Somalie. La jeune fille lapidée n’avait que treize ans

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

ÉFAI

Amnesty International est en mesure d’affirmer que, contrairement à certaines informations publiées précédemment, la jeune fille lapidée cette semaine en Somalie était âgée de treize ans, et non de vingt-trois.

Aisha Ibrahim Duhulow a été mise à mort lundi 27 octobre 2008 par un groupe de 50 hommes qui l’ont lapidée dans un stade de la ville portuaire de Kismaayo, dans le sud du pays, devant un millier de spectateurs.

D’après ce qu’ont confié à Amnesty International certains des journalistes somaliens qui avaient affirmé qu’elle avait vingt-trois ans, cet âge était une estimation fondée sur son apparence physique.

Aisha Ibrahim Duhulow était accusée d’adultère en violation de la charia (loi islamique). Toutefois, son père et d’autres sources ont déclaré à Amnesty International qu’elle avait en fait été violée par trois hommes et avait tenté de dénoncer ce viol à la milice al Shabab qui contrôle Kismaayo, raison pour laquelle elle aurait été accusée d’adultère et placée en détention. Aucun des hommes qu’elle a accusés de viol n’a été inquiété.

Il ne s’agissait pas de justice, pas plus que d’une exécution. Cette enfant est morte dans des conditions atroces, à la demande de groupes armés d’opposition qui contrôlent actuellement Kismaayo, s’est indigné David Copeman, responsable des actions sur la Somalie à Amnesty International.

Nouvelle atteinte aux droits humains imputable aux belligérants en Somalie, cet homicide démontre une nouvelle fois qu’il importe de prendre des mesures à l’échelon international afin de recenser ces violences et de mettre sur pied une commission internationale chargée d’enquêter.

Voici ce qu’a appris Amnesty International :

• L’un des journalistes qui a relaté la lapidation a déclaré qu’Aisha Ibrahim Duhulow était âgée de vingt-trois ans, uniquement en se basant sur son apparence physique. D’autres sources, dont son père, ont confirmé son âge réel à Amnesty International.

• Selon son père, elle s’est rendue du camp de réfugiés d’Hagardeer, dans le nord-est du Kenya, à Kismaayo il y a trois mois seulement.

• Elle a été placée en détention par une milice dépendant des autorités de Kismaayo, constituées d’une coalition de milices claniques et al Shabab. Selon certaines informations, durant cette période, elle était profondément bouleversée, certains affirmant qu’elle était devenue mentalement instable.

• Un camion de pierres a été amené au stade afin de servir à la lapidation.

• D’après les nombreux récits de témoins oculaires parvenus à Amnesty International, au cours de la lapidation, des infirmières ont reçu l’ordre de vérifier si Aisha Ibrahim Duhulow était toujours en vie lors même qu’elle était à moitié enterrée dans le sol. Elles l’ont sortie du trou où elle avait été enterrée et ont déclaré qu’elle était encore en vie. Elle y a ensuite été remise pour que la lapidation puisse se poursuivre.

• Radio Shabelle a diffusé les propos d’un homme se faisant appeler Sheik Hayakalah : C’est elle qui est venue témoigner et elle a officiellement admis sa culpabilité, tout en ajoutant qu’elle était contente du châtiment prévu par la loi islamique. Venant contredire cette version, plusieurs témoins oculaires ont déclaré à Amnesty International qu’elle se débattait pour échapper à ses gardiens et avait dû être conduite de force dans le stade.

• À l’intérieur du stade, certaines personnes venues assister à la lapidation ont tenté de sauver la vie d’Aisha Ibrahim Duhulow ; des membres de la milice ont alors ouvert le feu et abattu un garçon qui se trouvait là. Un porte-parole de la milice al Shabab aurait plus tard présenté des excuses pour la mort de l’enfant et ajouté que le milicien responsable serait sanctionné.

Complément d’information

Amnesty International fait campagne afin d’abolir la lapidation, la qualifiant d’horrible et d’atroce. L’homicide d’Aisha Ibrahim Duhulow illustre la cruauté de ce châtiment, par nature discriminatoire envers les femmes.

Il importe d’appréhender les informations sur cet événement à la lumière du climat de peur que les groupes armés rebelles comme al Shabab ont instauré dans les zones qu’ils contrôlent en Somalie. Comme l’a déjà constaté Amnesty International auparavant, les représentants du gouvernement, les journalistes et les défenseurs des droits humains risquent d’être menacés de mort, voire assassinés, si al Shabab pense qu’ils ont émis des critiques à son encontre. Au travers de ces homicides, cette milice mène une campagne d’intimidation contre la population somalienne.

Depuis la mort d’Aisha Ibrahim Duhulow, plusieurs personnes ont expliqué à Amnesty International qu’elles avaient fui Kismaayo parce qu’elles craignaient de subir le même sort.

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