SOUDAN : Amnesty International salue la remise en liberté de prisonniers politiques et appelle à une modification des lois sur la sécurité

Index AI : AFR 54/090/2003
ÉFAI

Mardi 14 octobre 2003

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Amnesty International a salué, ce mardi 14 octobre 2003, la remise en liberté, par le gouvernement soudanais, d’un certain nombre de prisonniers politiques, parmi lesquels Hassan el Tourabi, dirigeant du Congrès national populaire (CNP). Toutefois, l’organisation reste préoccupée par les lois en vigueur autorisant la détention prolongée au secret sans inculpation, fréquemment employée dans le Darfour, à l’ouest du Soudan, au cours de ces derniers mois.

« La remise en liberté de prisonniers politiques est le signe que le gouvernement soudanais accorde un plus grand respect aux droits fondamentaux civils et politiques des personnes, a déclaré Amnesty International.

« Il doit maintenant faire la preuve de son engagement réel en faveur des droits humains en abolissant l’article 31 de la Loi relative aux forces de sécurité nationale. Cet article autorise les forces de sécurité à détenir des personnes au secret pendant une durée pouvant aller jusqu’à neuf mois, sans que ces personnes aient été formellement inculpées et sans qu’il y ait eu contrôle de la légalité de la détention par un tribunal ; il n’est pas conforme aux obligations du Soudan en matière de droit national et international.

« En outre, des mesures concrètes devront être prises, telles qu’établir une liste de toutes les personnes détenues par les forces de sécurité, accorder aux détenus un droit de visite et veiller à ce que toute personne détenue ait droit à un procès équitable, afin d’améliorer le respect des droits humains et les perspectives de paix dans le pays. »

Amnesty International appelle également le gouvernement du Soudan à fournir des explications sur les détentions au secret dans le Darfour. Au cours de ces derniers mois, les dirigeants de plusieurs communautés des ethnies Fur, Zaghawa ou Masalit ont été détenus parce qu’ils étaient soupçonnés d’avoir soutenu l’Armée de libération du Soudan (ALS), un nouveau groupe d’opposition armé dans la région. En dépit d’un accord de cessez-le-feu en septembre entre le gouvernement soudanais et l’ALS, prévoyant la remise en liberté des personnes détenues en lien avec ce conflit, certains seraient toujours détenus, sans avoir été inculpés, dans des centres de détention du Darfour. Parmi eux figurent Abaker Ismail Adam et trois autres personnes de Mukjar ; ils seraient détenus dans la prison de Nyala, dans le sud du Darfour. Hayder Tamboor et sept autres personnes seraient détenus dans les locaux des forces de sécurité de Zalingei, dans l’ouest du Darfour.

La remise en liberté de prisonniers politiques intervient alors que l’on enregistre des progrès concernant les dispositions militaires et de sécurité, dans les pourparlers de paix engagés entre le gouvernement soudanais et l’Armée/Mouvement populaire de libération du Soudan (MPLS/APLS) pour mettre un terme à vingt années de conflit armé interne dans le sud du pays. Les deux parties au conflit auraient signé un « texte » sur les droits humains, lequel garantirait la protection des droits humains fondamentaux. Amnesty International appelle les deux parties et les médiateurs internationaux présents lors des discussions à mettre en place des garanties visant à mettre fin à la détention arbitraire de personnes soupçonnées d’être des opposants politiques au Soudan.

« Conformément au droit international relatif aux droits humains, toute personne détenue doit pouvoir contacter ses proches, consulter un avocat, recevoir des soins médicaux si nécessaire ; elle doit, dans un délai raisonnable, être inculpée d’une infraction prévue par la loi ou remise en liberté », a déclaré Amnesty International.

Complément d’information

Le 13 octobre, Hassan el Tourabi, dirigeant du Congrès national populaire (CNP), ainsi que d’autres membres de son parti, parmi lesquels Youssouf Mohamed Saleh Libis, ont été remis en liberté par décret présidentiel. Ce décret autoriserait la réouverture du siège du parti d’opposition et la publication de son journal. Selon Hassan el Tourabi, sa remise en liberté serait due à la fois aux pressions nationales et internationales en faveur de plus de liberté politique et de la paix au Soudan.

Hassan el Tourabi avait été arrêté en février 2001 après avoir signé un protocole d’accord avec le MPLS (Mouvement populaire de libération du Soudan) et inculpé d’infractions apparentées à des « crimes contre l’État ». Malgré deux décisions de la Cour constitutionnelle qui s’était prononcée pour sa remise en liberté après une certaine période, sa détention avait été prolongée, d’abord au titre de la Loi relative aux forces de sécurité nationale, puis par décret présidentiel. Il avait été transféré de la prison de Kober pour être assigné à résidence en mai 2001. Il n’a jamais comparu devant un tribunal.

Youssouf Mohamed Saleh Libis avait été arrêté par les forces de sécurité en février 2002. Il a été placé à l’isolement pendant plusieurs semaines avant d’être transféré à Kober, la prison principale de la capitale Khartoum. Il n’a été inculpé d’aucune infraction reconnue par la loi.

Il y a quatre jours, Mohamed Fergerai, membre du Congrès beja, un parti politique de l’est du Soudan, a été remis en liberté. Il avait été arrêté le 28 septembre 2003, pour avoir, semble-t-il, critiqué la politique du gouvernement dans l’est du Soudan lors d’un symposium à l’université Al-Nilain de Khartoum. Il aurait été détenu dans la prison de Kober sans inculpation jusqu’à sa remise en liberté.

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