Somalie. La protection des civils doit être la principale priorité du Conseil de sécurité des Nations unies

Synthèse destinée aux médias

Deux jours seulement après la réaffirmation, par le Conseil de sécurité des Nations unies de « son attachement à l’application pleine et effective de ses résolutions sur la protection des civils en période de conflit armé », le Conseil de sécurité a adopté le 16 janvier une nouvelle résolution sur la Somalie, accordant un soutien accru à la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) et affirmant son intention d’établir une opération de maintien de la paix des Nations unies dans le pays, mais omettant d’inclure dans le mandat de cette opération la protection des civils et des actions de surveillance sur le terrain du respect des droits humains.

Quelle est la situation des droits humains actuellement en Somalie ?

Un conflit fait rage en Somalie depuis 1991, mais ces deux dernières années nous avons assisté à une intensification des combats et des attaques de civils. La population civile est plus durement touchée par les combats depuis qu’un gouvernement fédéral de transition somalien, avec l’appui de la communauté internationale et le soutien de troupes éthiopiennes, se bat contre des groupes armés issus de l’Union des Tribunaux islamiques qui contrôlaient la capitale Mogadiscio et d’autres régions du pays en 2006.

Toutes les parties ont perpétré des attaques illégales contre des civils, notamment des attaques directes, disproportionnées et menées sans discrimination. Des milliers de personnes ont été tuées et des centaines d’autres déplacées – provoquant une situation d’urgence humanitaire. Les homicides ciblés de travailleurs humanitaires ont contribué à réduire le flux d’aide humanitaire destiné à quelque 3,25 millions de Somaliens dépourvus de tout.

Des personnes déplacées en raison du conflit ont été attaquées et violées sur la route lors de leur fuite. Des militants de la société civile et des journalistes ont été tués – beaucoup lors d’attentats ciblés – ce qui a de fait réduit le la somme des informations indépendantes qui nous parvenaient sur les souffrances de la population. Malgré le retrait actuel des troupes éthiopiennes du sud de la Somalie, réclamé par les groupes armés opposés au gouvernement fédéral de transition, des informations continuent de nous parvenir régulièrement faisant état d’homicides et de déplacements de populations civiles.

Que pense Amnesty International de la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies adoptée ce vendredi 16 janvier ?

Amnesty International s’inquiète du fait que la résolution ne mentionne à aucun moment la protection des civils et la surveillance sur le terrain de la protection des droits humains comme faisant partie du mandat qui serait celui d’une force de maintien de la paix des Nations unies en Somalie. Amnesty International espère cependant que ces questions seront abordées par le secrétaire général des Nations unies dans le rapport au Conseil de sécurité sur le maintien de la paix en Somalie qu’il doit présenter avant le 15 avril 2009. Le Conseil de sécurité doit inclure la protection des civils et la surveillance sur le terrain du respect des droits humains dans le mandat de la nouvelle mission des Nations unies en Somalie si la création de celle-ci est finalement décidée.

La disposition contenue dans la résolution autorisant l’AMISOM et une force des Nations unies telle qu’elle a été proposée d’aider au rétablissement et à la formation de forces de sécurité somaliennes est particulièrement inquiétante du fait que les forces du gouvernement fédéral de transition, notamment le personnel de l’Agence nationale de sécurité et les groupes armés soutenant le gouvernement fédéral de transition ont été impliqués dans des violations du droit international humanitaire et relatif aux droits humains.

Compte tenu des inquiétudes exprimées par l’organisation à propos de cette résolution, qu’attend Amnesty International du Conseil de sécurité des Nations unies ?

Amnesty International souhaiterait que le Conseil de sécurité des Nations unies :

  s’assure que l’aide apportée aux parties en conflit en Somalie dans le domaine de la sécurité ne contribue pas à de nouvelles violations des droits humains et du droit humanitaire ;
  veille à ce que toute personne pouvant raisonnablement être soupçonnée d’avoir commis des atteintes aux droits humains ou ayant autorité sur des personnes responsables d’atteintes aux droits humains ne reçoive pas d’aide internationale et soit suspendue de ses fonctions pendant toute la durée d’une enquête crédible.

Amnesty International pense-t-elle que le Conseil de sécurité des Nations unies fait suffisamment d’efforts pour protéger la population civile en Somalie ?

Non.

Le Conseil de sécurité des Nations unies a beaucoup parlé de la protection des civils au cours de ces dernières années.

Par exemple, la résolution 1674 (2006) du Conseil de sécurité des Nations unies sur la protection des civils exprimait l’intention du Conseil de faire en sorte que « la priorité soit accordée à la protection des civils dans les décisions concernant l’utilisation des capacités et des ressources disponibles » pour l’exécution des mandats des opérations de maintien de la paix.

Plus récemment, par la déclaration de son président en date du 14 janvier 2009 (S/PRST/2009/1), le Conseil de Sécurité des Nations unies a adopté l’aide-mémoire actualisé sur la protection des civils dans les conflits armés, soulignant que « assurer la protection des civils en période de conflit armé est au cœur du travail du Conseil de sécurité des Nations unies pour le maintien de la paix et de la sécurité. »

Toutefois, la protection des civils n’a pas été au cœur des débats au Conseil de sécurité sur le conflit en Somalie, en dépit des informations quotidiennes qui nous parviennent faisant état d’homicides, de harcèlement et de déplacement de populations civiles.

