquête de police pour participation à une réunion publique non autorisée, parce qu’ils avaient pris part à une veillée pacifique contre l’exécution de Prabagaran Srivijayan, un ressortissant malaisien, devant la prison de Changi le 14 juillet 2017.

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