Somalie. Il faut protéger les journalistes d’urgence


Déclaration publique

AFR 52/015/2007

Les journalistes de Mogadiscio et d’autres régions dans le sud de la Somalie courent cette année un risque plus élevé que jamais de subir des violences en raison de leur travail. Pour l’instant, sept travailleurs des médias ont été tués dans l’impunité ; quatre autres ont été blessés par balle ; plusieurs ont été placés en détention pendant de courtes périodes ; plus d’une trentaine ont essayé de fuir le pays pour chercher refuge au Kenya.

Plusieurs bureaux de médias – en particulier le réseau de HornAfrik, composé de huit stations de radio, une chaîne de télévision et un site Web, qui a perdu cinq membres de son personnel ces dernières années – ont été fermés pendant certaines périodes par diverses autorités, ou ont subi des agressions violentes.

L’intensification de ces violences et représailles témoigne de violations inquiétantes et répétées du droit à la liberté d’expression et des médias, telle qu’elle est reconnue par les normes internationales et régionales relatives aux droits humains et par la Charte fédérale de transition de Somalie.

Amnesty International demande au gouvernement fédéral de transition de mener des enquêtes promptes, efficaces et impartiales sur ces homicides et menaces de violence visant des journalistes, et de traduire en justice les responsables de ces actes criminels ou délictueux.

Toutes les parties du conflit doivent s’engager, par des déclarations publiques, à protéger la liberté des médias et le droit légitime des journalistes, qui forment à présent un groupe à haut risque dans le conflit actuel, au côté d’autres défenseurs des droits humains. Les chefs de clan doivent soutenir ces enquêtes et déclarations sans favoritisme envers les responsables, car il s’agit d’une étape vers l’établissement de l’état de droit et de justice pour tous les citoyens.

En outre, Amnesty International demande que :

*Les autorités prennent des mesures de protection spéciales pour cesser la violence, les menaces et le harcèlement visant les travailleurs des médias en raison de leur travail journalistique.
*Le gouvernement du Kenya rouvre ses frontières, après huit mois de fermeture, aux demandeurs d’asile de Somalie, pour permettre aux journalistes et autres civils en danger de chercher refuge.
*La communauté internationale (agences des Nations unies, organisations internationales et organisations non gouvernementales) organise d’urgence une « initiative pour la liberté de la presse » pour prévenir de nouvelles violences, notamment en surveillant de près la situation, et en organisant des visites de soutien et de promotion.
Amnesty International lance cet appel après que des inconnus ont lancé de nouvelles menaces de mort contre des responsables du Syndicat national des journalistes somaliens (NUSOJ). Ce 6 septembre encore, le site Web de Radio Shabelle a annoncé que son reporter Abdirizak Warsame avait été arrêté, frappé et dépouillé à un poste de contrôle de police après s’être identifié comme journaliste.

Trois des journalistes tués le mois dernier ont été identifiés comme suit :

*Abdulkadir Mahad Moallin (surnommé « Kaskey »), de Radio Banadir, tué ce 24 août.
*Mahad Ahmed Elmi de la radio Capital Voice, abattu ce 11 août.
*Ali Iman Sharmarke, directeur du réseau médias HornAfrik, tué par un attentat à la voiture piégée ce 11 août.

Les responsables d’attaques visant les journalistes en 2007 n’ont pas été identifiés, et la police du gouvernement fédéral de transition n’a procédé à aucune arrestation. Même pendant les conflits de 2006-2007, les journalistes de médias privés énergiques ont travaillé ouvertement, tenu des ateliers de formation ou reçu une formation internationale pour améliorer leurs normes de travail. Ces médias ont cherché activement à protéger leur impartialité et leur sécurité, et demandé le soutien des autorités pour leur profession.

La plupart des attaques visant les journalistes étaient délibérées, mais Abdulkadir Mahad Moallin « Kaskey », âgé de vingt ans, a été tué en raison du chaos qui frappe aveuglément des milliers de civils, lorsque des bandits ont attaqué un autobus dans lequel il avait quitté Mogadiscio, après un atelier de formation, pour revenir dans sa région natale de Gedo.

Contexte

Le gouvernement fédéral de transition essaye d’établir son autorité à Mogadiscio et dans d’autres régions, depuis que les forces éthiopiennes, qui le soutiennent, ont vaincu le Conseil des tribunaux islamiques somaliens en décembre 2006. Pourtant, un conflit armé se déroule encore en certains endroits de Mogadiscio, où les forces de sécurité gouvernementales et l’armée éthiopienne subissent des attaques des restes des forces des tribunaux islamiques, liées à des groupes dépendant de sous-clans. Un congrès national de réconciliation, à Mogadiscio, vient de prendre fin après six semaines de réunions. Ce congrès de 2 000 délégués, boycotté par des groupes d’opposition en exil qui se réunissent à présent en Érythrée et s’opposent à la présence militaire de l’Éthiopie en Somalie, n’est pas parvenu à un consensus politique en faveur de la paix ou à un renforcement du processus de transition, qui est à mi-chemin de sa période de cinq ans. Selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU, 18 000 civils ont fui les violences de Mogadiscio en août.

Les civils courent davantage de risques – et non moins – dans cette nouvelle phase du conflit, qui vise apparemment les personnes, notamment les journalistes, ainsi que les défenseurs des droits humains et les militants de la société civile. Plus tôt dans l’année, au plus fort des combats, des centaines de civils, voire davantage, avaient été tués en mars/avril par des tirs aveugles et arbitraires des forces éthiopiennes, ripostant aux attaques de l’opposition émanant de zones civiles. Leurs adversaires n’ont pas pris davantage de mesures pour protéger les civils, et ont également assassiné des responsables civils et exécuté plusieurs combattants capturés. Les forces du gouvernement de transition ont commis des violences contre les civils, notamment sous la forme de détentions arbitraires, et ont fait obstacle à l’aide humanitaire. Des violations du droit international humanitaire (« crimes de guerre ») ont été commises de tous côtés.

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