Que peuvent faire d’autre les Nations unies pour améliorer la situation des droits humains pour les civils en Somalie ?

Le Conseil de sécurité peut et doit prendre d’autres mesures pour améliorer la protection des civils en Somalie, notamment :

  augmenter la capacité internationale à mener des actions effectives de surveillance et dénoncer les atteintes aux droits humains sur le terrain en faisant en sorte que l’AMISOM ou toute mission de maintien de la paix qui lui succèdera dispose d’une composante forte en termes de droits humains et puisse veiller au respect des droits humains, enquêter et rendre publiques ses conclusions concernant les violations des droits humains et du droit international humanitaire ;
  créer une commission d’enquête internationale ou un mécanisme similaire pour enquêter sur les violations du droit international humanitaire et relatif aux droits humains perpétrées en Somalie en 2007 et 2008 et recenser les violations commises depuis 1991 pouvant être considérées comme des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité ;
  renforcer l’embargo des Nations unies sur les armes à destination de la Somalie et prendre des mesures plus fermes pour faire respecter cet embargo par tous les pays, y compris les pays de la région ;
  appeler toutes les partie s au conflit à respecter le droit international humanitaire et relatif aux droits humains ;
  appeler tous les États à enquêter et, lorsque des preuves recevables suffisantes existent, à juger, lors de procès équitables excluant le recours à la peine de mort, les personnes soupçonnées de crimes de droit international dans le conflit en Somalie se trouvant sur leur territoire.


N’y a-t-il pas un embargo des Nations unies sur les armes à destination de la Somalie ? Ne fonctionne-t-il pas ?

Bien qu’un embargo des Nations unies sur les armes à destination de la Somalie existe depuis 1992, le groupe de contrôle des Nations unies chargé de veiller au respect de l’embargo a récemment déclaré que l’embargo sur les armes à destination de la Somalie était constamment violé.

Le groupe de contrôle a également déclaré que les procédures d’exemption à l’embargo sur les armes n’étaient le plus souvent pas respectées, notamment celles s’étendant au soutien aux institutions du secteur de la sécurité en Somalie. Selon les procédures mises en place par le Conseil de sécurité des Nations unies, les pays souhaitant envoyer du matériel destiné à un usage humanitaire ou de protection ou visant à renforcer la capacité des institutions du secteur de la sécurité en Somalie doivent d’abord demander une autorisation du Comité de sanctions des Nations unies. Le groupe de contrôle des Nations unies a également déclaré qu’une grande partie de l’aide fournie au gouvernement fédéral de transition à des fins civiles dans le domaine de la sécurité était détournée pour un usage militaire. Le groupe de contrôle avait précédemment déclaré que la police somalienne, qui comprend beaucoup d’anciens miliciens et opère conjointement avec l’armée nationale, « avait acheté des armes au Yémen, en violation de l’embargo sur les armes, sans demander de dérogation au Comité de sanctions des Nations unies ... et.. que des officiers de police achetaient et vendaient également des armes sur les marchés aux armes de Mogadiscio. »


Quelles améliorations devraient-elles être apportées à l’embargo actuel sur les armes, selon Amnesty International ?

La communauté internationale a mobilisé des ressources sans précédent pour combattre la piraterie au large des côtes de la Somalie et protéger ses intérêts commerciaux. Toutefois aucun effort de cette ampleur n’a été déployé pour faire cesser la fourniture d’armes à la Somalie, bien qu’un embargo des Nations unies sur les armes ait été mis en place. Le Conseil de sécurité des Nations unies doit augmenter la capacité et les ressources du groupe de contrôle des Nations unies, chargé de surveiller l’embargo sur les armes à destination de la Somalie, notamment en :

  faisant appliquer l’obligation à ceux qui souhaitent envoyer du matériel de sécurité ou participer au développement du domaine de la sécurité en Somalie de demander une dérogation ;
  déployant des observateurs de l’ONU chargés de veiller au respect de l’embargo dans les ports et les aéroports par lesquels les armes transitent ;
  envisageant une interdiction de circulation des avions, bateaux et véhicules terrestres appartenant à des personnes, des entreprises ou des États soupçonnés d’avoir enfreint l’embargo ;
  soutenant la négociation d’un traité mondial sur le commerce des armes comportant des dispositions visant à assurer le respect du droit international humanitaire et relatif aux droits humains et empêcher les flux d’armes illicites en Somalie en renforçant les contrôles nationaux sur les armes ;
  appelant les États membres des Nations unies à engager des poursuites pénales contre les personnes soupçonnées d’avoir enfreint l’embargo sur les armes, lorsqu’existent des preuves recevables suffisantes pour engager des poursuites, une fois votées les lois nécessaires pour rendre effectives les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies sur l’embargo sur les armes. Les procès et poursuites judiciaires engagées au niveau national devront être pleinement conformes aux normes internationales relative s à l’équité des procès et exclure le recours à la peine de mort.

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