Communiqué de presse

Slovaquie. L’année scolaire s’achève sans que la ségrégation dont sont victimes les enfants roms n’ait été jugulée

Une autre année scolaire s’achève, et des milliers d’enfants roms se voient toujours dispenser une éducation au rabais, dans des écoles et des classes du système classique qui leur sont réservées ou dans des écoles et des classes spéciales pour élèves présentant un « handicap mental léger ».

Le droit à l’éducation sans discrimination des enfants roms continue d’être bafoué, lors même que le gouvernement s’est engagé, en août 2010, à adopter des mesures visant à mettre fin à la ségrégation scolaire fondée sur l’origine ethnique. Amnesty International s’inquiète de ce que le gouvernement slovaque qui est entré en fonction en juillet 2010 se soit jusqu’ici abstenu d’adopter des mesures concrètes en ce sens.

Bien que la loi slovaque prohibe la discrimination et la ségrégation au sein du système éducatif, les autorités n’ont pas pris les mesures nécessaires pour que cette interdiction soit mise en œuvre dans la pratique. Cette situation résulte d’une série de carences en droit et en pratique, notamment l’absence d’une définition satisfaisante de la ségrégation et le manque de détermination à l’identifier et à la contrôler, à recueillir des données ventilées et à imposer des sanctions aux écoles et aux autorités qui violent la loi.

Aussi les enfants roms sont-ils privés d’un accès égalitaire à une éducation de qualité.

Le 13 juin, le ministère de l’Éducation a rendu publics les commentaires sur le projet de Concept de l’éducation primaire et secondaire, un document stratégique définissant les principes éducatifs qui a pour objectif d’offrir un cadre à la réforme du système slovaque. Amnesty International est vivement préoccupée par le fait que ce document ne mentionne pas les principes de non-discrimination et de suppression de la ségrégation, en tant qu’objectifs explicites de cette réforme. En outre, ce projet aborde la question de la ségrégation de façon parcellaire et non systémique.

L’organisation se félicite toutefois que ce projet reprenne certaines recommandations visant à remédier au problème de la ségrégation qui touche les enfants roms à l’école, consistant notamment à définir la ségrégation dans la loi relative à la lutte contre la discrimination et à reconnaître la nécessité de repérer et d’évaluer les pratiques de ségrégation et de déségrégation dans les écoles slovaques, et de publier ces informations. Le Concept de l’éducation primaire et secondaire recommande également d’adopter des mesures de soutien destinées aux enfants issus de milieux socioéconomiques défavorisés ou présentant des handicaps, afin qu’ils puissent bénéficier de l’éducation dispensée dans le système classique.

Cependant, au fil de ce texte est parfois utilisé un langage qui stigmatise encore davantage les enfants roms victimes de discrimination. Il donne à penser que si les « groupes marginalisés » n’ont pas accès à une éducation de qualité, c’est notamment en raison d’un « intérêt indirect pour la ségrégation de la part de la communauté rom » et d’une « autodéfense naturelle de la majorité des citoyens inadaptables » (sic), qui sont décrits comme enclins « à une mauvaise hygiène, au vol, aux agressions physiques, etc. ».

Amnesty International déplore vivement que l’engagement du gouvernement à remédier à ce scandale des droits humains soit jusqu’ici resté lettre morte. Il ne semble pas fondé sur une véritable prise en compte de la discrimination et de la ségrégation qui caractérisent le système éducatif. Dans une lettre adressée le 6 mai à Amnesty International, le secrétaire d’État au ministère de l’Éducation faisait remarquer : « Chacun a accès à l’éducation, y compris les enfants roms. Le système éducatif en Slovaquie leur garantit l’accès à l’éducation et nous rejetons toute discrimination ou ségrégation. »

Il poursuivait en déclarant que « la responsabilité de la situation de la communauté rom et des enfants roms n’incombe pas uniquement au gouvernement slovaque, mais principalement aux Roms eux-mêmes… S’ils ne font pas preuve d’initiative, d’efforts et de bonne volonté pour changer leur vie, il est impossible d’obtenir de bons résultats pour l’ensemble des citoyens slovaques. »

Amnesty International redoute fortement que cette attitude ne permette pas d’amener les changements de fond dont a besoin la Slovaquie. Les parents roms ne sauraient être tenus pour responsables des lacunes graves et systématiques de l’État, qui perpétuent l’injustice, la discrimination et la pauvreté. L’obligation de rendre des comptes concernant l’élimination des obstacles discriminatoires et l’intégration réussie des enfants roms au sein du système éducatif classique incombe au gouvernement slovaque. Il ne peut se soustraire à cette responsabilité sur la base des défaillances réelles ou imaginaires des parents.

Depuis 2007, Amnesty International fait campagne en Slovaquie contre les pratiques de discrimination et de ségrégation bien ancrées vis-à-vis des enfants roms dans les écoles. En septembre 2010, elle a préconisé que le gouvernement prenne une série de mesures en vue de garantir que l’interdiction de la ségrégation soit mise en œuvre et appliquée.

Le gouvernement slovaque doit prendre sans délai des mesures visant à mettre fin à la pratique illégale de la ségrégation des enfants roms dans le système éducatif. Le coût humain de son inaction sur cette question est bien trop élevé : elle affecte la vie de milliers d’enfants et les enferme dans le cercle vicieux de la pauvreté et de la discrimination.

Ce travail s’inscrit dans le cadre de la campagne mondiale d’Amnesty International Exigeons la dignité, qui vise à mettre fin aux atteintes aux droits humains qui font sombrer les gens dans la pauvreté et les y maintiennent. Dans le cadre de cette campagne, Amnesty International demande à tous les gouvernements de veiller à ce que les victimes d’atteintes aux droits humains, y compris aux droits économiques, sociaux et culturels, aient accès à des recours utiles. Elle appelle tous les gouvernements à inscrire les droits économiques, sociaux et culturels dans leur législation nationale, à lever les obstacles en matière d’accès à la justice et à se conformer aux décisions relatives aux droits fondamentaux des tribunaux et des mécanismes internationaux de défense des droits humains.

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