Les autorités de Singapour doivent immédiatement annuler les nouvelles dispositions prévoyant que les accès à un rassemblement pacifique doivent être barricadés, et que les personnes qui s’y rendront seront soumises à des contrôles d’identité. Cette restriction représente une nouvelle tentative de la part des autorités de restreindre et réprimer les activités militantes pacifiques à Singapour.
Le 30 mai, les organisateurs du Pink Dot – un événement annuel rassemblant des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT), leurs amis, leurs proches et des personnes soutenant leurs droits – ont annoncé que la police exige que des barricades soient mises en place autour du parc Hong Lim, où doit se tenir cet événement. En outre, en plus des contrôles des sacs, des contrôles d’identité obligatoires seront menés le jour où il aura lieu. Le Pink Dot est organisé à Singapour depuis 2009, et sa prochaine édition doit se tenir le 1er juillet 2017. Ces nouvelles mesures sont apparemment dues à des préoccupations liées à la sécurité et à de nouvelles dispositions légales qui empêchent ceux qui ne sont pas des citoyens de Singapour ou des résidents permanents de participer à des rassemblements publics.
Amnesty International estime que ces restrictions imposées par les autorités de Singapour concernant les rassemblements pacifiques constituent une nouvelle tentative visant à soumettre les militants et défenseurs des droits humains dans le pays à des exigences extrêmement sévères. Ces mesures visent en effet à décourager les rassemblements et les mouvements de protestation menés par des personnes et des organisations qui contestent les normes sociales et culturelles ou qui expriment des opinions dissidentes.
L’organisation est particulièrement préoccupée par le fait que la nouvelle décision imposant des contrôles d’identité pour les participants à un événement crée un précédent inquiétant. Elle demande donc au gouvernement d’indiquer clairement si tous les autres rassemblements seront soumis aux mêmes restrictions que le Pink Dot.
En avril 2017, le Parlement de Singapour a adopté des modifications de la Loi relative à l’ordre public accordant à la police et à d’autres agents de nouveaux pouvoirs leur permettant de restreindre ou d’interdire des rassemblements publics et des manifestations. Au titre de la loi modifiée, la police et le ministre de l’Intérieur ont le pouvoir d’annuler un événement, de le reporter ou d’en modifier le lieu. Cette loi interdit aussi à ceux qui ne sont pas des citoyens ou des résidents permanents de Singapour de participer à des rassemblements, d’en organiser ou d’en financer de quelque façon que ce soit.
Les modifications apportées à la Loi relative à l’ordre public augmentent les risques de répression pénale des réunions pacifiques à Singapour et elles vont stigmatiser les participants à ces rassemblements, notamment les personnes LGBT, au lieu de veiller à ce qu’ils jouissent de leurs droits sans discrimination.
La discrimination exercée contre les personnes LGBT à Singapour a été dénoncée par de nombreux États durant l’examen à l’ONU en 2016 du bilan de Singapour en matière de droits humains. L’article 377A du Code pénal, qui érige en infraction les relations sexuelles entre hommes consentants, doit être abrogé. En juin 2016, le ministère de l’Intérieur a annoncé que les entreprises étrangères n’étaient plus autorisées à financer le Pink Dot. En raison de cette restriction, les organisateurs ont été contraints de ne réunir, pour l’événement de 2017, que des fonds provenant de donateurs locaux.
La Déclaration universelle des droits de l’homme prévoit que toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique. Aux termes du droit international relatif aux droits humains, ce droit ne s’applique pas qu’aux citoyens ou résidents permanents d’un pays, et les restrictions le concernant ne sont admises que si elles s’avèrent manifestement nécessaires et proportionnées à la réalisation de l’objectif de protection d’intérêts publics spécifiques ou des droits et libertés d’autrui.
Amnesty International demande aux autorités de Singapour de respecter et protéger le droit de réunion pacifique, et de prendre les mesures nécessaires pour faciliter les manifestations pacifiques, au lieu de créer de nouvelles restrictions pour réduire au silence des communautés ou ceux qui les critiquent.
Complément d’information
La Loi relative à l’ordre public, promulguée en 2009 à Singapour, règlemente les conférences publiques, les rassemblements religieux et les manifestations à caractère politique, entre autres événements publics.
Depuis le 3 avril, les organisateurs d’événements publics doivent se conformer à des mesures strictes, et notamment demander une autorisation au moins 28 jours à l’avance et informer la police de leurs prévisions quant à la taille du rassemblement. S’ils ne le font pas, ils s’exposent à une amende de 20 000 dollars singapouriens (environ 14 297 USD) ou à une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à un an.
Aux termes des dispositions révisées de la loi, la police et le ministre de l’Intérieur disposent du pouvoir d’annuler, de reporter ou de déplacer les événements. En outre, une demande d’autorisation peut être refusée si la police estime qu’un rassemblement sera utilisé à des fins politiques et sera organisé ou financé d’une quelconque manière par des étrangers, ou que des étrangers y participeront.
En avril, Amnesty International s’est dite préoccupée par le fait que les autorités pourraient utiliser les pouvoirs supplémentaires que leur octroie la nouvelle loi pour restreindre davantage encore les libertés d’expression et de réunion pacifique, dans un contexte où les militants et ceux qui critiquent le gouvernement sont strictement contrôlés.