La société civile dénonce la mort de 140 manifestants oromos

CIVICUS : l’Alliance mondiale pour la participation des citoyens, le projet Défenseurs des droits humains d’Afrique de l’Est et de la Corne de l’Afrique (DefendDefenders) et Amnesty International engagent les partenaires de l’Éthiopie à l’échelle internationale et en matière de développement à se pencher sur l’homicide d’au moins 140 manifestants dans la région d’Oromia depuis décembre 2015.

Le 12 novembre 2015, des manifestations pacifiques ont été organisées dans la région d’Oromia, au sud-ouest d’Addis-Abeba, la capitale, en réaction à des mesures visant à transférer la propriété d’une école et d’une forêt locale afin de laisser place à des investisseurs privés. Les actions de protestation ont depuis lors gagné en ampleur et leur portée s’est étendue à des doléances en rapport avec l’expansion d’Addis-Abeba à l’intérieur de la région d’Oromia dans le cadre du plan directeur intégré d’urbanisation. Elles sont par ailleurs devenues violentes, et se sont soldées par la mort de manifestants, et par l’arrestation d’autres contestataires et de dirigeants de l’opposition.

Le gouvernement a annoncé le 12 janvier qu’il annulait le plan directeur, mais les manifestations ont continué le lendemain dans des zones de l’ouest de la région d’Harar, à Ambo et dans le Wellega, où la police et l’armée ont tiré à balles réelles et frappé des protestataires.

« Le recours à une force excessive et meurtrière, ainsi que les arrestations de masse de défenseurs des droits humains et de manifestants pacifiques représentent une intensification inquiétante de la campagne actuelle du gouvernement visant à écraser toute forme de dissidence dans le pays  », a déclaré Mandeep Tiwana, responsable de la ligne directrice et des recherches à CIVICUS. « La communauté internationale doit évoquer avec le gouvernement éthiopien la question de l’obligation de rendre des comptes pour ces graves violations des droits. »

La police et l’armée ont réagi avec une force excessive aux manifestations pacifiques ayant commencé le 1er décembre 2015, en particulier en utilisant des balles réelles contre les cortèges, au sein desquels se trouvaient notamment des enfants n’ayant pas plus de 12 ans. Selon des estimations confirmées par des organisations nationales et internationales telles que Human Rights Watch, au moins 140 manifestants ont déjà été tués.

« La réaction de la police et de l’armée s’est durcie lorsque le gouvernement a qualifié de " terroristes " les manifestants majoritairement pacifiques le 15 décembre 2015, ce qui a donné lieu à une multiplication des violations, notamment des homicides, des passages à tabac et des arrestations de masse de manifestants, de dirigeants et de membres de l’opposition, ainsi que de journalistes », a déclaré Muthoni Wanyeki, directrice régionale d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Est, la Corne de l’Afrique et les Grands lacs.

Des dizaines de personnes arrêtées n’ont pas été autorisés à s’entretenir avec un avocat ni avec leur famille. Elles seraient détenues au secret en vertu de la Loi relative à la lutte contre le terrorisme, et continuent à risquer d’être victimes d’actes de torture ou d’autres formes de mauvais traitements.

Des journalistes et des dirigeants de l’opposition, notamment Bekele Gerba (président adjoint du Congrès fédéraliste oromo), Getachew Shiferaw (rédacteur en chef du journal en ligne Negere Ethiopia) et Fikadu Mirkana (qui travaille pour la station de radio et la chaîne télévisée Oromia), ont également été arrêtés alors qu’ils rendaient compte des manifestations ou y participaient.

« La réaction violente aux manifestations oromos représente peut-être la répression la plus sévère du droit de réunion pacifique depuis l’annonce des résultats contestés des élections de 2005, après laquelle près de 200 personnes ont été tuées dans la capitale », a déclaré Hassan Shire, directeur exécutif de DefendDefenders. « Il est à craindre que le silence inquiétant de la communauté internationale à ce propos n’encourage les autorités à faire passer leur campagne de répression à la vitesse supérieure. »

Amnesty International, Human Rights Watch et d’autres organisations ont par ailleurs recensé par le passé des pratiques similaires de recours excessif à la force, d’arrestations de masse, de torture et d’autres formes de mauvais traitements contre des manifestants, des membres de l’opposition politique et des militants. Le 28 octobre 2014, Amnesty International a publié un rapport intitulé “Because I am Oromo” : Sweeping Repression in the Oromia Region of Ethiopia.

Toutes les personnes détenues uniquement pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression et de réunion doivent être libérées immédiatement et sans condition. Les autorités éthiopiennes doivent veiller à ce que les personnes dont les droits humains ont été bafoués par des responsables de l’application des lois puissent bénéficier d’un recours utile et obtenir de véritables réparations, avec indemnisation, réadaptation et réhabilitation, ainsi que des garanties de non-répétition.

CIVICUS, le projet des défenseurs des droits humains d’Afrique de l’Est et de la Corne de l’Afrique et Amnesty International demandent aux partenaires de l’Éthiopie sur la scène internationale et en matière de développement d’encourager le gouvernement à :

  • mettre immédiatement fin aux arrestations de masse, aux passages à tabac et aux homicides de manifestants, de journalistes et de dirigeants et de membres de l’opposition ;
  • garantir que les manifestants, journalistes et membres et dirigeants de l’opposition se trouvant en détention puissent s’entretenir avec leur famille et des avocats, et qu’un tribunal examine la légalité de leur détention ;
  • ouvrir une enquête indépendante sur le recours à une force excessive durant les manifestations. À l’issue de ces investigations, si l’on conclut qu’il y a eu recours excessif à la force, les responsables présumés doivent faire l’objet de poursuites pénales et de sanctions disciplinaires selon les circonstances.
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