En mai 2022, le gouvernement a affirmé que ses priorités seraient la sécurité, la justice, la réconciliation et le développement social. Il doit cependant s’engager et agir davantage afin d’améliorer et de privilégier la situation des droits humains, de garantir l’obligation de rendre des comptes pour les violations et abus, et de protéger les civil·e·s.
« L’élection du président Hassan Sheikh Mohamud en mai 2022 était une occasion pour le nouveau gouvernement de s’attaquer à un grand nombre des problèmes du pays sur le terrain des droits humains, et d’obtenir le soutien de la communauté internationale afin de garantir des changements et des progrès durables en matière de promotion et de protection de ces droits dans le pays », a déclaré Muleya Mwananyanda, directrice régionale d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe.
« Aucune mesure concrète n’a cependant été prise afin de prévenir les violations des droits humains, d’obliger leurs auteurs présumés à rendre des comptes, ou de veiller à ce que les victimes bénéficient d’un accès à la justice et à des recours utiles, notamment une indemnisation adéquate. Le gouvernement doit accorder une priorité élevée à la protection des civil·e·s, en garantissant que l’ensemble des forces somaliennes de sécurité reçoivent une formation adaptée aux droits humains et au droit humanitaire. Le gouvernement doit aussi donner aux forces de sécurité l’instruction de ne pas prendre de civil·e·s et de biens de caractère civil pour cibles durant les opérations militaires. »
Le programme en 10 points proposé par Amnesty International explique la marche à suivre pour le gouvernement somalien :
* Protéger les civil·e·s dans les situations de conflit
En garantissant que les membres de l’armée et de la police, ainsi que d’autres fonctionnaires accusés de violations des droits humains soient traduits en justice dans le cadre de procédures équitables.
* Réformer le système de justice
En créant un système de justice civile qui soit crédible, équitable, impartial et indépendant. Les autorités doivent aussi mettre un terme à la pratique consistant à déférer des civil·e·s, notamment des journalistes, devant des tribunaux militaires.
* Rendre justice et accorder des réparations pour les abus commis par des forces étrangères
Le gouvernement doit demander des réparations, notamment une indemnisation, auprès du gouvernement des États-Unis et de la Mission de l’Union africaine en Somalie (désormais Mission de transition de l’Union Africaine en Somalie) pour les victimes et familles de victimes d’attaques illégales.
* Respecter et faire respecter la liberté d’expression
En évaluant les dispositions problématiques de la loi sur les médias, du Code pénal et de tous les autres textes de loi et directives restreignant de manière indue le droit à la liberté d’expression, et en mettant ces textes en conformité avec la Constitution somalienne et les obligations du pays en vertu du droit international relatif aux droits humains. Les autorités doivent également cesser de harceler et persécuter Abdalle Ahmed Mumin, journaliste chevronné et défenseur des médias, en abandonnant toutes les charges retenues contre lui par le tribunal de Banadir, et en levant les restrictions pesant sur ses déplacements.
* Garantir et financer de manière adéquate l’accès au droit à la santé pour tous et toutes
En faisant en sorte que les sommes provenant du processus d’allègement de la dette soient utilisées pour progressivement augmenter le budget de la santé, en le faisant passer des 2 % actuels à l’objectif fixé par la Déclaration d’Abuja, soit 15 %.
* Protéger les personnes déplacées et mettre fin aux expulsions forcées
En garantissant que les forces de sécurité et les acteurs privés ne procèdent pas à des expulsions forcées, notamment contre des personnes déplacées à l’intérieur du pays.
* Protéger les droits des enfants
En accélérant l’adoption du projet de loi visant à protéger les mineurs contre un recrutement par des groupes armés et en finalisant le projet de loi sur les mutilations génitales féminines.
* Défendre les droits fondamentaux des femmes et des filles, et les protéger contre les violences sexuelles
En mettant l’accent sur la promulgation de lois interdisant toutes les formes de violence contre les femmes et les filles.
* Réduire l’impact du changement climatique et d’autres crises
* Établir une Commission nationale des droits humains et la rendre opérationnelle
La lutte contre l’impunité est une priorité
Le conflit en cours entre les autorités somaliennes et le groupe armé Al Shabaab, qui implique aussi des forces alliées régionales et internationales, notamment le Commandement des États-Unis pour l’Afrique et la Mission de l’Union africaine en Somalie (désormais Mission de transition de l’Union Africaine en Somalie), continue à avoir un impact dévastateur sur les civil·e·s.
Au fil des années, Amnesty International a recueilli des informations sur des attaques menées sans discernement, des homicides illégaux de civil·e·s, des actes de torture, des viols et d’autres violations commises par toutes les parties au conflit, y compris les forces somaliennes armées et les milices armées dans le cadre d’opérations militaires. Si les gouvernements successifs se sont engagés à mener des réformes sur le plan de la sécurité, aucune amélioration digne de ce nom n’a été constatée, et l’impunité pour les violations reste généralisée. Le nouveau gouvernement doit mettre l’accent sur l’obligation de rendre des comptes et lutter contre l’impunité pour les violations des droits humains.
Pour consulter le programme en 10 points ( disponible en anglais)