Singapour. Une affaire de diffamation menace la liberté de la presse

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

ÉFAI -
18 novembre 2009

Le Parlement singapourien doit adopter une nouvelle loi pour protéger la liberté d’expression, a déclaré Amnesty International ce mercredi 18 novembre 2009, après qu’un magazine et son rédacteur en chef eurent accepté de payer l’amende de 405 000 dollars de Singapour (195 000 euros environ) à laquelle les a condamnés la plus haute juridiction du pays pour diffamation présumée.

La Far Eastern Economic Review (FEER), rattachée au groupe Dow Jones, et son rédacteur en chef Hugo Restall avaient publié un article critique envers le Premier ministre, Lee Hsien Loong, et son père Lee Kuan Yew, ancien Premier ministre.

Cet article de 2006, intitulé « Le "martyr" de Singapour, Chee Soon Juan », contenait des accusations contre ces deux dirigeants, notamment de corruption, allégations que la cour d’appel de Singapour a jugé diffamatoires.

Le groupe Dow Jones a affirmé qu’il n’avait rien à se reprocher mais a déclaré qu’il lui fallait payer l’amende.

Dans son arrêt, la cour d’appel de Singapour a statué : « la liberté d’expression garantie par la Constitution à Singapour est conférée aux seuls citoyens singapouriens ». Elle a ajouté que Singapour ne reconnaissait pas à la presse de fonction particulière de « gendarme ».

« Les lois qui permettent aux autorités de restreindre la liberté d’expression, conjuguées à une série de procès en diffamation motivés par des considérations politiques, ont créé un climat d’intimidation politique et d’autocensure à Singapour, a déclaré Sam Zarifi, directeur du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International. Cet arrêt montre une fois de plus à quel point la liberté de la presse est menacée à Singapour et crée un précédent dangereux pour la liberté d’expression et le journalisme dans la région. »

Amnesty International exhorte le Parlement de Singapour à adopter des dispositions législatives garantissant aux médias la possibilité d’exercer leur fonction vitale de gendarme de la nation, en supprimant les aspects discriminatoires des lois relatives à la liberté d’expression et les restrictions qui leur sont indument apportées, afin de mettre ces textes en conformité avec les normes et instruments internationaux.

Les autorités singapouriennes utilisent depuis longtemps les actions civiles en diffamation pour faire taire les opposants politiques. Ces procès en diffamation limitent de façon inadmissible le droit des Singapouriens d’exprimer leurs opinions de manière pacifique et de participer pleinement à la vie publique.

Amnesty International demeure préoccupée par l’usage persistant des lois restrictives et des actions civiles en diffamation pour sanctionner et faire taire ceux qui se montrent critiques à l’égard des autorités à Singapour.

« Si Singapour entend être un pôle du commerce international, notamment à l’ère d’Internet, ses députés doivent agir immédiatement pour que le pays s’aligne sur les concepts globalement acceptés de liberté d’expression et de libre activité des médias », a déclaré Sam Zarifi.

Les journalistes ont de plus en plus de mal à travailler sans que le Parti d’action populaire (PAP), la formation au pouvoir, ne s’ingère dans leurs activités.

Complément d’information

Le droit international reconnaît des limitations au droit à la liberté d’expression tel qu’il est garanti par l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Toutefois, les autorités doivent être en mesure de prouver que ces restrictions sont nécessaires pour protéger certains buts autorisés et proportionnées à l’intérêt à protéger. De telles limitations sont permises en vue d’« assurer la reconnaissance et le respect des droits et libertés d’autrui et afin de satisfaire aux justes exigences de la morale, de l’ordre public et du bien-être général dans une société démocratique ».

En droit international, il est bien établi cependant que les représentants de l’État doivent avoir davantage de tolérance à la critique que les simples citoyens.

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