SOMMET DU G8 : Rien n’est fait pour mettre un terme au commerce de la terreur sommet G8

Index AI : IOR 30/003/02

« En ne contrôlant pas leurs transferts d’armes, sept des huit pays du G8 – les États-Unis, la Russie, la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie et le Canada – contribuent à de graves atteintes aux droits humains commises dans les pays en développement et à la destruction de millions de vies, en particulier en Afrique », a déclaré ce jour (lundi 24 juin 2002) Amnesty International.

Dans un nouveau numéro de sa publication intitulée Le commerce de la terreur, l’organisation montre comment des ressortissants, des entreprises et les gouvernements de ces grandes puissances ont récemment prêté assistance à des forces armées qui se rendent coupables de graves atteintes aux droits humains, notamment de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.
La « guerre contre le terrorisme » menée actuellement sous la direction des États-Unis s’accompagne de transferts massifs d’aide militaire à des gouvernements qui font peu de cas de la protection des droits humains.

Les États-Unis ont maintenu au même niveau, voire augmenté, l’aide militaire accordée à des pays comme Israël (2,04 milliards de dollars, soit 2,22 milliards d’euros), l’Égypte (1,3 milliard de dollars, soit 1,4 milliard d’euros), la Jordanie, la Tunisie et la Colombie. Par ailleurs, les ventes de matériel militaire à des pays comme l’Arabie saoudite et la Turquie sont restées stables. Le Congrès américain envisage en outre d’approuver des dépenses exceptionnelles supplémentaires d’un montant approximatif de 1,3 milliard de dollars, ce qui permettrait de financer l’achat d’armes américaines ainsi que des programmes de formation au combat, l’envoi de conseillers et l’installation de bases militaires en Afghanistan, au Pakistan, en Inde, au Tadjikistan, en Ouzbékistan, au Kirghizistan, en Azerbaïdjan, en Arménie, en Géorgie, en Turquie, en Somalie, au Yémen, au Kenya, en Indonésie et aux Philippines – autant de pays où sont commises des violations graves et systématiques des droits humains.

Les pays du G8 – c’est-à-dire les principales puissances économiques du monde – se sont engagés à inscrire l’Afrique à l’ordre du jour de leur sommet de juin 2002, organisé au Canada. Mais que faut-il entendre par là ?

Selon certaines sources, la Russie a sensiblement accru ses exportations de fusils Kalachnikov à destination de l’Afrique depuis 1999, alors que ce continent est ravagé par de nombreux conflits armés dans le cadre desquels ce type d’arme est utilisé pour commettre des atteintes flagrantes aux droits humains. La Russie a récemment livré des armes dans des zones de conflit situées dans la Corne de l’Afrique ainsi que dans le centre et le sud du continent, notamment au Zimbabwe.
Le gouvernement du Royaume-Uni a autorisé des compagnies de fret aérien et des pilotes britanniques à livrer des armes aux forces régulières de la République démocratique du Congo (RDC), qui se sont pourtant rendues coupables d’exécutions extrajudiciaires, d’actes de torture et de viols, dans le cadre d’un conflit qui a fait jusqu’à 2,5 millions de victimes. Aux termes de la législation britannique, ces transferts d’armes sont parfaitement légaux tant que l’enlèvement des marchandises et leur acheminement se font en dehors du territoire britannique vers une destination qui n’est pas frappée d’embargo par les Nations unies.

Les trafiquants utilisent leurs réseaux dans d’autres pays de l’Union européenne (UE) ou hors de sa juridiction pour contourner l’embargo non contraignant sur les ventes d’armes à la RDC décidé en 1993 par l’UE. En outre, la législation du Royaume-Uni n’interdit pas d’utiliser des entreprises de transport britanniques pour le commerce d’armes à l’étranger. Le gouvernement du Royaume-Uni n’a pas honoré l’engagement qu’il avait pris dans son programme électoral de « contrôler les activités des courtiers et trafiquants d’armes où qu’ils se trouvent ».

