SOMALIE : Un mineur exécute publiquement le meurtrier de son père sur décision d’un tribunal utilisant une procédure sommaire

Index AI : AFR 52/001/2006

DÉCLARATION PUBLIQUE

Amnesty International a condamné ce mardi 9 mai 2006 l’exécution publique d’Omar Hussein, à Mogadiscio, le 2 mai. Cet homme a été attaché à un poteau, on lui a masqué le visage et il a été poignardé à mort par le fils, âgé de seize ans, du professeur d’une école coranique qu’Omar Hussein avait reconnu avoir poignardé à mort en février. Omar Hussein avait été condamné à mort quelques heures auparavant par un tribunal islamique appliquant la charia.

Les tribunaux somaliens appliquant la charia ne prennent pas en compte le droit des accusés d’être assistés ou représentés par un avocat, ni le droit de ces derniers d’interjeter appel de leur condamnation.

Plusieurs normes et lois internationales relatives à la peine capitale ont été violées dans cette affaire. La condamnation à mort d’Omar Hussein par un tel tribunal et son exécution de cette manière particulièrement horrible ont bafoué le droit de cet homme à comparaître devant une instance judiciaire compétente et indépendante ; son droit à une révision judiciaire de sa condamnation ; son droit à la vie ainsi que son droit à ne pas être soumis à une peine cruelle, inhumaine ou dégradante.

Amnesty International, qui milite pour l’abolition de la peine capitale partout dans le monde, a demandé qu’il soit mis un terme à la peine de mort dans le processus de reconstruction de l’État de la Somalie. Des défenseurs somaliens des droits humains font également campagne contre la peine de mort.

Cette sentence capitale a été prononcée à titre de qisas (châtiment consistant à infliger au coupable le traitement qu’il a fait subir à sa victime) après que la famille de la victime eut refusé semble-t-il le paiement de la diya (prix du sang). Une telle exécution suivant la loi du talion est sans précédent en Somalie et dans le droit coutumier somalien. Elle est également contraire à l’ancien Code pénal de la Somalie encore à la base, semble-t-il, des procédures judiciaires appliquées par les tribunaux d’État. Il s’agirait de la première sentence capitale suivie d’une exécution décrétée par ce tribunal, situé dans le quartier de Bermuda, à Mogadiscio.

Amnesty International est particulièrement préoccupée par le fait que le tribunal a fait intervenir un enfant âgé de moins de dix-huit ans, âge de la majorité internationalement reconnu, pour exécuter la sentence. L’adolescent, désigné par sa famille, a poignardé plusieurs fois le condamné à la tête et au cou. Il se serait déclaré très heureux d’avoir exécuté la sentence de cette manière.

Une foule nombreuse s’était rassemblée pour assister à l’exécution et plusieurs personnes se sont évanouies à la vue du sang jaillissant de la tête d’Omar Hussein. Son corps a été laissé sur place avant que la famille vienne le récupérer.

Amnesty International prie instamment le président Yusuf Ahmed, président du gouvernement fédéral de transition, d’empêcher toute nouvelle exécution et de prendre des mesures afin que la mise en place d’un système judiciaire équitable est une place centrale dans la reconstruction de la Somalie.

L’organisation de défense des droits humains demande également aux tribunaux islamiques, qui sont plusieurs à Mogadiscio, de rendre leurs procédures judiciaires conformes aux normes et traités internationaux et africains relatifs aux droits humains. Amnesty International les exhorte à autoriser les accusés à avoir recours aux services d’un avocat et à interjeter appel de leur condamnation auprès d’une instance supérieure. Elle leur demande également de respecter le droit des condamnés à mort à déposer un recours en grâce.

Complément d’information

La Somalie est un État désintégré depuis 1991. Le gouvernement fédéral de transition constitué à la fin de l’année 2004, après deux années de négociations de paix et de réconciliation au Kenya, ne contrôle encore aucune des régions de la Somalie. Il n’y a ni respect de la légalité ni justice à l’échelle du pays. Des tribunaux islamiques fonctionnent dans certains quartiers de Mogadiscio. Si plusieurs sentences capitales ont été prononcées et exécutées par des tribunaux islamiques et leurs milices au cours des dernières années, la plupart des condamnations à mort ont été remplacées par des compensations négociées entre les proches de la victime et l’auteur du crime, en application du droit coutumier somalien.

Au cours des deux derniers mois, et même au cours des derniers jours, ont eu lieu à Mogadiscio les pires combats entre factions de ces dernières années, qui ont fait des dizaines de morts parmi les civils et les milices.

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