Singapour : La liberté d’expression mise à mal lors d’audiences sur les « fausses informations »

Amnesty International est vivement préoccupée par le traitement réservé à des défenseurs des droits humains et des organisations de défense des droits humains lors des audiences tenues à Singapour par une commission spéciale sur les « mensonges délibérés diffusés en ligne ».

L’organisation s’inquiète particulièrement des critiques et des fausses représentations dont ont fait l’objet les militants et les organisations de la société civile qui ont participé aux audiences. Han Hui Hui, une défenseure des droits humains et militante politique, a notamment été exclue par la force de l’une des audiences le 29 mars 2018. Amnesty International appelle les autorités singapouriennes à respecter le droit à la liberté d’expression et à s’abstenir de proposer des lois qui pourraient réprimer davantage la libre expression des opinions dans le pays.

Les militants et les organisations de la société civile ont vu leurs opinions réprimées pendant les audiences sur les « fausses informations » qui se sont tenues pendant huit jours devant une commission spéciale sur les « mensonges délibérés diffusés en ligne ». Amnesty International estime que le traitement hostile des défenseurs des droits humains qui ont participé aux séances, l’exclusion des audiences d’une défenseure des droits humains de premier plan, ainsi que les critiques formulées par le gouvernement singapourien contre l’organisation internationale Human Rights Watch (HRW) à la suite du refus de celle-ci de participer aux audiences démontrent que les séances publiques tenues par la commission spéciale ne constituaient pas un espace de discussion libre et ouvert sur le problème des « fausses informations » dans le pays.

À l’approche des audiences sur les « fausses informations », le gouvernement de Singapour avait critiqué Human Rights Watch parce que l’organisation avait annulé sa participation aux audiences de la commission spéciale, alors qu’elle avait tout d’abord accepté l’invitation. Depuis, HRW a déclaré qu’elle avait décliné l’invitation car elle ne pensait pas que le gouvernement l’avait invitée en toute bonne foi à participer aux audiences. L’organisation pense au contraire qu’elle a été invitée uniquement pour que les membres du parti au pouvoir puissent discréditer son récent rapport sur la restriction de la liberté d’expression dans le pays. Le gouvernement avait rejeté ce rapport sans toutefois y apporter de réponse satisfaisante.

Le 29 mars 2018, Han Hui Hui, une défenseure des droits humains, a été exclue par la force de la galerie publique d’une audience de la commission spéciale, après avoir brandi pacifiquement des documents sur lesquels figurait l’image d’un livre intitulé Authoritarian Rule of Law, Legislation, Discourse and Legitimacy in Singapore. Han Hui Hui avait été invitée à participer aux audiences, mais son invitation avait été annulée au dernier moment. Amnesty International craint qu’elle ait délibérément été empêchée de participer à l’audience en raison de son rôle bien connu de détractrice du gouvernement et de défenseure pacifique de la liberté d’expression à Singapour.

Le 30 mars 2018, les défenseurs des droits humains Kirsten Han et Jolovan Wham ont tous deux déposé une réclamation officielle auprès du président de la commission spéciale, dans laquelle ils expriment leur consternation face au fait que leurs interventions lors l’audience ont été déformées dans la synthèse des interventions, le compte-rendu officiel des audiences. Il semble que la présentation des déclarations de Kirsten Han et de Jolovan Wham déforme leurs arguments contre la mise en place de nouvelles lois destinées à contrôler ou museler davantage la liberté d’expression à Singapour. Une menace à peine voilée a également été adressée à Kirsten Han à la fin de son intervention, en raison d’un article qu’elle a écrit et dans lequel elle exprimait ses préoccupations quant au climat de restriction dans le pays.

Le dernier jour des audiences, l’universitaire Ping Tjin Thum a fait l’objet d’un interrogatoire agressif qui a duré six heures, au sujet de sa communication écrite adressée à la commission spéciale. Cet interrogatoire, mené par le ministre de la Justice K. Shanmugam, semble avoir été utilisé comme une autre occasion pour le gouvernement de décrédibiliser les arguments de ses détracteurs pacifiques.

Les audiences de la commission spéciale singapourienne sur les « mensonges délibérés diffusés en ligne », ainsi que le projet de loi malaisien sur les fausses informations, adopté le 2 avril 2018, pourraient marquer le début d’une tendance alarmante à la censure si les pays voisins suivent le mouvement.

Amnesty International appelle le gouvernement de Singapour à veiller à ce que toute loi proposée à la suite de ces audiences ne soit pas un nouvel outil de répression à l’encontre des militants, des journalistes et des détracteurs du gouvernement. Tout texte de loi proposé doit faire l’objet d’un examen adéquat et ne doit pas réprimer la liberté d’expression. L’organisation demande également aux autorités de Singapour de mettre fin au harcèlement et à l’intimidation des défenseurs des droits humains et de permettre un débat pacifique et ouvert sur le thème des « fausses informations » et de l’exercice de la liberté d’expression, conformément au droit international et aux normes internationales.

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