En 1999 et en 2000, le gouvernement allemand a autorisé des exportations d’armes légères vers l’Afrique, en particulier à destination de l’Afrique du Sud, de l’Égypte, du Kenya, de la Namibie, du Nigéria, du Sénégal, de la Tanzanie, de la Zambie et du Zimbabwe. Il s’agissait notamment de revolvers, de pistolets et de fusils de chasse ainsi que de munitions. Le rapport publié annuellement par l’Allemagne ne donne cependant aucune information sur les livraisons effectuées, et n’indique pas non plus si les armes ont été fournies à la police ou aux forces armées des pays concernés. Qui plus est, des armes légères allemandes ont été exportées de manière indirecte, par le biais d’accords de licence autorisant la fabrication d’armes allemandes dans des pays tiers, et vendues à des pays pour lesquels l’Allemagne et ses partenaires européens n’accorderaient probablement pas les autorisations requises s’il s’agissait d’exportations directes.

Les gouvernements français qui se sont succédé ont procédé à des transferts d’équipements et de compétences dans les domaines militaire et de sécurité vers la plupart des pays francophones d’Afrique, souvent sans tenir compte de leur bilan en matière de droits humains. En 1999, le Burkina Faso et le Cameroun figuraient au nombre des destinataires d’armes telles que des mitrailleuses de petit calibre, des fusils automatiques et des roquettes tirées à l’épaule.

Or, les Nations unies ont indiqué que le Burkina Faso était un lieu de transit pour les armes destinées au Libéria et aux groupes armés d’opposition de Sierra Leone, et d’après les informations recueillies, les forces de sécurité camerounaises ont sommairement exécuté des centaines de personnes en 2000. Malgré le récent scandale de l’« Angolagate », caractérisé par l’implication d’intermédiaires français dans des transferts d’armes à destination de l’Angola, une nouvelle loi française destinée à contrôler les courtiers français en armement ne s’applique pas aux transactions entre pays tiers conclues en dehors du territoire français.

Au cours des dix premiers mois de l’année 2001, des armes légères italiennes représentant un montant de plus de 16 millions d’euros ont été livrées en Afrique, notamment au Nigéria (6 millions d’euros) et au Kenya (2,5 millions d’euros), deux pays dont les forces de sécurité commettent régulièrement des violations des droits humains à l’aide d’armes à feu.

L’entreprise canadienne Talisman Energy insiste sur les investissements qu’elle a réalisés dans des programmes d’action sociale au Soudan, qui ont notamment permis l’édification d’un hôpital et un certain nombre de travaux routiers. Mais Talisman Energy a aussi contribué à la construction d’une piste utilisée par des appareils militaires pour procéder à des opérations de bombardement contre des civils et leurs biens, dans des zones présentées par le gouvernement comme des bastions rebelles.

En juillet 2001, les participants à la Conférence des Nations unies sur le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects se sont mis d’accord sur un programme d’action contenant des recommandations à l’intention des gouvernements. Amnesty International avait accueilli favorablement cette initiative, mais force est de constater que les pays qui tentaient d’exclure du programme d’action toute référence à une véritable protection des droits humains, en particulier les États-Unis, la Chine et la Russie, aidés par des membres importants du Mouvement des pays non alignés, sont parvenus à leurs fins. Ce programme ne fait aucunement mention de « violations des droits humains », de « crimes de guerre » ni de l’« utilisation abusive d’armes ». Il ne propose aucune mesure contraignante en vue de garantir le respect des droits humains par les autorités nationales responsables des exportations d’armes.

« Une des obligations juridiques fondamentales qui incombent aux États consiste à déterminer dans quelle mesure leurs transferts d’équipements ou de compétences dans les domaines militaire et de sécurité risquent d’être utilisés par leurs destinataires pour commettre des atteintes aux droits humains. Ils doivent veiller à ne pas contribuer sciemment à de tels agissements en procédant à ce type de transferts », a souligné Amnesty International.

Pour que des transferts d’armes soient légaux, il ne suffit pas qu’ils soient destinés à des agents gouvernementaux ou qu’ils aient été autorisés par les représentants d’un État. Il faut impérativement qu’ils soient effectués dans le respect des normes internationales.

Pour en savoir plus, vous pouvez consulter la version anglaise du nouveau numéro de la publication d’Amnesty International intitulée Le commerce de la terreur [The Terror Trade Times] (index AI : ACT 31/001/02) à l’adresse suivante : http://web.amnesty.org/web/web.nsf/pages/ttt3_index

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